Les indicateurs quantitatifs, très nombreux, tentent
d'évaluer les performances réalisées par les programmes de
microfinance en prenant en compte trois aspects principaux, la
clientèle, les prêts et les dépôts (COPESTAKE et
AMUAH, 1995).
· la clientèle : les indicateurs
étudiés ici sont entre autres le nombre d'emprunteurs et sa
croissance, l'effectif du personnel de l'institution, etc.
· les prêts : ici on s'intéresse aux
critères tels que : l'encours des prêts, les nouveaux prêts
octroyés, le taux de croissance des prêts, le montant moyen d'un
prêt, le volume des encours de prêts par membre du personnel, le
nombre des encours des prêts par membre du personnel;
· les dépôts : on étudie dans cette
rubrique le volume et le taux de croissance des dépôts, le nombre
de dépositaires, le nombre de comptes d'épargne, la taille
moyenne d'un compte d'épargne, le nombre de dépositaires par
membre du personnel.
Les indicateurs qualitatifs d'accessibilité,
décrivent les mécanismes mis en place pour améliorer
l'accessibilité8. Ils comprennent :
· les mesures prises par l'institution pour pouvoir
atteindre les entrepreneurs à faible revenu ;
· la simplicité des procédures pour un
accès rapide au crédit à court terme ;
· les ententes aptes à mobiliser l'épargne
locale ;
· les mécanismes permettant la participation de
la clientèle ;
· la gamme de services offerts par le programme et leur
contenu ;
· l'approche utilisée dans l'offre de services
financiers; notamment sa flexibilité ;
· le degré de satisfaction des
bénéficiaires vis-à-vis de leurs attentes.
Il est donc assez difficile pour les praticiens de s'entendre
sur un nombre précis de critères à utiliser. Les
chercheurs utilisent des indicateurs variés selon la
disponibilité des données et l'objet de l'analyse. Par exemple,
GURGAND et al. (1994) ont utilisé les indicateurs de changement pour
comparer l'accessibilité de six institutions financières
8 Voir Women's World Bank 1995, Pederson 1995 et Otero
1993.
21
La viabilité financière des IMF au
Bénin
en Afrique sub-saharienne9. Le choix de ces
indicateurs semble avoir été guidé par le type de
données disponibles et s'est plutôt orienté vers les
indicateurs quantitatifs. Ainsi, les critères ont porté sur le
montant total des dépôts, le nombre et le montant moyen des
dépôts d'épargne, le montant du portefeuille, le nombre et
le montant de prêts octroyés, le taux de croissance annuelle des
avoirs de l'institution, le nombre de branches et de succursales
implantées, la proportion de la population rurale couverte et le taux de
participation des femmes.
A l'opposé, les travaux réalisés par
CHRISTEN et al. (1995), sur 11 IMF dans 8 pays10 et cités par
LE PICARD DUCROUX (2001) ont plutôt porté sur les indicateurs
qualitatifs. Ceci permet d'avoir une meilleure compréhension des
problèmes d'accessibilité dans ces institutions. Ces travaux ont
permis, entre autres, de constater que:
? les clients qui étaient des petits entrepreneurs
auraient été exclus des services financiers si 6 des 11
programmes ne leur offraient pas la possibilité de faire des petits
prêts de moins de 200$ US, les prêts moyens se situant entre 200 et
400 $ US ;
? beaucoup d'institutions, notamment au Bangladesh et en
Indonésie, ont pu couvrir le territoire national. Par exemple, la
Grameen Bank couvre presque la moitié des villages du Bangladesh,
atteignant plus de 2 millions de clients parmi les plus pauvres. En
Indonésie la BRI sert 2 millions d'emprunteurs et 12 millions
d'épargnants, et la BKD couvre 20 % des villages de l'Est du pays avec
de petits prêts. En Bolivie, BancoSol et PRODEM ont atteint 50 000
clients ;
? les institutions étudiées servent un grand
nombre de femmes et les programmes offrant de petits prêts tendent
à servir beaucoup plus les femmes que les autres ;
? les programmes proposant un large panel d'offres permettant
de couvrir des catégories variées de clientèle ont
réussi à atteindre un grand nombre des plus pauvres.
Ainsi il ressort que ce n'est pas incompatible d'avoir pour
objectif d'atteindre à la fois les plus pauvres et un grand nombre de la
population.
9 Les pays concernés par l'étude sont le
Togo, le Cameroun, le Malawi, le Rwanda, le Bénin et le Burkina
Faso.
10 Les pays ayant fait l'objet de l'étude sont
l'Indonésie, le Bangladesh, le Kenya, le Sénégal, le
Niger, le Costa Rica, la Colombie, la République Dominicaine et la
Bolivie.
22
La viabilité financière des IMF au
Bénin
Le problème de l'accès au crédit se
décline plutôt en termes de services adaptés,
d'accessibilité géographique, de reconnaissance des clients et de
leurs besoins, et de souplesse dans les produits. Seules les IMF sont capables
d'offrir des services sur mesure, par leur proximité et leur
connaissance des emprunteurs. En inscrivant leur action dans la durée,
elles rendent possibles les liens de confiance sans lesquels l'IMF ne peut
réussir sa mission sociale.
Dans de nombreux contextes les IMF démontrent qu'avec
un montage ad'hoc il est possible de satisfaire les besoins de crédit et
d'épargne des populations les plus pauvres (CVECA au Mali, EMT au
Cambodge, etc.), à la condition de prendre en compte dès le
départ la nécessité de pérenniser l'institution
financière et de ne pas chercher à faire un ciblage exclusif de
la frange la plus pauvre d'une zone donnée.
A la recherche de l'autonomie financière,
l'institution se doit de fixer des conditions d'exercice rigoureuses et de
veiller à la rentabilité de ses opérations. En particulier
ses taux d'intérêt peuvent être élevés ; les
taux de l'ordre de 5% par mois ne sont pas rares (LE PICARD DUCROUX, 2001).
Dans ces conditions, comment concilier un objectif financier et une mission
sociale d'aide aux plus démunis ?
Contrairement aux idées reçues, le taux du
crédit n'est pas le facteur limitant pour l'accès des plus
démunis aux services financiers. L'expérience montre que pour les
populations à faible revenu c'est l'accès au crédit qui
est crucial, plus que le prix de ce service11 ; de fait, en milieu
informel les taux d'intérêt du crédit sont
élevés, de l'ordre de 10 à 50% par mois (LE PICARD
DUCROUX, 2001). Il faut également se rappeler que, des taux
élevés appliqués à de très petites sommes
prêtées, se traduisent par un montant absolu faible.