L'efficacité des mécanismes juridiques internationaux de protection des droits de l'homme.par Saintchrist Phylo Eboungou Ondombo Université Marien Ngouabi, Congo Brazzaville - Master 2 en droit public 2020 |
B-Une intervention accrue du conseil de sécuritéLe niveau d'intégration des droits humains dans le travail des Nations Unies est variable selon ses différents organes. Le Conseil de sécurité, organe de l'ONU chargé de la responsabilité principale du maintien de la paix, du règlement pacifique des conflits, de l'action coercitive en cas d'agression ou de menace d'agression, recours à des méthodes d'apaisements des conflits, condamne maintenant assez souvent les violations du droit international humanitaire tout comme celui relatif aux humains dans ses résolutions et recommandation. Il intègre dans ses opérations de maintien de la paix, des composantes spécialisées dans les droits humains avec parfois des mandats assez étendus. En effet, d'après le professeur Gérard COHEN-JONATHAN, le Conseil de sécurité a joué et continue de jouer un rôle important de maitre d'oeuvre de la communauté internationale en matière de contre-mesures à la suite des violations massives des droits de l'homme. Ce nouvel élément lui a permis de mettre au point un certain nombre d'actions coercitives en vertu de l'article 39 de la Charte des Nations Unies, fondant sa compétence au titre du chapitre VII355. Mais de telles interventions ne sont que ponctuelles et limitées, ce qui nécessite impérativement un accroissement des capacités d'intervention. C'est au regard de ceci que la Déclaration de la Laguna avait suggéré que : « le Conseil de sécurité qui est par la force des choses, amené à se préoccuper chaque jour davantage du respect des droits de l'homme, devrait utiliser pleinement les moyens que lui offre l'article 39 de la Charte des Nations Unies, en tirant toutes les conséquences du fait que les grosses violations des droits de l'homme constituent une menace contre la paix et la sécurité internationale »356. Dans ce contexte, il importe qu'une réforme en profondeur et complète soit faite de manière à rendre cette institution plus représentative, plus transparente et afin que ses décisions soient acceptées, jugées légitimes et réellement appliquées. La réforme porterait sur l'usage du droit de veto, la détermination des règles à propos de l'usage de la force ainsi que sur le renforcement des pouvoirs en matière des droits de l'homme après un éventuel élargissement de l'institution. Tout d'abord, comme l'a si bien suggérée la Déclaration de la Laguna de 1992 en prélude de la conférence de Vienne de 1993, il serait judicieux d'interdire tout usage du droit de veto par 355 COHEN-JONATHAN (Gérard), « L'évolution du droit international des droits de l'homme ».Op.Cit., pp 118-119. 356 « Déclaration de la Laguna », Op.Cit., p.407. 114 les Etats membres permanents du Conseil de sécurité lors des discussions sur l'examen des situations de violations graves et massives des droits humains ou en ce qui concerne les mesures à prendre à l'égard d'un quelconque Etat dont la responsabilité pour lesdites violations est clairement établie357. Par la suite, de l'avis du professeur Paul TAVERNIER, le groupe de personnalités de haut niveau chargé d'élaborer le rapport sur « les menaces, les défis et le changement » publié le 2décembre 2004 accepta que les normes et les règles gouvernant l'utilisation de la force dans les relations internationales devraient être plus détaillées, notamment en cas de génocide et autres tueries massives. Prenant non seulement compte de la légalité de l'emploi de la force, mais aussi sa légitimité, le groupe considère que le Conseil de sécurité, lorsqu'il autorise ou approuve un tel emploi, devrait tenir compte d'un certain nombre de critères Il estime que « les directives régissant l'usage de la force devraient être consignées dans des résolutions déclaratoires du Conseil de sécurité et de l'Assemblée générale » et que tous les Etats membres devraient y souscrire358. En ce qui concerne, enfin l'élargissement du Conseil de sécurité, celui-ci doit être plus le reflet des réalités géopolitiques modernes. Il doit, comme le souligne Joschka FISCHER mieux représenter une organisation internationale qui comprend aujourd'hui 191 membres, ce qui est inconcevable sans augmenter le nombre de sièges, permanents et non permanents. Un tel élargissement est évident parce que, poursuit-il, un Conseil composé d'un plus grand nombre de membres seraient mieux accepté au plan international, ce qui lui conférait une plus grande autorité et inciterait clairement davantage les nouveaux membres du Conseil de sécurité à s'engager plus durablement dans la réalisation des objectifs de l'ONU. L'élargissement doit refléter convenablement des mutations telles que la décolonisation, la fin de la guerre froide et la mondialisation. Pour cela, toutes les grandes régions du Sud doivent y être représentées en qualité de membres permanents à savoir, l'Afrique, l'Asie et le Pacifique, l'Europe ainsi que les Amériques359. Concrètement, le groupe de personnalités de haut niveau a suggéré d'adjoindre neuf nouveaux membres, soit un conseil composé de 24 membres sans toutefois avoir pu tomber d'accord sur 357 Cette proposition a été réitérée par Amnesty International en référence au rapport du Groupe de personnalités de Haut niveau. Voir à ce sujet : Le Communiqué de presse du 26 juillet 2005 sur la réforme des Nations Unies, Index AI : IOR40/021/2005. 358 TAVERNIER (Paul), « Soixante ans après : la réforme du Conseil de sécurité est -elle possible ? » In Actualisé et Droit International, août 2005 ( http://www.ridi.org/adi/). 359 FISCHER (Joschka), Op.Cit. 115 une formule unique en matière de la disposition par les Etats entrants du droit de veto, du moins pour certains d'entre eux conformément aux « formules A et B »360 ou toute autre proposition viable en terme de nombre et d'équilibre. Une fois réformé, le Conseil de sécurité constituerait un appui ultime au nouveau Conseil des droits de l'homme ou, pour reprendre les propos du professeur Olivier DE FOURVILLE, de la nouvelle Commission d'experts indépendants au mandat général de promotion, de protection et de développement du droit international dans ce domaine. Il constituerait l'un des organes pouvant saisir le nouveau Conseil des droits de l'homme en plus de la possibilité de ce dernier, grâce à ces nouveaux pouvoirs, d'effectuer les enquêtes sur place. Cette possibilité de saisine permettrait de conserver l'un des acquis fondamentaux de ces dernières années, à savoir, la possibilité pour le Haut-Commissaire aux droits de l'homme de créer des commissions d'experts indépendants. Ainsi, avec ces modes de saisines l'on espère qu'aucune situation de violation grave des droits de l'homme ne sera plus ignorée à l'avenir361. Enfin, il est aussi important de souligner que la protection effective des droits de l'homme passe par l'existence d'une véritable cohésion de tout le système des Nations Unies. Il s'agit, en effet, de ses agences, fonds et programmes qui ont pris de l'extension et de l'ampleur dans le temps. La portée de leurs activités ayant entraîné un important chevauchement de mandats et d'actions des organes de l'ONU. Figurant parmi les priorités de la réforme des Nations Unies, l'accroissement de la cohérence du système d'agences en renforçant, par exemple, le rôle des coordonnateurs résidents, en donnant au système d'intervention humanitaire les moyens de réagir sans délai aux situations d'urgence, etc. ; devrait entraîner une coopération renforcée et plus systématique avec d'autres partenaires. Une meilleure cohérence est aussi fondamentale lorsque les nouveaux organes et structures de protection des droits de l'homme des Nations Unies seront créés. C'est ainsi que le nouveau Conseil des droits de l'homme devra être bien intégré dans le système onusien notamment par la création de véritables liens entre eux. Les réformes mentionnées ci-dessus n'écartent en rien la révision ou l'amélioration du cadre normatif et juridictionnel dont l'importance n'est sans nul doute non négligeable pour une meilleure protection des droits de la personne humaine. 360 Selon la formule A, il serait créé six sièges permanents sans droit de veto et trois nouveaux sièges non permanents avec mandats de deux ans tandis que pour la formule B, il n'y aurait pas de nouveau siège permanent, mais plutôt la création d'une nouvelle catégorie de sièges avec mandat renouvelable de quatre ans. 361 DE FOURVILLE (Olivier), « Pour une autre réforme de la Commission des droits de l'homme de l'ONU » In Le monde, 29 avril 2005 ( http://web.radicalparty.org/pressviex/printright.php/) 116 |
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