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L'efficacité des mécanismes juridiques internationaux de protection des droits de l'homme.


par Saintchrist Phylo Eboungou Ondombo
Université Marien Ngouabi, Congo Brazzaville - Master 2 en droit public 2020
  

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Paragraphe II : La technique juridictionnelle : Une protection effective des droits de l'homme

Le professeur Christian AUTEXIER écrit : « La caractéristique primordiale d'un droit fondamental est d'être justiciable ... c'est-à-dire susceptible d'être mis en oeuvre par un juge »163. Dans le cadre européen la garantie est justement dominée par le mécanisme judiciaire établi par la Convention des droits de l'homme dont le régime initial réalisait en deux temps. D'abord, toute requête individuelle ou étatique devait être adressée à la Commission européenne des droits de l'homme et, ensuite, le rapport de la Commission était transmis pour décision au Comité des ministres du Conseil de l'Europe. Ce dernier choisissait soit de saisir la Cour européenne, soit il décidait lui-même sur le bien-fondé de la violation164. Une réforme s'est imposée. Alors, le protocole n°11, ouvert à la signature le 11 mai 1994 et entrée en vigueur le 1er novembre 1998 a porté restructuration du mécanisme de contrôle établi par la Convention en remplaçant la Commission par une Cour nouvelle et à plein temps, en privant le Comité des ministres du Conseil de l'Europe de ses attributions juridictionnelles, et à rendre obligatoire le droit de recours individuel à Strasbourg165. La réforme qui remplace les article 19 à 56 de la Convention a eu pour but de répondre aux critiques formulées au système originaire notamment le double examen des requêtes qui ne pouvait pas faire face à l'explosion du nombre de requêtes individuelles introduit devant la Commission, la durée de la procédure pour obtenir une décision Au fond incompatible avec le principe de bonne administration de la justice166. Siégeant, dans la majorité des cas, en chambres de sept juges et, exceptionnellement, dans la Grande Chambre composée de dix-sept juges ; la nouvelle Cour unique est désormais compétente pour statuer en droit sur la violation alléguée de la convention et le contrôle européen des droits de l'homme est pleinement juridictionnel. Conformément aux articles 41(1) et 47, l'adhésion à la Convention emporte par elle-même la reconnaissance de la compétence obligatoire de la Cour suite à la suppression de la clause facultative par le protocole n°11. Elle demeure, dans le même temps, dotée d'attributions

163 AUTEXIER (Christian) Cité par FRESSEIX (Patrick) « Les droits fondamentaux, prolongement ou dénaturation des droits de l'homme ? » In Revue du Droit public et de la Science politique en France et à l'Etranger, N°2, Paris, LGDJ, Mars-avril 2001, p.549.

164 WACHSMANN (Patrick), Op.Cit., pp 226-228

165 BERGER (Vincent), « La gestion des requêtes par la Cour européenne des droits de l'homme » in Institut des droits de l'homme des avocats européenne et Institut des droits de l'homme du barreau de Bordeaux, « Le procès équitable et la protection juridictionnel du citoyen », Colloque organisé pour le cinquième anniversaire de la Convention européenne des droits de l'homme, Bordeaux, 29-30 septembre 2000, Bruxelles, Bruylant, 2001, pp 115-130

166 ERGEC (Rusen), Op.Cit., p.21.

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consultatives relatives à l'interprétation de la Convention et de ses protocoles (13 au total)167. Pouvant être saisie à la fois par un Etat partie (article 33) comme par toute personne physique ou toute organisation non gouvernementale et groupe de particuliers se prétendant victimes de violation (article 34), la Cour a établi une jurisprudence considérable. Même si le système de protection reste perfectible, les spécialistes s'accordent pour reconnaitre la grande valeur du mécanisme européen. En effet, de l'avis du professeur Vincent BERGER, depuis le 1er novembre 1998, « le nombre de requêtes enregistrées pendantes s'est accru d'environ 122%. Le rendement de la Cour a lui aussi beaucoup augmenté en partie grâce à l'adaptation des méthodes de travail »168. Ce succès est, sans doute, dû à la portée des arrêts rendus par la Cour dont les effets juridiques sont certains (A) et incontestable (B) à l'égard des parties à la Convention.

A-Des arrêts à effets juridiques certains

Dès que la Cour déclare la recevabilité de la requête, elle poursuit l'examen contradictoire de l'affaire, examen au cours duquel les parties peuvent produire des preuves écrites, les témoins ou experts peuvent être entendu et les descentes sur les lieux éventuellement effectuées conformément aux articles 38 de la Convention et 42 du règlement intérieur de la Cour. Avant tout, la Cour se met à la disposition des parties au conflit en vue d'un « règlement amiable »169 à défaut duquel il est abordé l'examen du fond de l'affaire. L'examen commence par une nouvelle invitation aux parties à se présenter des observations complémentaires comprenant la demande de « satisfaction équitable »170. Normalement, la solution d'instance est un arrêt dûment motivé (article 45 de la Convention) dans lequel les juges européens se prononcent sur le point de savoir si, dans l'affaire qui leur est soumise. Il y a ou non violation des droits garantis par la Convention et, le cas échéant, sur la réparation au titre de la

167 GOMIEN (Donna), Vade mecum de la Convention européenne des Droits de l'homme, Strasbourg, Direction des droits de l'homme, Conseil de l'Europe, 199, pp 146- 148

168 BERGER (Rusen), Op.Cit., p.121.

169 Prévu à l'article 38 (1) (b) de la Convention, le règlement amiable consiste le plus souvent en l'octroi au requérant d'une compensation financière ou en d'autres mesures comme la remise de peine, l'autorisation d'entrer dans le pays d'où il avait été expulsé, ou même en l'engagement de l'Etat à faire en sorte que la législation incriminée soit modifiée.

170 La première obligation d'un Etat partie mis en cause pour violation des droits de l'homme est le paiement de la satisfaction équitable (normalement une somme d'argent) éventuellement accordée par la Cour au requérant en vertu de l'article 41 de la Convention (couvrant selon le cas, les dommages matériel, moral et ou frais et dépense). Le paiement constitue une obligation stricte et clairement définie dans l'arrêt. Voir, par exemple l'affaire colozza et rubinat, arrêt du 12 février 1985.

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satisfaction équitable171. Les arrêts rendus présentent un caractère définitif (1) et sont obligatoire pour les parties (2).

1-Le caractère définitif

Dans les conditions énoncées à l'article 44 de la Convention, l'arrêt n'est pas susceptible de constatation ou de modification. Mais il peut faire l'objet d'une demande en interprétation ou une demande en révision en cas de découverte d'un fait qui, par sa nature, aurait pu exercer une influence décisive sur l'issue d'une affaire déjà tranchée et qui, à l'époque de l'arrêt, était inconnu de la Cour et ne pouvait raisonnablement être connu d'une partie172.

La Cour a mis en l'accent sur le « caractère exceptionnel » de cette procédure de révision qui porte atteinte à « l'autorité de la chose jugée »173, et sur la nécessité d'un « examen strict » de la recevabilité d'une telle demande (affaire Pardo c. France, 10 juillet 1996, recevabilité Rec. 1996,860). Elle a été très peut utiliser et une demande en interprétation ne peut tendre à faire modifier le dispositif clair et précis d'un arrêt (Hentrich c. France, 3 juillet 1997, Req., 1997, 1285)174.

Jean-Marie BECET et Daniel COLARD n'hésitent pas à qualifier les arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l'homme d'une « qualité technique remarquable » en donnant quelques exemples notamment les affaires Lowless c / Irland, arrêt du 1er juillet 1961 ; Beker

c. Belgique, arrêt du 27 mars 1962 ; l'affaire linguistique belge, arrêt du 23 juillet 1968 ;Delcourt c. Belgique, arrêt du 17 janvier 1970 ; Ringeisen c/ Autriche, arrêt du 16 juillet 1971, du 22juin 1972 et du 23 juin 1973 ; Golder c/ Grande Bretagne, arrêt du 18 janvier 1978 ; Handyside c/Grande Bretagne, arrêt du 7 décembre 1976 ; affaire G.Kloas c/RFA, arrêt du 6 septembre 1978 pour ne citer que ces célèbres175. Les Etats ont ainsi l'obligation de se conformer à ces arrêts rendus par la Cour.

171COHEN-JONATHAN (Gérard), aspects européens...,Op.Cit., p.45.

172 ERGEC (Rusen), Op.Cit., p.149.

173 Comme tout acte juridictionnel, les arrêts de la Cour européenne sont revêtus de l'autorité de la chose jugée, c'est-à-dire une autorité servant de fondement à l'exécution forcée d'un droit judiciairement établi, et faisant obstacle à ce que la même affaire soit à nouveau portée devant un juge.

174 SUDRE (Frédéric), Droit international et européen, Op.Cit., pp451-452.

175 BECET (Jean-Marie) et COLARD (Daniel), Op.Cit, pp 253-254.

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2-La force obligatoire des arrêts de la Cour

En vertu de l'article 46 (1) de la Convention, les Etats « s'engagent à se conformer aux arrêts définitifs de la Cour dans les litiges auxquels ils sont parties »176. Cet engagement implique pour l'Etat défendeur des obligations juridiques bien précises. D'un côté, il s'agit de mesures en faveur des requérants pour faire cesser l'acte illicite s'il perpétue et en effacer autant que possible les conséquences (restitutio in integrum) et, de l'autre de prendre des mesures nécessaires pour éviter de nouvelles violations semblables177. Dans son arrêts du 13 juillet 2000 (§249) au sujet de l'affaire Scozzari et Guintala Grande Chambre a résumé l'obligation des Etats en ce qui concerne l'adoption des mesures générales pour prévenir de nouvelles violations, et individuelles pour réparer les conséquences de la violation pour le requérant comme suit : « ... l'Etat défenseur reconnu coupable de la Convention ou de ses Protocoles est appelé non seulement à verser aux intéressés les sommes allouées à titre de satisfaction équitable, mais aussi à choisir, sous le contrôle du Comité des ministres, les mesures générales et le cas échéant, individuelles à adopter dans son ordre juridique interne afin de mettre un terme à la violation constatée par la Cour et d'en effacer autant que possible les conséquences (cf mutatis mutandis, l'arrêt papanichalopoulos et autre c/Grèce du 31 Octobre 1995 (article 50), série AN°330-§4 ».

D'autres décisions ont illustré ces obligations notamment les résolutions DH (99) 245dans l'affaire Parti socialiste C. /Turquie et DH (99) 434 relatives à l'action des forces de sécurité en Turquie ainsi que les règlements adoptés par le Comité des ministres pour l'application de l'article 46 (2)178.

Bien que les Etats aient la liberté dans le choix des mesures pour rectifier la situation du requérant et prévenir une nouvelle violation comme l'affirme régulièrement la Cour depuis l'arrêt Marckx du 13 juin 1979 (Voir aussi pouwels, 26 mai 1988 ; Z c. Finlande, 25 février 1977) pour s'acquitter de l'obligation découlant de l'article 53 de la Convention qui fait peser sur l'Etat défendeur une simple obligation de résultat ; cette liberté va cependant de pair avec

176 DE SCHUTTER (Olivier) et allii, Op.Cit., p.467.

177 COHEN-JONATHAN (Gérard), « Quelques considérations sur l'autorité des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme », Liber Amicorum Marc-André Eissen, Op.Cit., pp 43-46

178 Aux termes de l'article 46 (2). Le Comité des ministres reçoit les arrêts définitifs qui lui sont transmis par la Cour afin d'en surveiller l'exécution. Ladite surveillance peut prendre la forme d'un contrôle des réformes législative ou administratives engagées par les Etats à la suite d'un constat de violation.

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le contrôle du Comité des ministres qui veille à ce que les mesures soient appropriées et permettent effectivement d'atteindre les résultats voulus par l'arrêt de la Cour179.

Ainsi, si le choix est, en fait, purement théorique par rapport à la nature de la violation constatée, la Cour peut elle-même directement ordonner la mesure à prendre. Cette possibilité a été utilisée pour la première fois en 2004, en ordonnant, dans deux affaires, la libération des détenus arbitrairement en violation de l'article 5 de la Convention. Il s'agit notamment de l'arrêt Assanidze c/Georgie et l'arrêt ilascu c/Russie et Moldavie.

Récemment encore, en réponse à une résolution du Comité des ministres à propos d'arrêts révélant un problème structurel sous-jacent, résolution (2004) (3) la Cour a également entrepris de mieux identifier les problèmes sous-jacents entrainant des violations et de donner des indications quant aux mesures d'exécution nécessaires180. Finalement, la responsabilité d'un Etat auquel la Cour a montré les insuffisances de son droit sera d'autant plus lourde que l'obligation violée est essentielle.

Cependant, en toute occurrence, il a « l'obligation positive » de mettre son droit en conformité avec la convention pour assurer aux individus qui se trouvent sous sa juridiction la « garantie » à laquelle ils ont droits. Désormais, ses juridictions ne peuvent plus jouer sur le principe de la présomption de conventionalité qu'elles attribuent bien souvent à la loi ou à une jurisprudence déterminée181. L'exigence de se conformer à la jurisprudence de la Cour Européenne des droits de l'homme constitue ainsi un renfort énorme pour l'autorité de la Cour de Strasbourg et contribue à faire respecter davantage ses décisions en général.

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