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L'efficacité des mécanismes juridiques internationaux de protection des droits de l'homme.


par Saintchrist Phylo Eboungou Ondombo
Université Marien Ngouabi, Congo Brazzaville - Master 2 en droit public 2020
  

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B-Une autorité incontestablement renforcée des arrêts

Outre les effets liés à l'obligation d'exécuter les arrêts de la Cour et de leur reconnaître l'autorité de la chose jugée qui, dans l'ensemble, cadre bien avec le droit international général, ces arrêts sont susceptibles de déployer d'autres effets plus spécifiques, lesquels ont beaucoup animé la doctrine. Il est question de l'interprétation uniforme de la Convention (1) et de la mise en compatibilité du droit interne avec le droit européen jurisprudentiel des droits de l'homme (2).

179 SUDRE (Frédéric), Droit international et européen des droits de l'homme, Op.Cit., p.452.

180 Conseil de l'Europe, « Droit de l'homme : Exécution des arrêts de la Cour Européenne des droits de l'homme. Un mécanisme unique et effectif » ( http://www.coe.int/T/F/droits de l'homme/exécution/01 introduction.htm)

181 COHEN-JONATHAN (Gérard), « Quelques considérations... », Liber Amicorum Marc André Eissen, Op.Cit., p.53.

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1-Une interprétation uniforme de la Convention

Bien que les juges de Strasbourg n'aient développé une doctrine sur l'applicabilité directe ou la primauté du droit européen des droits de l'homme l'examen des résolutions de Comité des ministres montre que les autorités nationales sont enclines à se ranger à la jurisprudence de la Cour européenne. Ceci conduit à accorder crédit à la doctrine de la « chose interprétée » qui est « l'autorité propre de la jurisprudence de la Cour en tant que celle-ci interprète les dispositions de la Convention »182. L'autorité de la chose interprétée déborde les limites du cas d'espèce et se manifeste à l'égard des Etats contractants en raison de deux facteurs. D'une part, les juridictions nationales sont conscientes que la Cour apparaît particulièrement qualifiée pour dégager le sens et la portée des notions qu'utilise la Convention, notions qui, le plus souvent, dont autonomes, ne pouvant s'interpréter en fonction d'un système juridique quelconque de droit interne. D'autre part, les mêmes juridictions réalisent que la méconnaissance de l'autorité de la chose interprétée par la Cour comporte divers risques dont certains, s'ils se réalisent, entraîneraient fort probablement, sinon inévitablement, des sanctions juridiques sur le plan international.

Parmi ces risques, il y a d'abord, l'affaiblissement de l'application de la Convention qu'engendreraient, en effet, les conflits jurisprudentiels entre la Cour et les juridictions nationales. Ensuite, il y a risque pour les Etats qui ont incorporé le droit de la Convention dans leur ordre juridique interne et qui ont reconnu le principe de la primauté des règles du droit international conventionnel sur les normes du droit interne d'énerver la valeur de ce principe voire de le rendre inopérant.

Enfin, et surtout, le risque grave d'entrainer la responsabilité internationale de l'Etat car une jurisprudence nationale allant à l'encontre de celle interprétative de la Cour risque de constituer une violation des dispositions de la Convention et, partant, un acte internationalement illicite engageant la responsabilité de l'Etat183.

La doctrine de l'autorité interprétative des arrêts de la Cour européenne engendre, ainsi que l'affirme le professeur Alphonse SPIELMANN, « une prise en compte, d'abord dans les Etats concernés, en suite dans les autres Etats membres qui suivent de près, de la jurisprudence de

182 SUDRE (Frédéric), Droit international et européen des droits de l'homme, Op.Cit., pp 458-460.

183 VELU (Jacques) et ERGEC (Rusen), Op.Cit., pp 1078-1079.

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Strasbourg »184. Et au professeur Rusen ERGEC de renchérir : « en vertu de cette doctrine, le juge interne applique désormais les clauses de la Convention telles que celle-ci viennent d'être interprétées par l'arrêt de la Cour de Strasbourg »185.

Ainsi s'affirme la vocation de la jurisprudence européenne à être un instrument d'harmonisation des régimes juridiques des droits de l'homme dans les Etats contractants. Aux yeux même de la Cour, « ses arrêts servent non seulement à trancher les cas dont elle est saisie, mais plus largement à clarifier, sauvegarder et développer les normes de la Convention, et à contribuer de la sorte au respect, par les Etats, des engagements qu'ils ont assurés en leur qualité de parties contractantes ». Par ces méthodes d'interprétation de la Cour, on assiste donc à une « européanisation » de sa jurisprudence qui lui donne sa cohérence et son autorité faisant preuve de l'existence d'un « droit commun européen »186. Dans l'affaire Irlande c/Royaume-Uni, la Cour a montré en quoi des obligations de ce genre ont un caractère « objectif » valable erga omnes. C'est pourquoi tous les Etats ont le devoir d'aménager l'ordre interne de façon à parvenir à « l'application effective » de toutes les dispositions de cette convention selon les termes de l'article 57187.D'autres exemples pratiques illustrent l'importance de cette construction jurisprudentielle.

Dans l'arrêt Lamy du 30 mars 1989, la Belgique fut condamnée du fait que sa législation ne prévoyait pas le droit d'accès au dossier de l'instruction d'une personne en détention préventive lors de sa première comparution. Dès lors, les juges belges ont appliqué la Convention conformément à l'interprétation faite par la Cour de Strasbourg et eu égard à la primauté de la Convention sur la loi interne.

Un autre jugement, plus récent celui-là, du tribunal correctionnel de Nivelles du 6 mai 1999 a fait une application fidèle de la doctrine de la chose interprétée en décidant, à la lumière de l'arrêt Van Ghysegem c. Belgique du 21 janvier 1999, que les juridictions ne peuvent, sans violer l'article 6 de la convention dur le droit à un procès équitable, interdire à un avocat qui assiste à un procès pour défendre son client, de le faire même en l'absence de ce dernier188.

184 SPIELMANN (Alphonse), « Et maintenant ? 50 ans après... Quelques remarques au sujet d'un anniversaire » In institut des droits de l'homme du Barreau de Paris, 50e anniversaire de la déclaration universelle des droits de l'homme, Cérémonie du 12 novembre 1998, p.67.

185ERGEC (Rusen), Op.Cit., p.151.

186 SUDRE (Frédéric), la Convention européenne des droits de l'homme, Op.Cit., p.75.

187 COHEN-JONATHAN (Gérard), « quelques considérations... », Liber Amicorum Marc André Eissen, Op.Cit., p.55.

188 ERGEC (Rusen), Op.Cit., p.152.

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Un élargissement progressif et certain des domaines et des matières ou la garantie des droits assurés implique, de toute évidence, des révisions dans l'ordre juridique interne pour une mise en compatibilité avec la jurisprudence européenne et pour, ainsi s'aligner sur l'ordre public européen des droits de l'homme.

2-Une mise en compatibilité obligatoire du droit interne avec de la jurisprudence européenne

Un certain nombre d'arrêts constatant une violation de la Convention ont amené les Etats en cause, et parfois même d'autres à prendre des mesures d'ordre général pour s'y conformer ou les hautes juridictions internes à adapter leur jurisprudence qui s'opère par voie législative (ou réglementaire) ou par voie jurisprudentielle qui permettent de mesurer l'efficacité corrective des arrêts de la Cour. Mentionnant, à titre illustratif, la modification législative spectaculaire et rapide à la suite de l'arrêt Procola c/Luxembourg du 28 septembre 1995 dans l'affaire concernant l'impartialité du Comité du contentieux du Conseil d'Etat de Luxembourg. La Cour à, en effet, jugé notamment que le seul fait de reconnaitre à certaines personnes d'exercer successivement des fonctions consultatives et des fonctions juridictionnelles, à propos des mêmes décisions est de nature à mettre en cause l'impartialité structurelle de ladite institution.

Ainsi, par une loi du 27 octobre 1995, le législateur luxembourgeois a modifié la loi du 8 février 1861 portant organisation du Conseil d'Etat en joignant au Comité contentieux cinq autres membres suppléant. Cette solution provisoire fut remplacée par l'effet de la modification constitutionnelle et législative du 12 juillet 1996 qui a reformé complètement la procédure administrative contentieuse en créant de nouvelles juridictions administratives189. Dans certain cas, la simple saisine de la Cour Européenne a entrainé ou accélérée des changements dans l'ordre législatif, réglementaire ou jurisprudentiel. Les juridictions nationales prennent ainsi spontanément en compte les décisions de la Cour. L'attitude du Tribunal fédéral suisse comme celle de la Cour de cassation belge peuvent être relevées190.

189 SPIELMANN (Alphonse), Op.Cit., p.66.

190 D'autres exemples peuvent être cités : la Belgique qui a reformé son droit de la famille après le célèbre arrêt Marckx c/ Belgique (1979) ; le Royaume -Uni qui a modifié les lois répressives à l'encontre des homosexuels, après des arrêts où le Royaume-Uni avait condamné, à savoir, les arrêts sudgeon c/Royaume-Uni, LustigPrean et autres ; la France avec l'exemple de la loi du 10 juillet 1991 sur les écoutes téléphoniques, ou la réforme du livre des procédures fiscales qui a abrogé le droit de préemption fiscale. Voir COSTA (Jean-Paul), « La jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'homme » In TEITTGEN-COLLY (Catherine), Op.Cit., p.175 (163-176).

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Eu égard à tout ce qui précède, il est pertinent d'observer de la part des Etats un respect réel et sans exception des sentences. Cela constitue un point très positif qui prouve le degré de progrès et d'obéissance juridique auquel sont arrivés les Etats parties à la Convention européenne des droits de l'homme dans le domaine du respect juridictionnel des droits de l'homme.

Il n'y a donc pas de doute que l'action de la Cour européenne a contribué d'une manière primordiale à l'efficacité du contrôle et de la garantie régionale des droits de l'homme en Europe. Elle a assuré la crédibilité et l'efficacité du système régional de protection des droits de l'homme en le valorisant et en démontrant que la protection interne, dans le cadre des Etats démocratiques de droit, doit être complétée par la protection internationale. Elle a démontré que la protection internationale des droits de l'homme n'est pas incompatible avec la souveraineté de l'Etat correctement interprétée et délimitée. Bref, pour reprendre les propos du professeur Hector GROS ESPIELL ; « C'est dans le droit, dans l'action des juges internationaux indépendants qui savent, qui comprennent et appliquent le droit, que réside la plus sûre garantie de la protection des droits de l'homme. La protection la plus efficace des droits de l'homme est celle qui résulte du fonctionnement des tribunaux ou des Cours internationales, organes juridictionnels qui appliquent le droit international des droits de l'homme avec l'objectivité découlant d'un processus contradictoire, avec toute les garanties subséquentes et avec l'esprit de justice. Les organes politiques ou constitués d'experts indépendants mais non-juridictionnels peuvent aider ou compléter, mais jamais substituer la protection juridictionnelle essentielle »191. Après avoir étudié les systèmes européens de protection des droits de l'homme modèle très efficace de garantie (Section 1), nous allons porter un regard en Afrique pour étudier ces mécanismes de protection. Telles sont le but poursuivi dans la (section2).

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote