C. Le choix du terrain
Je suis originaire du Sénégal, un pays pauvre
d'Afrique de l'Ouest qui aspire au développement et à
l'émergence. J'ai fait le choix de travailler dans un projet au
Sénégal car le pays connaît un processus d'urbanisation qui
se déroule rapidement avec la croissance économique. La forte
concentration de la population dans la capitale de Dakar, sans
développement convenable des infrastructures, est en train de menacer le
développement durable de l'économie, de l'environnement et la
qualité de vie. Ainsi, le sous-développement du réseau de
transport et l'augmentation excessive de véhicules, surtout motocycles
et voitures, sont des problèmes graves depuis une vingtaine
d'années. Cette problématique a attiré beaucoup de
chercheurs de disciplines diverses : ingénieurs de transport,
économistes de transport, politologues ainsi que sociologues du monde
entier. C'est dans cette logique que j'ai choisi de m'inscrire dans le projet
TER et d'y apporter ma contribution universitaire.
En outre, ce choix est aussi motivé par le fait
qu'étant sénégalais et géographe
spécialisé dans les études du développement, je
porte beaucoup d'intérêt à toutes les problématiques
de développement qui concernent la gestion de la mobilité
urbaines dans mon pays.
Mon pays aspire au développement avec des projets
ambitieux mis en place par le Président de la République,
notamment la nouvelle ville de Diamniadio, le projet de l'autoroute à
péage et le projet TER, pour ne citer qu'eux.
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N'ayant pas encore fait l'objet d'étude approfondie de
la part des chercheurs, toute origine confondue, j'ai décidé
d'orienter mon sujet de mémoire dans le projet TER, qui est un grand
projet d'infrastructures afin d'examiner toutes les conséquences qu'il
peut engendrer en terme de mobilité urbaine et de déplacement
d'individus.
3. Méthodologie, acteurs ciblés et profil
socio-économiques des PAP
A. Méthode par enquête qualitative
J'ai choisi de procéder selon une méthode
qualitative à travers des entretiens semis-directifs et l'observation
directe. C'est à travers l'alternance d'entretiens avec des PAP et des
représentants des institutions que j'ai pu avoir en ma possession le
témoignage de différents discours et de point de vue sur la
situation de chacun d'entre eux.
Tout d'abord, j'ai mobilisé mes connaissances
antérieures à la réalisation de ce travail pour prendre
contact avec les personnes affectées par le projet. J'ai
réalisé mon premier entretien avec un impacté dans sa
nouvelle maison. Puis l'occasion s'est présentée d'enregistrer
quelques entretiens mais je ne l'ai pas fait systématiquement car les
impactés ont préféré être prudent ; d'autres
étaient perturbés et gênés par l'enregistrement, ce
qui témoigne du caractère tabou des enjeux de mon enquête.
J'étais dans un terrain sensible car le projet est toujours en cours.
J'ai même eu des refus de la part d'impactés qui pensaient que
j'étais un agent envoyé par l'État pour venir
enquêter sur eux.
Une vingtaine d'entretiens a été
réalisé, allant d'une trentaine de minute à une heure et
demie selon la disponibilité de l'enquêté et son rôle
dans le projet. Tous mes rendez-vous ont été effectués
soit dans les bureaux des acteurs institutionnels, soit au domicile des
impactés. La plupart de mes entretiens était en wolof, l'une des
langues nationales du Sénégal. Pour ce qui est de
l'accessibilité, ma bonne connaissance de Dakar et du
Sénégal m'a évité des problèmes de
compréhension des langues parlées ; je n'ai pas eu besoin de
guide ou de traducteur pour réaliser mes entretiens avec les acteurs qui
ne parlaient pas français. Ainsi un accueil chaleureux m'a
été réservé de la part des enquêtés
qui ont accepté de répondre à mes questions.
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Lors des différents entretiens, après avoir
brièvement présenté le sujet et le cadre de mon projet de
mémoire, les interviewés m'ont fait part de leur ressenti sur
tout ce qui est de l'évolution du projet et des problèmes
rencontrés. Concernant les acteurs institutionnels, il a surtout
été question de l'acceptation du projet de la libération
d'emprise. L'accompagnement social aussi a été un point
fondamental. Convaincre les impactés de quitter des lieux n'ai pas
aisé, car il existe un attachement moral et sentimental à ces
lieux, que beaucoup d'entre eux considèrent comme sacrés et
historiques. C'est dans ce sens qu'on peut comprendre l'inquiétude d'un
de mes interviewé, à savoir l'Imam S.S Sylla, un impacté
résidant à Keur Mbaye Fall qui explique :
« j'ai ressenti de la douleur quand j'ai su qu'on
devait partir. Tout ce que mon père a enterré dans la cour de la
maison en terme de protection est perdu. Cette maison avait une valeur mystique
parce que beaucoup de personnes venaient chez nous pour faire des
prières ».
Pour beaucoup d'impactés, la libération de leurs
maisons a été un choc moral et psychologique aussi. Ils m'ont
surtout fait part de la lenteur de la disponibilité des sites de
recasement et du manque de communication entre l'autorité et les PAP.
Ils ont aussi mis l'accent sur leur nouvelle sociabilité. Pour ce qui
est de la méthodologie de l'observation directe, j'ai connu une
déroute qui s'explique par la dispersion des ménages car les
sites de recasement sont en cours de viabilisation.
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