2. Cadre théorique et problématisation
A. État de l'art
Dans le cadre de la recherche documentaire j'ai
consulté des documents pertinents accessibles en lien avec mon sujet.
Ainsi, j'ai exploré des travaux de recherche (des universitaire, des
chercheurs, des étudiants et professionnels du secteur), des
mémoires, des thèses, et tout autre document (ouvrage, revue,
article) pouvant permettre de collecter les informations nécessaires
à la construction de mon travail. Après avoir consulté
cette documentation, j'ai pu structurer mon travail sur trois axe principaux,
à savoir le cadre
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normatif d'un tel projet, les acteurs qui le composent et
enfin l'impact social du projet sur la mobilité quotidienne des
personnes affectées.
Concernant le cadre normatif du sujet, il met l'accent sur les
normes qui définissent la procédure d'expropriation. Ces normes
définissent le cadre juridique de tout projet moyennant l'expropriation
pour que la procédure puisse se faire tout en respectant la
législation nationale du pays ainsi que les directives de la BM et de la
BAD qui traitent des déplacements involontaires.
La législation nationale du Sénégal,
relative à l'expropriation du 22 janvier 2001, mise à jour le 07
mars 2008 et le 20 mars 2016, consacre un certain nombre de dispositions
applicables au droit de propriété. Il s'agit, entre autres, des
dispositions des articles 8 et 15. L'article 8 garantit le droit de
propriété au profit des personnes physiques et morales. L'article
15 précise que le droit de propriété, à l'instar
des autres libertés et droits consacrés, s'exerce dans les
conditions prévues par la loi. En outre, l'article précise :
« l'homme et la femme ont également le droit d'accéder
à la possession et à la propriété de la terre dans
les conditions déterminées par la loi». C'est la loi
76-67 du 02 juillet 1976 relative à l'Expropriation pour Cause
d'Utilité Publique qui constitue la base légale pour les
procédures d'expropriation pour cause d'utilité publique
(ECUP).
L'article premier de ce texte définit l'ECUP comme :
« la procédure par laquelle l'Etat peut, dans un but
d'utilité publique et sous réserve d'une juste et
préalable indemnité, contraindre toute personne à lui
céder la propriété d'un immeuble ou d'un droit réel
immobilier ». C'est dans ce sens que l'État du
Sénégal à travers l'APIX d'éclanche la
procédure d'expropriation en 2016 pour que les travaux du TER puissent
commencer.
La Banque mondiale utilise le terme déplacement «
involontaire » pour parler de l'expropriation. Celle-ci considère
que les actions peuvent être entreprises alors que les personnes à
déplacer n'ont pas la possibilité de rester sur place, de refuser
le déplacement ou de continuer la jouissance de leurs droits et de leurs
biens. Dès lors, elle met en place la politique opérationnelle
4.12, relative à la compensation des populations vouées au
déplacement et une réinstallation involontaire. Cette politique
opérationnelle a trois objectifs majeurs :
- éviter le déplacement des populations ou la
limitation de leurs accès aux ressources vitales et minimiser les effets
de la réinstallation lorsque le déplacement est inévitable
au regard de l'importance comparative des bénéfices globaux du
projet ;
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- planifier la réinstallation de façon
participative par les populations concernées dans une approche de
développement communautaire pris en charge par le projet en ce qui
concerne les investissements immédiats ;
- garantir aux personnes affectées des conditions de
compensation qui les mettraient dans une situation de qualité de vie
équivalente au moins à la situation avant la mise en oeuvre du
projet ;
- assurer les bénéfices additionnels globaux du
projet pour toute la population devant leur être également
accessibles.
La Note d'Orientation de la BAD sur la Réinstallation
Involontaire a pour objectif d'étudier la conception du projet pour
éviter ou réduire, dans la mesure du possible, les
déplacements de population envisageant des conceptions alternatives aux
projets ; atténuer les incidences sociales négatives
découlant de la perte de biens ou de restrictions liées à
l'utilisation des terrains en accordant des compensations.
Le SO2 Réinstallation Involontaire de la BAD vise
à assurer que lorsque la réinstallation physique ou
économique ne peut être évitée, les populations
soient traités équitablement, reçoivent une compensation
ou une aide à la réinstallation pour améliorer leur niveau
de vie dans le meilleur des cas et garder la même situation d'avant le
déplacement dans le pire des cas.
La jurisprudence du Sénégal sur la
procédure d'expropriation, la politique opérationnelle 4.12 de la
Banque mondiale et la note d'orientation de la BAD m'ont permis de mieux
comprendre le cadre normatif de mon étude, ce qui m'amène
à m'intéresser sur la question de la mobilité
quotidienne.
Dans le cadre d'études sur les transformations
urbaines, un grand intérêt est porté à la question
de mobilités sous contrainte en ville (Blot et Spire 2014). La
mobilité quotidienne peut être définie comme l'ensemble des
pratiques de déplacement d'une population dans son cadre habituel. Ce
« cadre habituel » est la plupart du temps défini
conventionnellement comme un espace centré sur le domicile (moins de 50
km en Allemagne, moins de 80 km en France, moins de 75 miles aux Etats-Unis),
où se fait l'essentiel des déplacements (Orfeuil 2003). La
mobilité quotidienne se réalise dans un cadre de la vie
quotidienne qui est répartie dans le temps contraint et le temps libre
et dans les activités rémunérées et non
rémunérées, elle est donc associée à des
mobilités spatiales spécifiques. Elle constitue les dimensions
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spatialisées de mode de vie, qui intègrent les
choix et contraintes en matière de localisation et de mobilité
résidentielle en matière d'activités, ainsi que le mode
d'insertion sociale préféré : par contiguïté
(relation de voisinage) ou par connexité (Mignot 2001).
L'évolution de la mobilité quotidienne des
sénégalais a bien sûr à voir avec le
phénomène d'urbanisation et de périurbanisation important
depuis les indépendances en 1960. Le terme de mobilité est
équivoque. Dans le dictionnaire le Petit Larousse (Édition 2001)
elle est définie ainsi comme « la facilité à se
mouvoir, à changer, à se déplacer ».
Dans les villes du nord comme du sud, la satisfaction des
besoins de déplacements et les modalités de réalisation de
la mobilité sont soumises à de multiples facteurs (Lourdes,
Olvera et Plat, Pochet 2018). Ces facteurs ont notamment trait aux
caractéristiques des citadins (âge, genre, statut
d'activité ou encore position dans le ménage), de leur
ménage (composition, revenus), et à leur environnement quotidien
(accessibilité, services de transport collectif, en lien avec la
localisation du logement). Les déplacements des personnes, les
localisations des activités et des zones résidentielles et la
forme des villes sont inextricablement liés.
La prise en compte de la notion de gestion urbaine trouve son
sens dans ce projet. Gervais-Lambony et Alii (2007) soulignent combien la
notion de gestion urbaine est ambiguë. Selon Osmont (1997, p147) « la
notion se rapporte d'un coté à la gestion au quotidien, allant de
la tenue de l'état civil à la perception des taxes sur les
marchés en passant par l'entretien de la voirie urbaine et la mise sur
pied de plan comptable pour le budget communal. Dans un plan plus large, le
même terme évoque la gestion entendue comme contrôle de la
croissance urbaine. Comme l'on peut remarquer dans la définition
d'Osmont, la complexité de la gestion urbaine est liée au
caractère qu'elle embrasse. De plus, la gestion urbaine se
réalise dans un contexte caractérisé par la
pluralité des acteurs parmi lesquels l'État, la Banque mondiale,
la société civile et les ONG.
Toute cette littérature m'a permis de comprendre que
l'analyse des transformations urbaines est permise par la notion de gouvernance
urbaine (Diakhaté 2016). S'agissant de la gouvernance urbaine, elle
relève de plusieurs grandes interrogations récurrentes en
sciences sociales qui se réfèrent à ce concept (Jouve
2003). Les conséquences socio-politiques, dans le cadre des projets de
développement notamment le projet TER, doivent en effet être
réellement intégrées au gouvernement des villes. La
gouvernance renvoie d'une part à de nouvelles formes de redistribution
des responsabilités dans les collectivités locales, de pilotage
et de direction de secteurs économiques, face au diagnostic d'une
incapacité des
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gouvernements à répondre aux problèmes
qui leur sont soumis (Le Galès 2004) ; d'autre part, elle met l'accent
sur l'ensemble des processus de coordination d'acteurs, groupes sociaux et
institutions visant l'exécution de projets urbains collectivement
négociés (Jaglin 1998). La diffusion d'une approche en termes de
gouvernance urbaine permet de dépasser le cadre d'action des seuls
appareils gouvernementaux étatiques pour s'intéresser à la
diversité des acteurs intervenant autour de politiques, programmes et
projets urbains (Khouma 2017 ), en mettant en lumière les conflits et
les consensus qui émergent.
Une fois sur le terrain je me suis rendu à l'APIX et
dans toutes les autres structures en lien avec l'activité du transport
public urbain au Sénégal pour trouver de la documentation. J'ai
consulté des documents administratifs et juridiques du cadre
institutionnel, organisationnel et réglementaire portant sur la mise en
oeuvre d'infrastructures de transport et la mobilité quotidienne. J'ai
pu ainsi collecter un panel d'information sur l'histoire de l'urbanisation et
du secteur du transport de la région de Dakar.
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