CHAPITRE
II. LA MISE EN OEUVRE DU DIH DANS LES CONFLITS DU
KASAI
« Lorsque les militaires ont réussi à
reprendre à la milice le contrôle de ces localités, ils ont
commis des graves atteintes aux droits humains. Des témoins ont
décrit à International Refugee Rights Initiative
(IRRI)85 qu'au lieu de protéger les civils qui avaient
souffert de la présence de la milice, les soldats se sont mis à
violer des femmes, tuer des civils et piller leurs biens. Ils ont
également fait usage d'une violence disproportionnée lors de
leurs opérations contre les miliciens mal armés et
composés de beaucoup d'enfants. »86
La mise en oeuvre du DIH est l'apanage, au premier chef, des
Etats. C'est ce qui ressort de l'article premier commun aux Conventions de
Genève.
Dans cette disposition, les Etats s'engagent à
respecter et à faire respecter les Conventions en toutes
circonstances.87 Autrement dit, les Etats sont les premiers
responsables de la protection des personnes et de leurs biens ; et à ce
titre, ils doivent prendre diverses mesures législatives et pratiques
pour assurer le respect des règles du DIH, que ce soit en temps de paix
ou de guerre.
Le DIH, nous pouvons toujours le rappeler, s'applique en
période de conflits armés. Cela ne signifie pas que les
dispositions importantes de son application ne peuvent pas être
adoptées en temps de paix comme en temps de guerre ; autant nous savons
que les mesures de prévention, en particulier, doivent être mises
en place en temps de paix. C'est le meilleur moyen de faire respecter
pleinement les règles du DIH en cas de survenance d'un conflit
armé.
Qu'en-est-il alors quand ces mesures ne sont pas prises en vue
de prévenir les conflits ? Forcement nous serons en face d'un conflit
né et qu'il faille le régenter, à tout le moins et en cas
de violations des règles du DIH, punir les auteurs et organiser la
réparation pour les victimes.
85 International Refugee Rights Initiative. Fondée en
2004, cette organisation internationale a pour but d'éclairer et
d'améliorer les mesures qui sont prises en réponse aux cycles de
violences et de déplacements qui sont au coeur des violations des droits
humains à grande échelle.
86 International Refugee Rights Initiative, Conflit et
déplacement au Kasaï, janvier 2018.
87 Lire avec intérêt l'article 1er commun
aux quatre Conventions de Genève de 1949.
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La répression des infractions relatives au DIH doit en
tout temps, en période des CAI ou des CANI une manière efficace
de lutter contre les abus de la guerre.
Cette répression ne doit toujours pas dépendre
de la volonté des Etats seuls comme ce fut le cas dans un passé
récent, au risque de fragiliser la répression elle-même car
la pratique a toujours démontré que ce sont des autorités,
les personnes investies d'une autorité publique qui commettent le plus
des violations des droits de l'homme, soit par leur commandement qu'elles
donnent à leurs subalternes (police et armée) soit de leur propre
chef.
»88
En effet, bien avant 1994, « la pratique des Etats tout
comme la jurisprudence internationale montraient que la répression des
infractions du DIH relevait de la compétence exclusive de l'Etat qui
avait le pouvoir et/ou le devoir de punir lui-même ou d'extrader les
auteurs présumés desdites infractions.
La note présentée en mars 1994 par le
gouvernement Suisse en vue de la réunion d'experts intergouvernementaux
pour la protection des victimes de guerre est explicite sur ce point :
«Depuis l'adoption des conventions de Genève, la répression
pénale des violations du DIH a exclusivement dépendu de la
volonté de chaque Etat de poursuivre ou d'extrader les personnes
suspectées d'être des criminels de guerre et arrêtées
sur le territoire. Pour diverses raisons, ce système de dissuasion et de
répression n'a pas toujours fonctionné de manière
satisfaisante».89
Ainsi, la création du Tribunal Pénal
International pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) et du Tribunal Pénal
International pour les crimes du Rwanda (TPIR) respectivement par les
résolutions 827 du 23 mai 1993 et 955 du 8 novembre 1994 du Conseil de
Sécurité des Nations Unies marque un tournant dans le
développement du DIH en matière de répression des
infractions commises.
Il faut souligner que, comme au Kasaï, le conflit en
Ex-Yougoslavie avait un double aspect : un aspect international et un aspect
interne. C'est ce qui le différencie du conflit armé rwandais qui
est essentiellement interne.
88 NOUWEZEM S.S., Op.cit., p.59.
89 TIPR, Chambre de première instance I, 2 septembre
1998, Procureur C/J.P. Akayesu, affaire N° ICTR964T.
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L'aspect international du conflit Kamuina Nsapu réside
dans le fait que ce conflit, sans concerner les autres pays voisins, a par
ailleurs laissé des retombées, a créé des
situations dans lesquelles ces pays furent concernés
(déplacements massifs des populations vers l'Angola par exemple fuyant
les conflits, etc.).
En effet, la compétence ratione materiae des deux
tribunaux englobait respectivement tous les crimes commis en ex-Yougoslavie et
au Rwanda.
Ainsi, dans leurs statuts figurent le génocide et les
crimes contre l'humanité. Quant aux crimes de guerre, le statut du TPIY
envisage deux catégories : les infractions graves aux conventions de
Genève de 1949 (article 2) et les violations des lois et coutumes de
guerre.
Dans le présent chapitre, nous allons essayer de
démontrer le non-respect du DIH pendant les conflits du Kasaï dans
un premier temps (section 1) et deuxièmement nous tenterons de donner
quelques solutions pratiques en vue d'éviter ce genre de situations dans
l'avenir (section 2).
Section 1. Une mise en oeuvre pathologique du DIH
pendant les
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