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L'efficacité des mécanismes juridiques internationaux de protection des droits de l'homme.


par Saintchrist Phylo Eboungou Ondombo
Université Marien Ngouabi, Congo Brazzaville - Master 2 en droit public 2020
  

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B-Existence d'un ordre public européen

Vaste conception de la vie en commun sur le plan politique et administratif dont le contenu varie du tout et selon les régimes, l'ordre public est le caractère des règles juridiques qui s'imposent pour des raisons de sécurité impérative dans les rapports sociaux auxquelles les parties ne peuvent déroger147. Si on lit l'article 60 de la Convention, pour le professeur Gérard COHEN-JONATHAN, en comprend que son rôle vise effectivement à « déterminer en matière des droits fondamentaux un standard, minimum qui peut être dépassé mais qui ne saurait être transgressé »148.Pour sa part, le professeur Giorgio MALINVERNI écrit : « Par sa nature même, la Convention énonce des règles communes à plusieurs Etats. Elle a pour but de créer un ordre public européen dans le domaine des droits fondamentaux. Elle perdrait une bonne partie de son sens, de son utilité et de son efficacité si son interprétation et son application dépendaient dans une trop large mesure des particularismes nationaux »149.

146 L'affaire concerne la suspension des libertés pour combattre un danger public.

147 GUINCHARD (Serge) et MONTAGNIER (Gabriel), Op.Cit., p.408.

148 COHEN-JONATHAN (Gérard), Aspects européens des droits fondamentaux, Paris, Montchrestien, 1996, p. 61.

149 MALINVERNI (Giorgio) Cité par LAMBERT (Pierre), Op.Cit., pp 88-89.

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Les lois nationales n'ont donc aucun rôle à jouer lorsqu'il s'agit de substance des droits de l'homme. Dans ce domaine, les particularismes nationaux ne trouvent donc aucune justification. L'affirmation de l'existence d'un ordre public européen ressort implicitement de l'ensemble de la jurisprudence bien qu' « il a fallu attendre quarante-deux ans après l'entrée en vigueur de la Convention européenne des droits de l'homme et trente- cinq ans après le premier arrêt de la Cour européenne pour que celle-ci soit confirmée dans la décision Loizidou c. Turquie du 23 mars 1995 »150. La décision reconnaissait formellement la notion de l'ordre public européen dont le contenu (1) a des effets considérables (2) dans l'ordre juridique interne.

1-Le Contenu de l'ordre public européen

L'ordre public européen dont le fondement est le caractère constitutionnel de la Convention des droits de l'homme, renvoie à une conception d'ensemble de la vie sociale. Il est constitué par des valeurs communes et un certain nombre des droits constitutifs de la société démocratique européenne. Les Etats qui fondent en 1949, à Londres, le Conseil de l'Europe partage en commun l'idéal d'être des Etats démocratiques, c'est-à-dire qui conjuguent régime pluraliste, reconnaissance des droits de l'homme et prééminence. Le statut l'affirme clairement dans son préambule et son article 3 en ces termes : « Inébranlablement attachés aux valeurs (...) qui sont à l'origine des principes de liberté individuelle, de liberté politique et de prééminence du droit sur lesquels se fonde toute démocratie », « tout membre du Conseil de l'Europe reconnaît le principe de la prééminence du droit et le principe en vertu duquel toute personne placée sous sa juridiction doit jouir des droits de l'homme et des libertés fondamentaux »151.

La Convention est la prolongation et la concrétisation de ces énoncés. Considérée, en effet, comme « l'expression juridique » d'un régime démocratique, la Convention met l'accent dans son préambule sur l'unité des Etats « animés d'un même esprit et possédant d'un patrimoine commun d'idéal et de traditions politiques, de respect des libertés et de prééminence du droit »152. Cette conception commune du respect des droits de l'homme et que l'attachement à un régime politique véritablement démocratique constituent les assises de la justice et de la paix dans le monde et sur le continent. Il y a donc une profonde unité d'aspiration et de

150 TAVERNIER (Paul) In SUDRE (Frédéric), L'interprétation de la Convention européenne des droits de l'homme, Op.Cit., p.188.

151 DE SCHUTTER (Olivier) et allii, Op. Cit., pp 341-342

152 Idem, pp.356.

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philosophie entre le statut et la Convention qui emportent des conséquences juridiques précises en même temps qu'ils ont des sources de contraintes politiques pour les Etats.

En effet, conformément à l'article 58 (3), de la convention lie la situation d'Etat partie à l'appartenance au Conseil de l'Europe en ces termes : « ...cesserait d'être partie à la présente Convention toute partie contractante qui cesserait d'être membre du Conseil de l'Europe ».

Ce fut le cas de la Grèce en 1974. Ce fut aussi le cas de l'Espagne qui, après la mort de Franco en 1975, signa la Convention dans le cadre de la transition démocratique.

Cette exigence démocratique était mise en avant à l'occasion de l'adhésion des pays de l'Europe Centrale et Orientale (PECO). Donc, conclut le professeur Catherine TETTGEN-COLLY, « le pluralisme politique, le respect des droits de l'homme et la prééminence du droit sont ainsi devenus de véritables « conditions salutaires » au respect desquels le Conseil subordonne l'adhésion des Etats et qu'il vérifie aussi en aval de celle-ci »153.

Pour ce qui est des droits constitutifs de la société démocratique, l'étude attentive de la jurisprudence des organes de Strasbourg montre que les droits fondamentaux garantis par la Convention ne sont pas seulement des droits subjectifs qui ont pour fonction de protéger l'individu contre les ingérences des pouvoirs publics mais qu'ils peuvent remplir également une fonction objective. Pour le professeur Gérard COHEN-JONATHAN, « la nécessité d'assurer aux droits de l'homme une véritable effectivité commande de mettre à la charge de l'Etat des obligations positives. Ainsi, l'Etat doit prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer une défense concrète et effective. La convention ne comporte plus seulement les obligations négatives »154.

Au professeur MALINVERNI d'ajouter : « Ces droits font office de principes directeurs de toute activité de l'Etat » et « ils doivent orienter l'ensemble de ses organes et imprégner de leurs valeurs tout son ordre juridique »155. Cette conception objective des droits fondamentaux marque, ainsi, qu'il a été dit, la prééminence des droits fondamentaux en tant que valeurs sociales sur l'Etat.

Mais quels sont ces droits fondamentaux ? « Le droit commun Européen se décline à travers différents dispositifs qui constituent « l'idéal de justice » à savoir, l'égalité, la légalité, la

153 TETTGEN-COLLY (Catherine), « Le rayonnement de la Convention européenne des droits de l'homme », cinquantième anniversaire de la convention européenne des droits de l'homme Bruxelles, Bruylant, 2002, pp 7578.

154 COHEN-JONATHAN (Gérard), Aspects européens des droits fondamentaux, Op.Cit., p.62.

155 Cité par SUDRE (Frédéric), in TAVERNIER (Paul), Quelle Europe pour les droits de l'homme,Op.Cit., p.53.

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dignité, l'équité »156. L'idéal démocratique et de justice de la convention est exprimé dans les termes ci-après : « fondement », « assises », « valeurs fondamentaux », « principe caractéristique », « principe fondamental » qui illustrent bien la conception objective que la Cour de Strasbourg, qui les utilise couramment, a conduit à la détermination de certains droits. En ce sens, la professeur Frédéric SUDRE qualifie huit droits, tels qu'énoncés dans la Convention, de « droit fondamentaux », de règles qui composent l'ordre public européen :

« Liberté d'expression, liberté de pensée, de conscience et de religion, droit à l'intégrité physique, droit à la liberté et à la sureté, droit à un procès équitable, droit à des élections libres, droits des parents au respect de leur conviction en matière d'éducation, droit à la sécurité juridique »157. Ces droits individuels relatifs à l'intégrité physique et morale de la personne humaine et à la liberté forment le standard minimum du droit européen des droits de l'homme, le « noyau dur des droits de l'homme »158. La détermination du contenu de l'ordre public européen étant faite, il convient maintenant de nous attacher à ses implications dans l'ordre juridique interne.

2-Des implications dans l'ordre juridique interne

Les effets de l'ordre public sont, en théorie, similaire dans l'ordre juridique international, ou le jus cogens vient limiter la souveraineté des Etats et en leur interdisant de conclure les traités internationaux contraires à des « normes impératives du droit international général »159. Ainsi, l'ordre public exerce les fonctions de « police juridique » reconnues comme telles dans l'intérêt général, et produit des effets particulièrement dans le domaine contractuel et dans le domaine procédural au-delà de ceux qui s'attachent au principe « Pacta sunt servanda ».

Il conduit, en Europe, à la pleine soumission des Etats parties au mécanisme de contrôle à travers « l'inopposabilité de la clause de réciprocité, l'invalidité des restrictions ratione loci et ratione materiae aux déclarations d'acceptation de la compétence des organes de contrôle, l'application de la validité des réserves et la radiation du rôle »160. En effet, en écartant toute idée de réciprocité, la Convention n'apparaît plus comme un faisceau d'engagement

156 TULKENS (Françoise), intervention à la table Ronde sur le thème « Vers un droit européen ? » in TETTGEN-COLLY, Op.Cit., p.305.

157 SUDRE (Frédéric), « Existe-t-il un ordre public européen ? » in TAVERNIER (Paul), Quelle Europe pour les droits de l'homme ? Op.Cit., p.305.

158 SUDRE (Frédéric), La Convention européenne des droits de l'homme, Paris PUF, Que sais-je, 1994, p.23. 159Cfr. Article 53 et 54 de la Convention de vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969

160 SUDRE (Frédéric), In TAVERNIER (Paul) (Sous la dir.), Op.Cit., pp 58-70.

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réciproque des parties, mais comme un engagement objectif, erga omnes (Affaire Autriche c. Italie sur l'absence de réciprocité, dans le temps en vertu de l'article 24 de la Convention, CEDH, Req.788/60, décision du 11 juillet 1961).

Les affaires chrysostomos et al c. Turquie161 et Loizidou (précitée) ont permis à la Commission et à la Cour de se prononcer sur la compatibilité avec la Convention des deux déclarations de la Turquie, l'une d'acceptation du droit de recours individuel conformément à l'article 25 de la CEDH et l'autre d'acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour qui, de manière similaire ,restreignent ratione loci et ratione materiae la compétence de la Commission et de la Cour. Les deux décisions sont très révélatrices des contraintes de l'ordre public européen. Quant aux réserves, la Cour se déclare compétente pour apprécier la validité d'une réserve étatique, alors que ni le secrétaire général du Conseil de l'Europe ni les autres Etats contractants n'auraient émis des objections.

Lorsqu'une réserve est invalidée par la Cour, celle-ci exerce son contrôle comme si la réserve n'existait pas. L'invalidation de la réserve n'a pas pour effet d'invalider la ratification par l'Etat en cause qui reste membre de la Convention.

A titre illustratif, les arrêts ci-après renseignent sur la gestion des réserves par la Cour de Strasbourg : Arrêt Belilos du 29 Avril 1998, § 47 et suivants ; Arrêt Loizidou, exceptions préliminaires, § 72 et suivants Arrêt stallinger et kuso du 23 avril 1997, etc162.

En définitive, la protection des droits de l'homme exige que l'on écarte les règles traditionnelles du droit international pour interpréter l'étendue de la compétence des organes de la Convention tient donc au fait qu'elle est parvenue à briser les barrières de la souveraineté étatique en s'érigeant en véritable constitution qui supplante les ambitions égoïstes des Etats membres du Conseil de l'Europe.

La Convention est donc parvenue à mettre un terme au débat qui longtemps oppose les juristes, les politistes et même les philosophes sur la supra constitutionnalité et la souveraineté. En outre, cette efficacité de la convention se confirme dans la technique juridictionnelle mise en place qui constitue le fondement de la garantie effective des droits de l'homme et qui répond efficacement à son idéal.

161 Décision CEDH du 4 mai 1991, Réq 8007/77 §13

162 ERGEC (Rusen), Op.Cit., pp.132-133.

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