B-La Conférence des Chefs d'Etat et de
Gouvernement
Véritable organe de décision du mécanisme
régional Africain des droits de l'homme à cause de sa
prééminence dans le processus décisionnel, la
Conférence des chefs d'Etat et de gouvernement détient en fait le
droit d'initiative vis-à-vis de la Commission le pouvoir de
contrôle et celui de décision. Toutes les décisions finales
relatives à l'aspect de la protection des droits de l'homme et des
peuples par la Commission relève ainsi de la compétence des Chefs
d'état et de gouvernement, cet organe joue donc un véritable
rôle de censure de la Commission217.
En effet, La Conférence des chefs d'Etat et de
Gouvernement est comme son nom l'indique, composée des chefs d'Etats et
de Gouvernement des Etats membres de l'Union Africaine ou de leurs
représentants dûment accrédités218. Au
début de chaque session, la Conférence des chefs d'Etat
élit le président de la Conférence ainsi que huit
présidents de séance219. Il est d'usage de nommer au
poste de président de la conférence le chef de l'Etat hôte
de cette dernière220.
Le président exerce les fonctions traditionnelles en
matière : « intérieur et il prononce l'ouverture et la
clôture des séances, présente pour approbation les
procès-verbaux des séances, dirige les débats, accorde la
parole, met aux voix les sujets en discussion, proclame les résultats
des votes, statue sur des questions de procédure conformément aux
dispositions de la Charte et du règlement veille sur le
déroulement des débats en vue de leur assurer un état
permanent d'ordre et de dignité »221.Le
président de la conférence des Chefs d'Etat possède en
outre une attribution non prévue par les textes mais relativement
importante : la présidence de l'U.A durant les douze mois qui suivent sa
désignation222.
La Conférence des Chefs d'Etat est selon l'article 8 de
la Charte de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA), l'organe
suprême de l'Organisation aujourd'hui l'UA223. Les
pères
217 OUMBA (Parfait), Les mécanismes de
contrôle et de garantie des droits de l'homme Master Droit international
des droits de l'homme, Cameroun 2016 P.27.
218 Article 9 de la Charte de l'OUA
219 Article 9 du Règlement intérieur de la
Conférence
220 SEASAY OLUSOLA (Amadou) et FASEHUN (Orobola), The O.A.U.
After Twenty Years, Boulder and London, Westview Press, 1984, p.7.
221 Article 10 du règlement intérieur de la
Conférence
222 Il a ainsi la possibilité d'exercer « une
magistrature d'influence d'un sommet à l'autre. Il personnifie
l'Organisation dont il peut apparaître comme l'interlocuteur, parfois
même comme la cheville ouvrière », EDMOND (Jouve),
L'Organisation de l'Unité Africaine, Paris, PUF, 1984 p.57.
223 Le Conseil des Ministres est responsable devant la
Conférence des chefs d'Etat (Article 13 de la charte de l'OUA) et le
secrétaire général de l'OUA (et ses secrétaires
adjoints) est pour sa part, responsable devant le Conseil des Ministres
(article 7 du règlement intérieur du secrétariat
général) et il peut être révoqué par la
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fondateurs de l'OUA avaient voulu en faire « la
conscience du continent, le forum où seront débattues toutes les
questions importantes qui intéresse l'Afrique224 et elle
s'avère en effet être l'institution par excellence, le tout de
l'Organisation ; elle est l'Organisation même (...)
»225.
C'est à elle qu'il revient d'examiner les questions
présentant un intérêt commun pour les pays africains et de
coordonner et d'harmoniser la politique générale de
l'organisation. Elle peut également procéder à la
révision de la structure, des fonctions et de l'activité de tous
les organes et de toutes les institutions spécialisées qui
pourraient être créées conformément à la
Charte de l'OUA226. Elle nomme le secrétaire
général de l'Organisation et ses adjoints227, elle
crée les commissions spécialisées qu'elle juge
nécessaires228 et prend toutes les décisions relatives
à l'interprétation229ou à la modification
230de la Charte consultative de l'Organisation.
Ensuite, la Conférence des chefs d'Etat se
réunit au minimum une fois par an ; elle peut également se
réunir en session extraordinaire à la demande de tout Etat membre
de l'organisation mais avec l'accord des deux tiers des Etats
membres231. Au cours de chaque session ordinaire, la
Conférence des chefs d'Etat décide la majorité simple du
lieu où se tiendra la session suivante232. Toute la
séance de la conférence des Chefs d' Etat se déroule
à huit clos sauf décision contraire de celle-ci prise à la
majorité des deux tiers de ses membres233.
Conférence (article 36 du règlement
intérieur de la conférence) ; quant aux membres de la Commission
de Médiation, de conciliation et d'Arbitrage, ils sont révocables
par la conférence (Article IV du Protocole de Médiation, de
conciliation et d'Arbitrage).
224 BOUTROS BOUTROS (Ghali), L'Organisation de
l'Unité Africaine, Paris, Librairie Armand Colin, 1969, p. 110.
225 AHANHANZO GLELE (Maurice), Introduction à
l'OUA., p.45. ; Voir aussi BORELLA (François), Le
système juridique de l'OUA, AFDI, 1971, p.236.
226 Voir par exemple l'Union des Chemins de fer (UAC), la
Commission Africaine de l'Aviation Civile (CAFAC), l'Union Panafricaine
d'Information (PANA), sur ce point cf, GLELE AHANHANZO (Maurice),
Introduction à l'OUA., pp 33-35
227 Articles 16 et 17 de la Charte de L'OUA
228Ibid, article 20 ; ces Commissions
spécialisées sont actuellement au nombre de trois : la
Commission
économique et sociale, la Commission de
l'éducation, de la science, de la culture et de la santé et la
Commission
de la défense ; il est difficile de considérer
comme telle la Commission africaine des droits de l'homme et des
peuples dans la mesure où elle n'a pas une composition
politique contrairement à la prescription de l'article 21
de la Charte de l'OUA ; ses membres siègent en effet
à titre personnel (Article 31 (2) de la Charte Africaine).
229 Article 27 de la Charte de l'OUA.
230Ibid article 33
231Ibid article 9
232 Article 6 du règlement intérieur de la
Conférence
233Ibid article 7
71
Par ailleurs, le pouvoir de contrôle de la
conférence des chefs d'Etat s'exerce en premier lieu sur les moyens par
lesquels la Commission peut s'acquitter de sa mission générale de
promotion et de protection des droits de l'homme en Afrique. L'article 29 du
règlement intérieur de la Commission prévoit en effet que
celle-ci peut créer des « sous commissions d'experts »
mais seulement après approbation de la Conférence des Chefs
d'Etat qui aura en substance la possibilité de décider des
attributions et de la Composition de chaque sous-commission234.
D'autre part, la conférence exerce sur les
activités de la Commission un contrôle plus en amont mais tout
aussi réel dans la mesure où seuls les mouvements de
libération nationale reconnus par l'OUA. Peuvent être
invités par la Commission à participer à la discussion
d'une question les intéressant particulièrement235. Le
pouvoir de contrôle de la conférence des chefs d'Etat s'exerce en
second lieu par le biais de l'examen des rapports que doit annuellement
communiquer la Commission. Ce rapport d'activités de la Commission ne
pourra en effet être publié par son président
qu'après examen par la conférence des Chefs d'Etat.
Enfin, la Conférence des Chefs d'Etat n'intervient,
mais de manière déterminante, que dans le cadre de la
procédure relative aux communications d'origine extra-étatique.
La Commission n'a en effet que le seul pouvoir d'examiner la communication
« à la lumière de tous les renseignements que le
particulier et l'Etat partie intéressé lui ont communiqués
par écrit236 et d'attirer l'attention de la Conférence
des chefs d'Etat que si cette communication relate « des situations
particulières qui semblent révéler l'existence d'un
ensemble de violations graves ou massives des droits de l'homme et des peuples
»237.C'est ensuite par la Conférence des Chefs
d'Etat qu'il appartient de décider de l'opportunité d'une
étude approfondie sur lesdites situations238. La
Conférence est le principal organe décisionnel de l'Union
Africaine ; ses
234 On observera ici que la Commission peut également
créer des « comités » ou des « groupe de travail
» et ceci sans approbation préalable de la Conférence des
Chefs d'Etat mais sur simple consultation du secrétaire
général (article 28 du Règlement intérieur de la
Commission) ; cette plus grande souplesse s'explique essentiellement par le
fait que ces comités ou groupes de travail ne peuvent être
composé que de membres de la Commission c'est-à-dire de personnes
initialement choisies par l'organe suprême de l'OUA
235 Article 73 du Règlement intérieur de la
Commission ; l'article 75 Participation d'autres organisations
intergouvernementales dispose pour sa part Les représentants des
organisations intergouvernementales auxquelles l'OUA a accordé le statut
d'observateur permanent et d'autres organisations intergouvernementales
désignées par l'OUA à titre permanent ou invitées
par la Commission, peuvent participer, sans droit de vote, aux
délibérations de la Commission sur les questions relevant du
domaine d'activité desdites organisations ; il ne ressort pas du
caractère disjonctif de ces conditions que l'approbation de la
Conférence des Chefs d'Etat soit ici nécessaire.
236 Article 118 (1) du Règlement intérieur de la
Commission
237 Article 58 (1) de la Charte Africaine ; aux termes de
l'article 118 (2) du Règlement intérieur de la Commission,
celle-ci peut au même moment lui faire également part de ses
constatations en la matière
238 Article 58 (2) de la Charte Africaine et article 118 (3) du
Règlement intérieur de la Commission
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pouvoirs sont considérables au sein de l'organisation.
Elle précise notamment l'orientation générale des
politiques que devra mener l'Union Africaine, et autorise celle-ci à
intervenir dans un Etat membre en cas de crise grave, parmi ces crimes nous
pouvons citer crimes de guerre239, crimes de
génocide240 ou contre l'humanité241. La
saisine de la commission par un Etat partie est automatique concernant les
articles 47 et 49 de la Charte. En effet, tout Etat partie qui considère
qu'un autre Etat partie a violé les dispositions de la Charte a la
possibilité, par communication écrite, d'attirer l'attention de
cet Etat et de lui demander des explications concernant l'article 47 de la
Charte.
En somme, en tant qu'organe politique suprême de l'Union
Africaine, la Conférence des chefs d'Etat constitue également
à n'en pas douter l'organe décisionnel par excellence du
système de sauvegarde prévu par la Charte Africaine. Comme les
organes politiques des deux autres organisations régionale, le
Comité des Ministres du Conseil de l'Europe et l'Assemblée
générale de l'OEA dans le cadre des instruments pertinents, la
conférence des chefs d'Etat est chargée de la nomination des
membres de la Commission. Mais contrairement à celui-ci, elle exerce
sans partage les responsabilités les plus décisives en
matière de protection des droits de l'homme et des peuples garantis par
la Charte Africaine.
239 L'article 8 du statut de Rome de la Cour pénale
internationale définit le crime de guerre comme les infractions graves
aux Conventions de Genève du 12 aout 1949, à savoir l'un
quelconque des actes ci-après lorsqu'ils visent des personnes ou des
biens protégés par les dispositions de la Convention de
Genève. Sont qualifier crime de guerre l'homicide intentionnel ; la
torture ou les traitements inhumains, y compris les expérience
biologiques, la prise d'otage, le fait de priver intentionnellement un
prisonnier de guerre ou tout autre personne protégée de son droit
d'être jugé régulièrement et impartialement, la
détention illégale ; le fait de contraindre un prisonnier de
guerre ou une personne protégée à servir dans les forces
d'une puissance ennemie, le fait de causer intentionnellement de grandes
souffrances ou de porter gravement atteinte à l'intégrité
physique ou à la santé.
240 L'article 6 du Statut de Rome de la Cour pénale
internationale définit le crime de génocide comme l'un quelconque
des actes ci-après commis dans l'intention de détruire, en tout
ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux. Sont
qualifié acte de génocide :a) Meurtre de membres du groupe ;b)
Atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de
membres du groupe ;c)Soumission intentionnelle du groupe à des
conditions d'existence devant entrainer sa destruction physique totale ou
partielle ;d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe
;e) Transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe.
241 L'article 7 du Statut de Rome de la cour pénale
internationale définit le crime contre l'humanité comme l'un
quelconque des actes ci -après lorsqu'il est commis dans le cadre d'une
attaque généralisée ou systématique lancée
contre toute population civile et en connaissance de cette attaque. Sont
considérée comme crime contre l'humanité les actes
ci-après :a) Meurtre ;b) Extermination ;c)Réduction en esclavage
;d) Déportation ou transfert forcé de population ;e)
Emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté physique en
violation des dispositions fondamental du droit international ;f) Torture ; g)
Viol, esclavage sexuel, prostitution forcée, grossesse forcée,
stérilisation forcée ou tout autre forme de violence sexuelle de
gravité comparable ;h) disparition forcées des personnes ;i)
Crime d'apartheid ;j) Autre actes inhumains de caractère analogue
causant intentionnellement de grande souffrances ou des atteintes graves
à l'intégrité physique ou à la santé
physique et mentale.
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