L'efficacité des mécanismes juridiques internationaux de protection des droits de l'homme.par Saintchrist Phylo Eboungou Ondombo Université Marien Ngouabi, Congo Brazzaville - Master 2 en droit public 2020 |
Section II : Le Système Africain de Protection des Droits de l'hommeL'Afrique est l'un des trois continents, avec l'Europe et les Amériques, disposant d'une organisation intergouvernementale régionale qui s'est progressivement dotée d'instruments et de systèmes spécifiques de protection des droits de l'homme. La garantie des droits de l'homme dans ce continent est établie par la Charte Africaine des droits de l'homme et des peuples (Paragraphe I). Il existe aussi au sein du continent, des organes juridictionnels de contrôle et de garantie pour une meilleure protection des droits de l'homme (Paragraphe II). 191 GROS ESPIELL (Hector), Op.Cit., p.246. 65 Paragraphe I : La Charte Africaine des droits de l'homme et des peuples : principal instrument de protection des droits de l'homme sur le Continent.La Charte Africaine des droits de l'homme est l'instrument principal de protection des droits de l'homme en Afrique192.Autrement dit, elle est la plus grande organisation régionale de défense des droits humains ou encore la pierre angulaire du système africain de protection de la personne193, même si le système Africain de protection des droits de l'homme est fondé selon les articles 6 et 61 de la Charte Africaine sur l'application du droit international relatif au droit de l'homme qui renvoie aux instruments internationaux dument ratifiés par les Etats Africains et autres textes régionaux Africains194. La Charte Africaine des droits de l'homme et des peuples également appelée Charte de Banjul, a été adoptée par les Etats membres de l'organisation de l'unité Africaine (OUA) aujourd'hui L'Union Africaine (UA) le 27 juin 1981195 à Nairobi (KENYA), il est entré en vigueur le 21 octobre 1986196 après ratification du Niger197.Cette Charte est un traité multilatéral de droit international qui engagent les Etats signataires à mettre en oeuvre son contenu dans leur droit national. Elle est fondée sur les vertus des traditions historiques et des valeurs de civilisation Africains ; ce qui selon certains seraient incompatible avec le discours universel des droits de l'homme198. C'est pourquoi tenant compte « des vertus des traditions historiques et des valeurs de civilisation Africaine qui doivent inverser et caractériser toute réflexion en matière des droits de l'homme ». La Charte protège simultanément la personne et les peuples en instituant de façon originale des devoirs vis-à-vis de la communauté. L'affirmation des droits des peuples constitue une originalité fondée sur le droit de tous les peuples à l'existence et à l'autodétermination199. Fatsah OUGUERGOUZ juge et vice-président à la Cour Africaine des droits de l'homme et des peuples note cependant que : « les points de convergence entre la Charte Africaine des droits de l'homme et des peuples et la Déclaration Universelle des droits de l'homme 192 TAVERNIER (Paul) : (ed) Recueil juridique des droits de l'homme en Afrique (1996-2000), Bruxelles, Bruylant, Collection du crédho (vol2), 2002, p.365. 193 KHADRE DIOP (Abdou), « La Cour Africaine des droits de l`homme et des peuples : compte rendu de la conférence du 22 octobre 2013 organisé par la clinique de droit international pénal et humanitaire et partenariat avec les avocats sans frontières Canada, pp 72 (www.quidjustitiae/.Ca/blogue/la.) 194 BOUKONGOU (Jean-Didier), « Le système Africain de protection des droits de l'homme », in protection des droits de l'homme en Afrique, Manuel des formateurs, presses de l'UCAC, 2007, p.114. 195 BADARA FALL (Alioune), « La Charte Africaine des droits de l'homme et des peuples : entre universalisme et régionalisme », pouvoirs, 2009, no129, pp.16. 196 YEMET ETEKA (Valère), La Charte Africaine des droits de l'homme et des peuples, Paris, l'harmattan 1996, p.46. 197Ibid 198 DELMAS (Marty), Trois défis pour un droit mondial, Paris, Seuil, 1998, pp 25-44. Cité par Roger Koussotogue, Op.Cit.p.53. 199 Ibid. 66 l'emportent en effet nettement sur leur différences »200. A travers la Charte, le système Africain de protection des droits de l'homme est constitué de deux organes principaux de contrôle du respect des droits de l'homme201. Il s'agit de la Commission Africaine des droits de l'homme et des peuples (A) et la Conférence des chefs d'Etat et de gouvernement (B). A-La Commission Africaine des droits de l'homme et des PeuplesMise en place le 2 novembre 1987, la commission Africaine des Droits de l'homme et des peuples202 dont le siège est à Banjul, capitale de la Gambie dans la douceur humide des palmiers et des brises océaniques203 est la dernière-née des institutions régionales de protection des droits de l'homme à vocations générale. Elle constitue la pièce essentielle du mécanisme de sauvegarde prévu par la Charte Africaine des Droits de l'homme204 adoptée le 27 juin 1981 à Nairobi (KENYA) par la XVIIIème conférence des chefs d'Etat et de gouvernement de l'OUA et entrée en vigueur le 21 octobre 1986205.Des trois organes sollicités dans le fonctionnement de ce mécanisme de sauvegarde, elle est le seul à avoir été créé spécialement pour la circonstance, les deux autres organes étant la conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA) aujourd'hui l'union Africaine (U.A) et le secrétaire Général de cette même organisation. En effet, La Commission est le principal organe sollicité dans le processus de contrôle de l'application de la Charte Africaine. Aux termes de l'article 30 de la Charte Africaine, la Commission est « chargée de promouvoir les droits de l'homme et des peuples et d'assurer leur protection en Afrique ».La Commission Africaine des droits de l'homme et des peuples 200 OUGUERGOUZ (Fatsah) ; La Charte Africaine des droits de l'homme et des peuples, une approche juridique des droits de l'homme, entre tradition et modernité, Paris, PUF, 1993, p.67. 201 KAMTO(Maurice), La Charte Africaine des droits de l'homme et des peuples et le protocole y relatif portant création de la Cour Africaine des droits de l'homme, commentaire article par article, Bruxelles, Bruylant, édition de l'université de Bruxelles, 2011. p.18. 202 Voir le site de la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples rubrique instruments juridiques (en ligne) disponible sur http://www.achpr.org/fr/instruments. 203 Le siège ne pouvait être abrité que par un Etat qui a ratifié la Charte Africaine et qui offrait à la Commission des facilités importantes et substantielles d'installation de travail et de recherche, Recommandation relative au siège de la Commission Africaine des Droits de l'homme et de Peuples, Doc, O.U.A AFR/COM/HPR/AC-TY/RTP (III), Annexe VI, Lors de sa XXIVe session (25-28mai 1988), la Conférence des chefs d'Etat a finalement choisi la Gambie dont la capitale a accueilli les deux conférences ministérielle préparatoires à l'adoption de la Charte, Doc. O.U.A AHG/Dec.1 (XXIV) ; le siège a été inauguré le 12 Juin 1989. 204 Documentaire de l'Organisation de l'Unité Africaine CAB/LEG/67/3/Rev. 205 Au 1er Mars 1989, 36 Etats Africains étaient parties à la Charte Africaine :Algérie, Bénin, Botswana, Burkina Faso, Cap Vert, République Centrafricaine, Tchad, Comores, Congo, Egypte, Guinée Equatoriale, Gabon, Gambie, Ghana, Guinée Bissau, Libéria, Libye, Mali, Mauritanie, Niger, Nigéria, Rwanda, République Arabe Démocratique Sahraouie, Sao Tomé et Principe, Sénégal, Sierra Léone, Somalie, Soudan, Togo, Tunisie, Ouganda, Tanzanie, Zaïre (actuel République Démocratique du Congo) Zambie, Zimbabwe. 67 est composée de onze membres206 élus au scrutin secret par la conférence des chefs d'Etat et de gouvernement207 sur proposition des Etats parties à la Charte Africaine (article 33). Les candidats doivent avoir la nationalité d'un Etat partie à cette convention208 ; ils doivent en outre satisfaire aux traditionnelles exigences de moralité, d'intégrité, d'impartialité et de compétence et posséder une compétence en matière des droits de l'homme et des peuples (article 31).La première élection de la commission Africaine des Droits de l'homme et des peuples a eu lieu le 29 Juillet 1987 lors de la 23e session ordinaire de la conférence des chefs d'Etat et de gouvernement de l'OUA elle s'est déroulée en tenant dûment compte du principe de répartition géographique équitable entre le Nord, le Sud, l'Est, le Centre et l'Ouest de l'Afrique209. Ensuite, La Commission élit parmi ses membres un Président et un vice-président pour une période de deux années renouvelable (article 42)210. Le secrétaire général de la Commission est pour sa part désigné par le secrétaire de l'OUA aujourd'hui Union Africaine (U.A)qui fournit également le personnel et les moyens nécessaires au fonctionnement de la Commission (article41)211. Les articles 30 et 45 de la Charte Africaine investissent la 206 Cette composition restreinte est à comparer avec celle de la Commission Européenne des Droits de l'homme qui comprend un membre par Etat partie (article 20 de la Convention Européenne. La lourdeur qu'aurait impliquée la représentation de chaque Etat partie (l'OUA comptait 50 Etats membres) justifie très certainement une telle ; la Commission Interaméricaine des Droits de l'homme ne comprend également qu'un nombre de membre (7) très inférieur à celui des Etats membres de l'OEA ou partie à la Convention Américaine (partie II de la résolution VIII de la Cinquième Réunion de Consultation des Ministres des Affaires Etrangères créant cette Commission Santiago-du-Chili, aout 1959 et article 34 de la Convention Américaine). 207 Ainsi, comme dans le système européen et Américain, les commissaires sont élus par les organes pléniers de l'organisation régionale intéressée (article 21 de la Convention Européenne et l'article 36 de la Convention Américaine) ; les Etats non parties aux instruments en question participent donc au vote au même titre que les Etats qui sont en parties. L'article 30 (4) du Pacte des Nations Unies relatif aux droits civils et politiques réserve, pour sa part, aux seuls Etats parties la participation à l'élection des membres du Comité des Droits de l'homme. 208 Cette condition a pour conséquence de limiter le choix des Etats en la matière. La Convention Américaine (article 36), pour sa part exige simplement que les candidats soient des ressortissants d'un Etat membres de l'OEA. Quant à la Convention Européenne (article 21), elle n'exige non plus que les commissaires aient la nationalité d'un Etat partie, ni même celle d'un Etat membre du Conseil de l'Europe ; la même règle est également applicable aux membres de la Cour Européenne qui comprenait un juge canadien (Ronald Saint Jones Mac-Donald) présenté par le liechtenstein. 209 Ont été élus : -Pour l'Afrique du Nord, Ali Mahmoud Abou Hadiyah (Libye) et Ibrahim Ali Badawi El sheikh (Egypte), -Pour l'Afrique Australe, M.D Mokama (Botswana) et MubangaChipoya CLC (Zambie), -Pour l'Afrique Centrale, Gabou Alexis (Congo) et Isaac Nguema (Gabon), -Pour l'Afrique de l'Ouest, Beye Alioun Blondin (Mali), Youssoupha Ndiaye (Sénegal) et Souharata N. Semaga Janneh (Gambie), Doc, OUA, AFR/COM/HPR/2 (I), Annexe II. Le Commissaire Ougandais, ayant démissionné pour les raisons personnelles le 25 avril 1989, a été remplacé par U.OjiUmozurike (Nigéria) ; cette composition est resté inchangée à la date du 31 décembre 1989. 210 Lors de sa sixième session ordinaire (Banjul, 23 octobre-4 novembre 1989), la Commission a élu U.O Umozurike (Nigéria), Président et Gabou Alexis (Congo), vice- président, et Ibrahim Ali Badawi El-Sheikh (Egypte) 211 Depuis le 10 février 1989, le poste de Secrétaire de la Commission était occupé par Jean Ngabishema Muntsinzi désigné en remplacement de Mme Esther Tchouta-Moussa. 68 Commission de trois fonctions principales : la promotion des droits de l'homme et des peuples en Afrique, leur protection et l'interprétation de toute disposition de cet instrument. Les attributions de la Commission en matière de promotion des droits de l'homme et des peuples sont relativement plus larges et la Commission accorde une importance toute particulière à cette fonction ; dès sa deuxième session (Dakar, 8-13 février 1988), elle a en effet adopté un vaste programme d'action envisageant dans le détail les principaux aspects de son activité de promotion telle qu'elle a été fixée par l'article 45 (1) de la Charte Africaine. La commission a tout abord un rôle d'information et de recherche ; c'est là l'activité de promotion par excellence dans la mesure où elle a pour objet la sensibilisation de l'opinion publique Africaine à la question des droits de l'homme et des peuples. A ce propos la Commission consiste à : « -Rassembler la documentation, faire des études et des recherches sur les problèmes africains dans le domaine des Droits de l'homme et des peuples212 ;Organiser des séminaires, des colloques et des conférences213 et à diffuser des informations ; encourager les organismes nationaux et locaux s'occupant des droits de l'homme et des peuples214 ». La Commission joue aussi un rôle auprès des Etats Africains, A ce propos, elle a notamment mission de formuler « des principes et règles qui permettent de résoudre les problèmes juridiques relatifs à la jouissance des droits de l'homme et des peuples et des libertés fondamentales »215. Il s'agit en quelque sorte ici d'un rôle d'expertise en matière d'harmonisation des législations nationales avec les dispositions de la Charte Africaine. Elle a aussi pour mission de « coopérer avec les autres institutions africaines ou internationales qui s'intéressent à la protection des droits de l'homme et des peuples »216. 212Charte Africaine, article 45 (1) littera a). 213 Id, la Commission Africaine, a par exemple organisé en collaboration avec l'Association Africaine de Droit international un « Séminaire sur les droits de l'homme et le pouvoir judiciaire en Afrique » à Banjul en (Gambie) du 13 au 17 novembre 1989. 214 Charte Africaine, article 45 (1) littera a). Comme exemple de tels organismes nationaux autonomes chargés de protéger et de promouvoir les droits de l'homme, on peut citer la Commission Nationale des Droits de l'homme créé par le gouvernement Togolais le 9 juin 1987 ; celle-ci est composée de 13 membres : 2 magistrats, 2 avocats, 1 député, 1 représentant du Conseil économique et social, 1 représentant de la jeunesse, 1 représentant des travailleurs, 1 représentante des femmes, 1 représentant des chefs traditionnels, 1 médecin, 1 enseignant en droit et 1 représentant de la croix rouge Togolaise. 215 Charte Africaine, article 45 (1) 216Ibid 69 |
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