2. Des sites de recasement finalement acquis
après de longs mois de réclamation
Comme indiqué un peu plus haut dans ce projet, il
n'était pas prévu de site de relogement. Les PAP ont vu dans le
proje une occasion d'accès gratuit au foncier. Dès lors, ils
réclament au gouvernement du Sénégal des terrains pour
qu'ils puissent se réinstaller. En effet, ils sont conscients des
difficultés rencontrées pour avoir un terrain à Dakar
où le tarif du foncier est très élevé mais aussi
dans une société où avoir sa propre maison est synonyme de
réussite ou encore de succès. Ils ont profité de
l'occasion pour réclamer des titres fonciers. Et finalement leur combat
a porté ses fruits car le gouvernement a mis en place trois sites de
recasement. Comme l'explique monsieur M.D, chef du bureau de la maison TER de
Dakar, dans un entretien en date du 20 mars 2019 dans les locaux de l'APIX :
« l'option du gouvernement c'est de ne
réinstaller personne à cause des contraintes foncières
à Dakar, bien que en cours de mise en oeuvre. Il est arrivé
quelques modifications dues à des situations imprévues tel que
les résistances des PAP. Ce qui a poussé l'État à
trouver des sites pour les réinstaller. »
S'agissant des PAP qui se sont installés dans les zones
irrégulières d'après monsieur M.D :
« on ne devrait même pas payer le foncier parce
qu'ils n'ont pas de titre foncier mais on a accepté de payer le foncier
à 60,000 f le m2 mais l'un dans l'autre. Quand vous rassemblez toute la
somme, cela ne peut pas leur permettre
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d'acheter un terrain ni même prendre une maison
normale à Dakar en terme de loyer parce qu'avec cette somme vous n'avez
que 2 mois de loyer et vous n'avez plus rien. Donc ces gens-là
s'étaient regroupés et ont fait de la résistance. Ils se
sont organisés en groupes pour occuper les médias, ils ont fait
de la communication et au plus haut sommet le président les a
reçu et donc ils ont pu avoir des terrains sur Pikine et Rufisque.
»
Ce témoignage montre à quel point les PAP se
sont battues pour avoir des sites de recasement. Le gouvernement, dans le souci
de respecter les normes établies par la BM et la BAD décide
finalement de donner à chaque PAP un titre foncier de 150 m2.
La carte qui suit localise les différents sites de
recasement mis à la disposition des PAP.
Carte 5 : Localisation des différents sites de
relogement
À la lumière de toutes ces considération,
l'on peut constater que les PAP sont satisfaits de l'indemnisation qu'ils ont
reçue car en dépit de la compensation en espèces,
l'État leur a donné ces trois sites de recasement. Ainsi les PAP
du département de Dakar et de Pikine
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seront relogés dans le site de Malika, ceux du
département de Rufisque dans le site de lac Rose. Pour les places
d'affaires, ils seront logés au niveau du camp de Thiaroye.
Cependant, contrairement aux autres projets d'infrastructure
nécessitant le déplacement de milliers de personnes tel que le
projet de l'autoroute à péage, l'on voit une nette
différence. En effet, pour ce qui est du projet de l'autoroute à
péage, les déplacés étaient recasés dans le
site de l'APIX à Tivaouane Peulh. L'APIX a vendu les terrains aux
impactés en fonction de ce qu'ils ont reçu comme compensations.
Mais dans le cadre de ce projet, l'État a offert les terrains aux
PAP.
Dès lors il convient de s'intéresser au nouveau
schéma urbain des impactés après le déplacement,
c'est à dire voir en quoi le déplacement a permis la modification
de la trajectoire quotidienne des PAP.
A. Des sites de recasement toujours en cours de
viabilisation
Il reste donc possible, à la lumière de ce qui
précède et conformément aux principes de compensation en
nature et suivant le choix des PAP, qui réclament la compensation en
nature malgré la compensation en espèce dont ils ont
bénéficié, d'envisager des dédommagements en
parcelles aménagées. Dès lors l'État accorde aux
impactés des sites de relogements qui sont en cours de viabilisation.
D'après la revue de Proparco du 19 juillet 2014, « en immobilier,
la viabilisation d'un terrain consiste à raccorder ce terrain à
l'ensemble des réseaux nécessaires : eau,
électricité, téléphone, assainissement des eaux
usées et, éventuellement, gaz. L'on emploie souvent l'acronyme
VRD (Voirie et réseaux divers) pour désigner les travaux
nécessaires à la viabilisation d'un terrain ». Un terrain
non viabilisé est un terrain qui n'est pas raccordé aux
réseaux d'eau, de gaz, de téléphone et
d'électricité. En effet, la viabilisation d'un terrain
constructible nécessite de nombreuses démarches auprès de
différents interlocuteurs et un budget conséquent. Or, dans le
cadre de ce projet il n'était pas prévu de budget pour les sites
de recasement. Ainsi, monsieur Y.D, directeur de l'environnement et de la
libération des emprises nous explique :
« tout au début du projet le gouvernement du
Sénégal avait opté pour l'indemnisation en espèce
donc pas de site de relogement. C'est après les différentes
négociations que le président du Sénégal a
décidé d'octroyer gratuitement aux PAP des sites de relogement.
C'est normal que les sites
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soient toujours en viabilisation car il fallait trouver
les terres, ensuite trouver l'argent nécessaire pour viabiliser les
sites. C'est beaucoup d'argent mais les travaux sont en cours et je pense que
les sites pourront être livrés dans les plus brefs
délais».
La zone de recasement est relativement éloignée
des services de base des communautés qui l'entoure et des réseaux
des concessionnaires, ce qui va impliquer dans la phase réalisation, un
raccordement onéreux aux réseaux existants.
D'après Macodou Fall président du collectif
national des impactés du TER, l'assiette foncière dans les sites
de recasement mise à la disposition des impactés du projet TER
couvre une superficie de 4 à 6 hectares dans le Camp de Thiaroye, 23
hectares au prolongement de la VDN à Malika et 14 hectares au niveau du
lac Rose.
Photo 8 : Site de recasement en cours de viabilisation (Camp
Thiaroye)
Source : Babacar Tandian
Cette image montre que les travaux sont toujours en cours
à cette date. Comme les travaux s'avéraient longs et
onéreux pour l'État et que les PAP avaient déjà
reçus leurs compensations, certains ont commencé à
utiliser l'argent qui était prévu pour construire dans le site.
C'est dans ce sens que monsieur Wade affirme :
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« je suis en location en attendant le site de
relogement. Mais c'est un grand problème car c'est avec l'argent de la
compensation qui est destiné à construire dans le site que je
suis en train de payer mon loyer. Le soucis c'est qu'on ne sait pas quand le
site sera prêt. Je ne sais pas si d'ici là j'utiliserais tout mon
argent pour payer le loyer sachant que le prix du loyer est chèr
à KMF. Je pouvais acheter une maison mais je ne l'ai pas fait car il y a
eu plusieurs cas avec des PAP. Certains PAP dès qu'ils ont reçus
leur compensations, puisqu'ils ne veulent pas s'éloigner de leur
communes, ils se sont précipités pour acheter des maisons
à coté mais leurs nouvelles maisons étaient
recensées par la suite et considérées comme emprise
à libérer ».
Nombreux sont les PAP qui sont dans la même situation
que monsieur Wade. Cette situation explique la complexité des enjeux
liés à la mise en oeuvre de projet nécessitant autant de
déplacement. Dès lors, il serait beaucoup plus pratique de
prendre en compte toutes ces considérations avant la mise en oeuvre d'un
projet de telle envergure.
En somme, l'expropriation pour les besoins du TER fait que le
quotidien des PAP changent complètement car l'on assiste à la
modification de leur trajectoire quotidienne.
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