conflits du Kasaï
Précisons avant toute chose que le Kasaï, dans
l'entendement de cette présente étude fait allusion à
l'espace dit du «grand Kasaï», cette zone touchée par les
conflits Kamuina Nsapu, comprenant les provinces du Kasaï central, du
Kasaï et du Kasaï oriental.
Le phénomène des conflits internes en RDC n'est
pas nouveau. «C'est depuis août 1998 que ce phénomène
a commencé à prendre de l'ampleur en RDC. En effet,
enlisée dans un cycle de violence et de guerres civiles aux
conséquences politiques, socio-économiques incalculables, le
Congo a été victime de l'appétit des seigneurs de guerres
qui ont fait du conflit congolais le conflit le plus meurtrier depuis la fin de
la deuxième guerre mondiale.»90
Entendu que le conflit est un moment de prédilection
pour les ennemis de la loi, «les parties au conflit ont profité de
cet état d'impunité pour commettre toutes formes d'exactions, de
violations aux droits humains fondamentaux et au DIH sans faire l'objet
d'aucune enquête, d'aucune réparation sur le plan juridique et
d'aucune compensation pour les victimes. L'impunité dont jouissent les
auteurs de violations des droits de l'homme et
90 NOUWEZEM S.S., Op.cit., p.100.
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notamment les officiers supérieurs de l'armée
gouvernementale et les commandants des diverses forces rebelles est un obstacle
majeur à une paix durable en RDC.
Cette culture de l'impunité, a alimenté encore
davantage des cycles de violence et a fait du Congo une jungle ; un «
Etat de guerre de tous contre tous et où seule la raison du
plus fort est la meilleure.»91
En effet, les situations de conflits internes sont
fondamentalement distinctes de celles des CAI. Mais il est à noter que
ces conflits perdurent dans le temps et sont plus atroces que les CAI.
Il ne fait aucun doute que dès l'ouverture des
hostilités, les règles du DIH sont d'application automatique
qu'ils s'agissent des CAI ou des CANI, ceci dans l'optique de
réglementer le conflit et assurer, tant soit peu, une meilleure
protection de la personne humaine contre les passions qu'entraine la guerre.
Ainsi, il s'agira ici pour nous de confronter les
règles du DIH relatives aux conflits internes à la
réalité des conflits Kamuina Nsapu, démontrer que la mise
en oeuvre de ces règles par le truchement du mécanisme de
protection humaine et la répression des infractions commises n'a pas
été pourtant aisée.
Les événements engendrés par les conflits
armés depuis août 2016 sont les prototypes des crises qui menacent
la RDC depuis 1997, surtout dans sa partie est. La particularité de ce
conflit est d'être de haute intensité et de s'écouler sur
une période de temps plus ou moins longue. Il s'est alors posé le
problème d'application des règles du DIH relatives à la
protection des personnes, des biens, d'assistance humanitaire et du traitement
humain des personnes victimes des effets de ces conflits.
Certes, pendant plus de deux ans, la personne humaine dans les
conflits Kamuina Nsapu a été, et est même jusqu'à
ces jours affectée de manière préoccupante, comme c'est
aussi le cas partout dans les CANT en RDC.
Ainsi, en vue d'assurer la protection des droits de la
personne humaine et sa dignité contre les atrocités
qu'entraînent les CANI en général et le conflit Kamuina
Nsapu en particulier, le DIH a prévu, à l'article 3 commun aux
quatre conventions de 1949, alinéa 2, le principe d'assistance
humanitaire. Ce principe permet d'aider et d'assister toutes les personnes
91 Idem, p.101.
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humaines, sans discrimination aucune, dans des situations
d'urgence par des organismes humanitaires à l'instar du CICR.
Voilà pourquoi, pour ce qui est du conflit sous examen
qui a occasionné plusieurs actes de barbaries, l'action des organismes
humanitaires est importante. En fait, le conflit qui commence en 2016 a fait
imposition d'une nécessité humanitaire urgente des organismes
internationaux. Ainsi, assiste-t-on, à la présence de plusieurs
organismes de ce genre sur terrain. Il s'agit à titre d'exemple des
institutions de l'Organisation des Nations-Unies telles que le PAM, l'UNHCR,
l'OCHA, l'UNICEF, etc.
Signalons, par ailleurs, que malgré cette assistance
humanitaire octroyée, elle ne l'est pas de manière
complète ; ceci à cause de l'insécurité dans la
région.
Vu cette situation, on déplore sérieusement les
conditions de vie dans lesquelles vivent les victimes de ces conflits. La
dignité de la personne humaine étant précieuse et
sacrée, elle n'a pas de limite, chaque personne l'a malgré son
état ou sa situation ; elle mérite pour ce faire une protection
en tout temps et en tout lieu sans discrimination aucune.
En réalité, l'abandon de ces victimes sans
assistance humanitaire représente une menace à la vie humaine et
une atteinte à la dignité de l'homme. C'est d'ailleurs une
violation des droits fondamentaux de la personne humaine. Le respect du DIH
doit être de mise.
Mais, il existe aussi un seuil d'insécurité
où il est impossible de se hasarder à effectuer une mission
d'assistance humanitaire. L'Etat devrait donc assurer la protection du
personnel humanitaire dans l'exercice de leur mission, car en tant
qu'êtres humains, ils doivent s'assurer de leur protection avant de
protéger les autres.
Il faut donc, en tout temps, associer les forces de l'ordre ou
les forces multinationales de l'ONU dans des missions humanitaires. L'on ne
cessera de regretter l'assassinat des deux experts de l'ONU dans le territoire
de Dibaya au Kasaï central.
Rassurons, toutefois, qu'en parlant de l'assistance
humanitaire dans le conflit Kamuina Nsapu, on assiste à une assistance
humanitaire restreinte de la personne humaine. Beaucoup d'efforts devront donc
être fournis pour une assistance complète. Nous faisons donc appel
à l'ONU en vue de mobiliser ses forces de maintien de la paix pour
assurer et
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protéger l'acheminement de l'assistance humanitaire
dans les zones d'insécurité afin de secourir les personnes en
situation de détresse.
Toutefois, la souffrance humaine n'a pas de couleur ou de
race. L'action de l'ONU est très nécessaire.
Faire remarquer une restreinte assistance humanitaire dans les
crises du Kasaï montre à plusieurs égards que l'application
du DIH a été timide ou difficile dans ces conflits.
Dans ces conflits, s'est posé plusieurs fois le
problème du traitement humain, qui du reste n'a été
qu'illusoire. En effet, «dans le but de protéger la personne
humaine face aux conséquences des conflits armés, le DIH, impose
non seulement aux parties aux conflits, mais aussi à la population
civile une obligation relevant du bon sens ; un principe fondamental
d'humanité. L'homme étant en tout temps et en tout lieu le
même, doit être traité avec humanité en toutes
circonstances.»92
En période de conflit armé et plus
spécifiquement ceux du Kasaï, l'on devrait donc épargner, en
tout état de cause, l'homme des actes et comportements inhumains et
dégradants, du meurtre, torture, supplices et des prises d'otage, les
pillages ; en somme, autant d'actes qui choquent la conscience humaine.
Autrement dit, les belligérants doivent traiter avec humanité, en
toutes circonstances, les personnes qui ne participent pas aux
hostilités, plus encore celles qui se sont rendues, et celles
blessés, malades ou naufragés. Même si nous savons que dans
le cas du conflit Kamuina Nsapu la réalité n'est pas
celle-là, l'armée déclare ne s'intéresser qu'aux
miliciens alors que plusieurs jeunes non impliqués dans les conflits ont
perdu gratuitement la vie, plusieurs maisons ont été
pillées et même certaines personnes forcées à se
déplacer.
Encore appelées forces loyalistes, il incombe en
premier chef à celles-ci de respecter et faire respecter la personne
humaine et ses droits en toutes circonstances, de traiter humainement celle-ci
sans aucune discrimination.
Ainsi, est-il à noter que ces forces gouvernementales
ont jeté par-dessus bord l'obligation qui leur incombait : le
traitement humain de la personne humaine en tout temps et en tout lieu.
92 OLINGA D., Intervention humanitaire et souveraineté
des Etats : Les enjeux d'un débat ; in Revue Africaine de Défense
n°001, p.86.
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Aussi, parlant des conflits Kamuina Nsapu, et dans le souci
d'avoir une idée claire du respect de ce principe de traitement humain,
il serait utile pour nous de démontrer ce respect par les forces
gouvernementales d'une part et par les miliciens d'autre part.
§1. Par les miliciens
De par leur multiplicité et leurs intérêts
poursuivis, les miliciens, en majorité des enfants et des jeunes
analphabètes n'ont pas une culture du DIH.
C'est ainsi qu'au cours de ce conflit, il y'a eu plusieurs
morts, des biens pillés, des maisons incendiées, ... en
matière de respect du principe de traitement humain par exemple,
celles-ci ont été souvent les premières à remettre
en cause ces règles du DIH, inconsciemment. Même si, au
début du conflit, ils ne semblaient que poursuivre leur seul objectif de
déstabilisation du pouvoir politique.
En effet, dans les conflits Kamuina Nsapu, les miliciens ont
fait recours, très fréquemment et parfois de façon
systématique aux viols, tortures, mutilations des populations civiles,
incendies des maisons, etc. Ces miliciens ont outre, commis, sur une vaste
échelle, des meurtres délibérés de civils non
armés, ils ont effectué des meurtres sommaires des militaires
captifs, des arrestations arbitraires et autres attaques directes ; tout ceci
en violation de l'article 3 commun aux quatre conventions de 1949.
En plus, les miliciens ont dans la plupart des cas, d'une part
infligés des traitements horribles à certaines femmes sous
prétexte d'avoir apporté du soutien aux militaires ou
d'être de leurs ; et d'autre part, ils ont enlevé certaines femmes
et filles, et les ont forcés à fournir des faveurs sexuelles et
travaux domestiques. Le conflit avait donc perdu ses horizons initiaux.
Aussi assiste-t-on à des actes de représailles
contre les civils, de la part de ces miliciens, se traduisant par la
destruction, des infrastructures de santé, des écoles,
églises et maisons sans oublier les stocks de réserves.
De tels actes effroyables, commis en violation du DIH en
période de conflit armé, sont restés par ailleurs
impunis.
Le problème de l'impunité ou de la
répression des infractions traduit toute la pathologie du DIH en RDC, et
s'insurge à certains égards contre l'efficacité du DIH
car, la beauté du droit réside dans la sanction, dit-on.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
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Après les atrocités survenues entre
l'armée et la milice, nous avons essayé de contacter certains
témoins, certaines victimes de la scène malheureuse qui,
jusqu'à ces jours a laissé des horreurs et plusieurs
dégâts, dus à un conflit coutumier qui a paru simple au
départ.
Visiblement, le non-respect du DIH aux Kasaïs (l'espace
grand Kasaï) est très préoccupant. Pour parler de ces
violations, nous nous sommes plus servi de la méthode d'interview et des
constats sur terrain, en recourant aussi avec intérêt à
plusieurs rapports des certains organisations non-gouvernementales (ONG) et
internationales afin d'asseoir nos affirmations, qui du reste restent
réfragables pour qui le pourrait.
Un de nos témoins interrogé à propos des
violations se confie à nous décrivant qu'il y a eu des violations
graves commises pas toutes les parties impliquées dans ledit conflit. Ce
qui laisse transparaitre en filigrane la méconnaissance ou
carrément l'ignorance par les troupes impliquées dans les
conflits du Kasaï du DIH.
En effet, il raconte à propos des miliciens : «
Ils ont provoqué un grand désordre. Ils ont commencé
à tuer des gens, ils les décapitaient avant de brûler les
têtes dans leur Tshota [leur camp, qui est aussi un lieu de
culte]. Ils ciblaient la population tout entière, n'importe qui
pouvait être tué. Ils sont arrivés avec un discours qui
disait : Nous sommes ici pour protéger la population, restez calmes.
Mais leurs actes ont montré tout le contraire.»
Certes, les miliciens, au début de ces
atrocités, donnaient l'impression d'avoir pour cibles les militaires et
les policiers, mais au fur et à mesure que la situation s'empirait, ils
sont allés jusqu'à viser tout le monde, plusieurs personnes ont
succombé sur base d'un simple soupçon.
Cette triste réalité a vu périr les
militaires s'étant rendus, les membres des familles des militaires
connus, les civils, les enfants de tout genre à partir de 8 ans qui
refusaient d'adhérer au mouvement insurrectionnel ; plusieurs autres
personnes ont déclaré que les miliciens décapitaient des
voleurs et des gens accusés de posséder des fétiches,
connus pour être la cible de la milice.
Du côté de la province du Kasaï par exemple,
plusieurs témoins déplacés et venus chercher asile
à Kananga ont rapporté avoir entendu les membres de la milice
chanter « La terre est à nous» ou encore «
Nous avons riposté contre les Tchokwe qui ont pris les armes pour
tuer les Luba », ce que nous avons pu interpréter comme une
menace contre les autres groupes ethniques.
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48
Cependant les avis différaient sur la question de
savoir si la milice ciblait aussi les civils. Si beaucoup pensaient qu'ils ne
ciblaient que les fonctionnaires, d'autres ont fait savoir par exemple que les
miliciens ne tuaient pas que les agents de l'État (fonctionnaires,
agents, militaires, policiers, etc.) ils tuaient aussi des civils. Un jeune
homme, avec amertume a dit : « Ils ont décapité mon oncle en
ma présence.»
Certains autres témoins ont déclaré
même que des habitants Luba de Kamako avaient demandé à la
milice de venir dans la localité et l'avaient assistée en leur
indiquant qui appartenait aux autres groupes ethniques, et d'après un
jeune homme, c'est ce qui explique pourquoi les miliciens ciblaient certains
civils. Les Kamuina Nsapu ciblaient les représentants de l'État
et les militaires.
Signalons tout de même que les miliciens ont rendu
l'espace kasaïen incontrôlable par l'armée
régulière, ils y ont fait la loi ; de plus, certaines personnes
en ont profité pour se régler les comptes, car il suffisait juste
d'une simple indexation pour se voir décapité ou
brûlé vif sans raison valable.
§2. Par les FARDC
Après des multiples tentatives de restauration de
l'autorité de l'Etat dans cette zone, l'armée est finalement
parvenue à battre la milice en avril 2017. C'est là que des
violations graves des règles du DIH et des droits de
l'homme93 ont commencé de se commettre par l'armée.
Plusieurs rapports ont fait état de l'utilisation d'armes lourdes et
d'exécutions aveugles d'adultes et d'enfants.
Ces violations ont inclus des attaques systématiques et
non sélectives contre des civils, des exécutions sommaires des
civils et d'autres non combattants, des arrestations et détentions
arbitraires, des disparitions, des viols, des destructions d'objets
indispensables à la survie de la population civile et des pillages.
En effet, les FARDC, dans la grande majorité des
situations, remis en cause le principe de traitement humain en
perpétrant des actes effroyables à l'encontre de la personne
humaine des exécutions des civils portant parfois la couleur rouge , des
violences sexuelles, etc.
Elles ont commis des atteintes systématiques aux droits
de la personne humaine notamment le viol des femmes, les pillages et
destruction des petits stocks de vivre, abandon des combattants malades ou
blessés ; autant
93 HCDH, août 2017, p.15.
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d'actes qui n'ont jamais fait progresser le DIH en
matière de protection de la personne humaine.
Le principe du traitement humain n'a pas été
respecté véritablement par les forces gouvernementales ;
reléguant ipso facto la protection de la personne humaine à
l'arrière-plan ; ceci au profit des intérêts politiques car
celles-ci ont été déterminées à ne pas
céder à la pression grandissante des forces miliciennes.
Au moment de ces attaques, pas de travail, pas de nourriture,
les populations en pleine fuite vers les zones les moins touchées. Selon
IRRI, un aide-maçon qui avait quitté la province du Kasaï,
interrogé, a expliqué pourquoi il a fui : Ce qui m'a
convaincu de partir, c'est que les militaires ont dit : « Nous tuerons les
Luba, un après l'autre. Nous commencerons par cette province, nous vous
tuerons tous. » Ce discours m'a vraiment inquiété. [...] Ils
pouvaient accuser à tort n'importe quel Luba resté à
Kamako et le tuer.
Il faut aussi signaler que les militaires qui utilisaient les
armes lourdes contre les miliciens, les utilisaient aussi contre les citoyens
paisibles qui, selon eux, étaient complices de la milice; la
particularité était portée sur les jeunes.
D'ailleurs, dans certaines localités et communes de la
ville de Kananga, la commune de Nganza, la localité Cilumba par exemple,
les militaires, toujours selon le même rapport, sont entrés pour
un recrutement forcé des jeunes, filles et garçons, qu'ils ont
utilisés à leur merci. Mais ils les ont tués, tout comme
plusieurs autres qui avaient porté la couleur rouge étaient
visés et tués. Ce qui a, par ailleurs, expliqué le
dénombrement de plusieurs fosses communes, environ 80 selon le rapport
du bureau conjoint des Nations Unies aux Droits de l'homme et de l'ONG Humans
rights watch.94
Par ailleurs, hormis les tueries, les militaires ont commis
des actes de violence sexuelle contre les femmes et les enfants. Plusieurs
témoins interrogés à propos par IRRI ont décrit et
affirmé cette triste réalité.95
Dans un entretien leur accordé par cette organisation
internationale (IRRI), un d'eux rapporte : « Les militaires sont venus
pour nous protéger. Mais à peine arrivés, ils ont
changé de mission et se sont mis à violer des femmes. Je l'ai vu
de mes propres yeux. Les militaires ont frappé à la porte de mon
ami. Ils sont entrés et l'ont menotté. Puis ils ont violé
son épouse. Il ne pouvait rien faire. J'ai assisté à la
scène. Ils étaient douze. Après l'avoir violée, ils
lui ont inséré un bout de
94 www.radiokapi.net-onflits?du-kasaï?,
consulté le 16 avril 2019, à 19h03. 95UNICEF,
Children, Victims of the Crisis in Kasai, July 2017.
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50
bois. Heureusement, elle a survécu. Ces militaires,
ils étaient fous furieux parce que la milice leur avait tenu tête.
Ils ont pillé et commis beaucoup de violences. »
A Sumbula, une cité de la province du Kasaï par
exemple, selon les Nations unies96 dans leur rapport sur les
violations des droits de l'homme au Kasaï : « les miliciens,
arrivés dans la localité bien armés et en grand nombre,
ont égorgé cinq agents de police ainsi que le chef de la
Direction Générale de Migration (DGM). La situation a
dégénéré lorsque l'armée congolaise, qui au
départ avait reculé devant la milice, a attaqué Sumbula.
Plusieurs témoignages ont confirmé qu'elle avait utilisé
des armes lourdes et tiré sans discernement.
Selon toujours cette source, un père de deux enfants a
déclaré : « Les Kamuina Nsapu ne ciblaient que les
agents de l'État et ne détruisaient rien. Mais les soldats des
FARDC, quand ils sont entrés dans le village, ils tiraient sur tout le
monde. Ils ont détruit des biens et tué beaucoup de gens. Ils ont
tué un prêtre car ils l'accusaient d'être membre de Kamuina
Nsapu. C'était une boucherie. [. .] Ils ciblaient des civils parce
qu'ils avaient besoin d'argent. Ils ont même tiré sur des gens qui
enterraient des cadavres. » De même, une jeune femme a
décrit comment elle s'est enfuie après que les militaires aient
tué son voisin : « il avait donné sa moto à la
milice - et violé une femme qu'elle connaissait sous la menace d'une
arme. » Une autre a déclaré que ses deux frères
avaient été tués par l'armée : « Ils ont
tué mes frères, qui avaient 16 et 18 ans. Ils les ont tués
devant moi, je l'ai vu. Ils les ont trouvés dans une hutte et les ont
abattus. Même quand ils ont tué mes frères, je n'ai pas eu
le droit de pleurer. Ils ont brûlé les corps à l'aide d'un
pneu. [. .] La raison de leur comportement, c'est que la population avait bien
accueilli les Kamuina Nsapu. » Donc, à bien comprendre, il
s'agissait des représailles, les militaires manifestaient leur
colère contre la population. Ils tuaient des gens chaque jour.
Cette situation, nous pouvons aussi le relever, fut une
occasion pour que des ethnies s'affrontent, c'est ainsi que, d'après une
jeune mère, l'opération militaire a aussi été
l'occasion, pour certaines milices d'autres groupes ethniques, de
représailles contre la population Luba en réponse aux agissements
des Kamuina Nsapu : Les Tchokwe ont déclaré aux militaires
que certains d'entre eux avaient été tués par les Kamuina
Nsapu. Par conséquent, les militaires se sont mis à massacrer les
Luba. J'ai vu les Tchokwe tuer des gens, mais nous ne pouvions pas rester, nous
avons dû prendre la fuite. Ils avaient des fusils de chasse et des
pistolets, tandis que l'armée utilisait des armes lourdes.
Une femme a déclaré à IRRI que tout le
monde avait quitté la localité suite à l'assaut de
l'armée : « Personne n'est restée là-bas, il
fallait que
96 Jeune Afrique, RDC : l'ONU évoque 38 nouvelles
fosses communes dans le Kasaï, 16 juillet 2017.
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51
tout le monde parte. Il y a toujours des problèmes
là-bas. Certains y sont retournés pour chercher des proches, mais
ils sont repartis à nouveau. »
Ce tableau sombre des violations des droits de l'homme et du
DIH n'est pas exhaustif. Pour ce qui nous concerne, nous pouvons nous limiter
à ces quelques descriptions des violations car nous ne saurions
répertorier tous les actes de violations.
Bref, il convient de retenir que cette situation des conflits
a provoqué plusieurs déplacements, plusieurs
réfugiés vers l'Angola, plusieurs tueries, plusieurs situations
de violences sexuelles, etc. En somme, plusieurs civils ont été
des cibles dans ces conflits, parfois avec disproportionnalité d'armes
contre les miliciens, les attaques contre les personnes qui avaient
abandonné les atrocités, ... et tout ceci a constitué des
violations du DIH.
Dans ces violations, aucune des parties engagées ne
peut rejeter la responsabilité sur une autre car, aux termes de
l'article 13 de la première Convention de Genève, toutes les
parties en présence sont tenues au respect du DIH, et selon la lettre :
« La présente Convention s'appliquera aux blessés
et malades appartenant aux catégories suivantes :
1) les membres des forces armées d'une Partie au
conflit, de même que les membres des milices et des corps de volontaires
faisant partie de ces forces armées ;
2) les membres des autres milices et les membres des autres
corps de volontaires, y compris ceux des mouvements de résistance
organisés, appartenant à une Partie au conflit et agissant en
dehors ou à l'intérieur de leur propre territoire, même si
ce territoire est occupé, pourvu que ces milices ou corps de
volontaires, y compris ces mouvements de résistance organisés,
remplissent les conditions suivantes :
a) d'avoir à leur tête une personne responsable
pour ses subordonnés ;
b) d'avoir un signe distinctif fixe et reconnaissable
à
distance ;
c) de porter ouvertement les armes ;
d) de se conformer, dans leurs opérations, aux lois et
coutumes de la guerre.
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52
3) les membres des forces armées
régulières qui se réclament d'un Gouvernement ou d'une
autorité non reconnus par la Puissance détentrice ;
4) les personnes qui suivent les forces armées sans en
faire directement partie, telles que les membres civils d'équipages
d'avions militaires, correspondants de guerre, fournisseurs, membres
d'unités de travail ou de services chargés du bien être des
militaires, à condition qu'elles en aient reçu l'autorisation des
forces armées qu'elles accompagnent ;
5) les membres des équipages, y compris les
commandants, pilotes et apprentis, de la marine marchande et les
équipages de l'aviation civile des Parties au conflit qui ne
bénéficient pas d'un traitement plus favorable en vertu d'autres
dispositions du droit international ;
6) la population d'un territoire non occupé qui,
à l'approche de l'ennemi, prend spontanément les armes pour
combattre les troupes d'invasion sans avoir eu le temps de se constituer en
forces armées régulières, si elle porte ouvertement les
armes et si elle respecte les lois et coutumes de la guerre. »
En vue de punir ces actes de violences, il sera donc juste de
recourir aux textes en la matière, car il n'y a pas eu de protections
envers les catégories des personnes protégées en DIH.
Toutefois, l'article 3 commun aux quatre conventions de
Genève dispose qu'« en cas de conflit armé ne
présentant pas un caractère international et surgissant sur le
territoire de l'une des Hautes Parties contractantes, chacune des Parties au
conflit sera tenue d'appliquer au moins les dispositions suivantes :
1) Les personnes qui ne participent pas directement aux
hostilités, y compris les membres de forces armées qui ont
déposé les armes et les personnes qui ont été mises
hors de combat par maladie, blessure, détention, ou pour toute autre
cause, seront, en toutes circonstances, traitées avec humanité,
sans aucune distinction de caractère défavorable basée sur
la race, la couleur, la religion ou la croyance, le sexe, la naissance ou la
fortune, ou tout autre critère analogue. A cet effet, sont et demeurent
prohibés, en tout temps et en tout lieu, à l'égard des
personnes mentionnées ci-dessus :
a) les atteintes portées à la vie et à
l'intégrité corporelle, notamment le meurtre sous toutes ses
formes, les mutilations, les traitements cruels, tortures et supplices ;
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
53
b) les prises d'otages ;
c) les atteintes à la dignité des personnes,
notamment les traitements humiliants et dégradants ;
d) les condamnations prononcées et les
exécutions effectuées sans un jugement préalable, rendu
par un tribunal régulièrement constitué, assorti des
garanties judiciaires reconnues comme indispensables par les peuples
civilisés.
2) Les blessés, les malades et les naufragés
seront recueillis et soignés. Un organisme humanitaire impartial, tel
que le Comité international de la Croix-Rouge, pourra offrir ses
services aux Parties au conflit. Les Parties au conflit s'efforceront, d'autre
part, de mettre en vigueur par voie d'accords spéciaux tout ou partie
des autres dispositions de la présente Convention. L'application des
dispositions qui précèdent n'aura pas d'effet sur le statut
juridique des Parties au conflit. »
Voilà pourquoi, hormis le fait que les auteurs et les
commanditaires de ces violations doivent être punis, il faut toujours
envisager quelques solutions en termes de suggestions pour le futur, en vue
d'éviter ce genre de situation.97
En effet, Tous ces manquements ont conduit à des
possibles crimes contre l'humanité dans la région du Kasaï.
Il est indispensable que les responsabilités de ces crimes
internationaux soient établies afin de prévenir que des tels
crimes ne soient commis à nouveau, aussi bien dans ces localités
que partout ailleurs dans la région ; de dissuader les acteurs
politiques et militaires de ne plus provoquer des conflits similaires dans
d'autres parties du pays et de permettre aux citoyens, surtout ceux qui
envisagent de retourner chez eux, de retrouver un niveau de confiance minimal
aux institutions de leur pays. A ce jour, malheureusement, ce point n'a connu
presqu'aucune avancée.
Section 2. Suggestions en vue de la mise oeuvre du
DIH au Kasaï Comme nous l'avons dit tantôt, les
solutions en amont sont d'une grande importance dans la prévention d'un
conflit, tels les conflits de Kamuina Nsapu.
En effet, « cette situation aurait pu être
évitée si les autorités avaient mieux géré
leur litige avec un chef coutumier. Si elles avaient opté pour le
dialogue plutôt que pour une action militaire disproportionnée, la
mobilisation de ses partisans, devenue la milice Kamuina Nsapu, n'aurait pas
97 IRRI, idem, p.30.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
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eu l'effet dévastateur que l'on sait. Si l'armée
congolaise avait choisi des opérations ciblées au lieu d'user
d'une force brutale et sans discernement, aussi bien contre la milice mal
armée que contre les civils, de nombreux morts auraient
été évités ; si les fonctionnaires locaux et
provinciaux avaient protégé leurs citoyens au lieu d'ignorer les
assauts de la milice Bana Mura sous prétexte qu'il s'agissait
d'un conflit local et tribal, et pire encore, s'ils n'avaient pas soutenu
activement la milice, aucun des crimes supposés contre l'humanité
n'aurait pu être commis. Si la MONUSCO avait pu maintenir sa
présence dans la région, elle aurait sans doute été
capable de réagir plus vite et plus efficacement, afin de mettre en
oeuvre son mandat de protection des civils. »98
Cette situation prouve à suffisance qu'il y a eu des
nombreuses violations du DIH, et face à cet état de fait,
quelques mesures doivent s'imposer.
Nous avons regroupé ces mesures en deux groupes : les
mesures juridiques telles que la ratification des instruments internationaux
relatifs au DIH et la mise en place d'une réglementation
spéciale(A), et comme le travail de mise en oeuvre ne saurait suffire
seulement à une mesure juridique, nous avons aussi pensé à
une action politique tendant à vulgariser les instruments du DIH (B).
§1. Mesures juridiques et mise en place d'une
réglementation
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