B. Problématique et hypothèses -
Problématique
Le début des années 2000 marque
résolument un tournant dans l'évolution de Dakar, ce qui
correspond, d'une part, à l'impact des importants investissements du
gouvernement sénégalais dans la construction de nouvelles
infrastructures urbaines, et, d'autre part, à la mise en oeuvre, par la
Ville, d'un plan d'urbanisme résolument moderne (Marfaing 2019). Dans le
cadre des projets de développement, les conséquences
socio-politiques de la globalisation s'inscrivent pleinement dans le
gouvernement des villes. Dans ce domaine, les acteurs de la coopération
internationale et du développement ont une place importante, leurs
rôles étant de financer et de réguler le projet (Kadjomou
2015). Le projet TER est aussi financé par des acteurs de
coopérations internationale tels que le gouvernement français
à travers le Trésor, l'Agence française de
développement, la Banque mondiale et la Banque BAD.
Ainsi, la construction des lignes de chemin de fer
nécessite le déplacement de centaines de familles, plus de 12 000
personnes selon les résultats des études d'impacts
réalisées par l'APIX dans le PAR. L'article 2 du Décret
n°2015-298, en date du 5 mars 2015, stipule que « l'expropriation est
faite dans un délai de trois ans conformément aux dispositions
de
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l'article 3 de la loi n°76-67 du 02 juillet 1976 relative
à l'expropriation pour cause d'utilité publique et aux autres
opérations foncières d'utilité publique ». En 2014,
le cabinet CIMA International a été sélectionné par
l'APIX pour élaborer un PAR pour les personnes concernées par le
PAP sur le tronçon Dakar-Diamniadio. Concernant la zone d'emprise, deux
communes du département de Dakar sont affectées par le projet,
Colobane et Han-Bel-Air), ainsi que dix communes du département de
Pikine et cinq communes du département de Rufisque (APIX 2016).
La voie ferrée est occupée avant le projet par
des activités économiques des résidents qui sont
établis, dans certains cas, depuis de nombreuses années. Le
tracé du TER suit la ligne de chemin de fer déjà existante
pour limiter les impacts liés au projet. Les abords existants sont
cependant très exploités parce que les populations y ont vu des
espaces vacants propices à la construction d'habitations et à
l'installation de petits commerces ou autre activités. Les espaces
faisant partie de l'emprise sont densément peuplés. Leur
déplacement constitue une question centrale pour les
autorités.
À la lumière de toutes ces
considérations, j'ai pensé qu'il était légitime de
poser la problématique en ces termes :
quels sont les effets de la mise en oeuvre d'un grand projet,
ici le TER en terme de répercussion sur la vie des citadins, en
particulier pour ceux déplacés par ce projet ? Dans quelle mesure
le projet a-t-il modifié la pratique spatiale des familles
déplacées ? Comment se caractérisent les changements
induits par les déménagements ? Les ménages ont-ils
accepté ou contesté leur déplacement ?
- Principales hypothèses
Après l'élaboration de cette
problématique, une série d'hypothèse a été
formulée. Il m'a semblé plus pertinent de traiter les
hypothèses selon deux formes d'impacts : les processus d'inclusion
sociale et les processus d'exclusion voire d'ascension sociale.
Dans un premier temps, considérons les impactés
qui ont connu une ascension sociale grâce au projet. Une grande partie
des impactés vivait dans une précarité totale. Avec la
compensation ils ont pu s'offrir des maisons plus modernes dans des zones
beaucoup plus calmes. Certains sont passés de résidents
illégaux à propriétaires de titres fonciers dans les
différents sites de relogement qui se trouve à Thiaroye Gares,
sur le prolongement de la VDN à Malika et à Lac Rose.
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Considérons par ailleurs le fait que certains citoyens
semblent à l'inverse paupérisés par le projet. En effet,
plusieurs familles sont passées de propriétaires de maisons
à locataires dans des quartiers parfois éloignés de leurs
lieux de travail. L'on voit aussi une perturbation de la scolarité des
enfants dans la mesure où le déménagement a eu lieu en
pleine année scolaire. Le projet est à l'origine de la
séparation de plusieurs familles. L'on peut noter une nouvelle
socialisation, de nouveaux types de voisinage de la part des impactés.
Pour ce qui est des commerces, certains enregistrent une perte de revenu du
à la destruction de commerces.
Le retard de livraison des sites de recasement pourrait
expliquer entre autre ce choix d'acheter une nouvelle maison avec l'argent de
la compensation en attendant des sites de relogement.
Notons finalement l'existence d'impactés indirects,
c'est à dire des habitants qui ne font pas parti de la zone d'emprise et
qui, à cause du projet, ont perdu des voisins avec qui des liens
étroits avaient pu être tissés depuis des dizaines
d'années.
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