L'infraction d'avortement face au droit de disposer de son corps.par Frédéric Bwanakay Université de Lubumbashi - Graduat 2017 |
§3 : Le Droit à la libre disposition par la personne de son corpsComme nous l'avons indiqué ci-avant, les prérogatives corporelles qui s'attachent au droit au respect de la vie privée consacré par l'article 8 ont évolué au fil des années. D'une conception strictement passive qui consistait à reconnaitre à l'individu la protection de son intégrité physique contre atteinte portée par autrui, la cour de Strasbourg a finalement interprété la notion de vie privée comme consacrant plus largement le droit pour chacun de disposer de son corps comme il l'entend. La question qui se pose est alors de savoir s'il est possible de donner à une telle disposition une finalité qui nécessiterait qu'on porte atteinte à son intégrité physique. Il ne s'agirait donc pas dans ce cas d'une renonciation au droit à la protection de son intégrité physique, ou à un autre droit prohibant une telle atteinte, mais bien de l'exercice d'un droit subjectif à part entière qui permettait à son titulaire de faire ce qu'il veut de son corps, même si cela implique de le martyriser. L'enjeu est en effet de taille puisque dans ce cas, l'Etat à l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer l'exercice effectif du droit au respect de la vie privée par une personne placée sous sa juridiction, sous réserve toutefois du second paragraphe de l'article 8 qui prévoit la possibilité pour l'Etat de restreindre l'exercice de ce droit moyennant la rencontre de plusieurs conditions. Nous reviendrons ultérieurement sur ce pouvoir d'ingérence reconnu aux autorités publiques nationales lorsque nous analyserons les limites qui s'imposent au droit de disposer de son corps. Une telle portée a pourtant été reconnue par la cour européenne des droits de l'homme99(*), dès lors que « la faculté pour chacun de mener sa vie comme il entend peut inclure la possibilité de s'adonner à des activités perçues comme étant d'une nature physiquement ou moralement dommageable ou dangereuse pour sa personne »100(*). Ainsi, le droit d'opérer des choix sur son propre corps doit bel et bien être consacré et respecté parce qu'il « fait partie intégrante de notion d'autonomie personnelle »101(*), principe qui se trouve aujourd'hui au coeur de l'interprétation de l'article 8102(*) * 99 B. LAVAUD-LEGENDRE, « Où sont passé les bonnes moeurs ? », coll. Partage du savoir, paris P.U.F, 2005, p. 75 * 100 Cour eur. D.H, arrêt Pretty c. Royaume-Uni, op. cit., §66 * 101 Ibidem, §62 * 102 Cour eur. D.H, arrêt K.A et A.D. c. Belgique, op. cit., §83 |
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