Le retrait et la nullité du titre foncier au ministère des domaines, du cadastre, et des affaires foncières (mindcaf).par Ibrahim Moktar POUKO MEKOU Université de Dschang Cameroun - Master II Professionnel en Droit et Techniques Fonciers et Domaniaux 2014 |
Paragraphe II : les facteurs liés à la gouvernanceCe sont des facteurs qui décrédibilisent le titre foncier, et qui sont majoritairement imputables au pouvoir central. Il s'agit d'une part, de l'insouciance des pouvoirs publics quant à certains disfonctionnement (A) et des problèmes liés aux textes règlementaires en matière foncière, qui tardent à être remis à jours (B) A. L'insouciance des pouvoirs publicsNous remarquons l'insouciance des pouvoirs publics à plusieurs niveaux. D'abord quant aux conditions de travail des agents publics du MINDCAF, ensuite quant à la sécurisation des domaines de l'Etat, et enfin quant à l'impunité des agents auteurs ou complices des irrégularités au cours de la procédure d'obtention du titre foncier. Les tâches ne sont pas réparties de façon équitable dans les services du MINDCAF. Dans certains on se remue les pouces en longueur de journée, ou on fait un tour en laissant la porte entre-ouverte pour signifier sa présence en attendant la fin du mois. Tandis que dans d'autres on est en proie au surmenage, du fait de la pression qu'on subit au quotidien par l'étude des dossiers, dont le nombre est toujours croissant, tous aussi urgents les uns que les autres. Le Ministère en charge des affaires foncières, tout comme les autres départements ministériels, souffre de l'insuffisance des moyens techniques et matériels, du moins pour ce qui est des services déconcentrés. Au niveau déconcentré, les géomètres sont des hommes du terrain. Ils y font des descentes, parfois à des kilomètres sur routes en majorité non bitumées. Dans des forêts quelques fois, sous la pluie ou sous le soleil, ils doivent effectuer des levées topographiques. Ceux-ci n'échappent jamais à la commission ad hoc lorsque la commission consultative ne va pas assister aux travaux jusqu'à la fin. Mais il est regrettable qu'avec tous ces risques, et toute cette ardeur, aucun ordre de mission, aucune prime particulière ne leur soit accordée. Ceci est de nature à exposer ces agents comme c'est déjà le cas, à la grande mafia et à la corruption. L'absence des véhicules de services pour les responsables des services des affaires foncières a contraint le législateur à faire supporter les frais de transport et dans certaines circonstances, les frais d'hébergement des membres de la commission consultative par le requérant ; lequel requérant n'ayant pas toujours les moyens de ces mesures. Aussi, l'absence des émoluments, qui étaient jadis alloués aux géomètres, ne favorise pas l'instruction du dossier d'immatriculation. Ce manque de budget peut influencer le comportement de la commission consultative : cette dernière en face d'un requérant riche, aura tendance à prendre des décisions en faveur du requérant et ceci au détriment des riverains ou des éventuels opposants. Si la division des affaires juridiques du MINDCAF et la chambre administrative de la cours suprême sont submergées par les litiges fonciers, cela est sans doute dû à l'impunité des auteurs qui ne sont ni inquiétés au plan disciplinaire, ni au plan pénal. Dans les services centraux et déconcentrés, l'administration du MINDCAF devrait redoubler de vigilance tout au long de la procédure d'obtention du titre foncier. Elle devrait s'assurer que les éléments contenus dans le dossier d'immatriculation sont conformes aux dispositions du décret no 76/165 du 27 avril 1976. Il arrive qu'un dossier complètement constitué soit vidé de ses éléments en cours de procédure102(*). Ne recevant pas, la plupart du temps, de récépissés en contrepartie du dépôt des dossiers, les administrés, lorsqu'ils s'en plaignent, ne peuvent malheureusement pas rapporter la preuve de la faute commise par l'Administration. Quand bien même cette faute est avérée, c'est l'acte (le titre foncier) qui est sanctionné et non les auteurs. C'est ainsi qu'à la question de savoir si la commission consultative ignore toujours la situation juridique de l'immeuble qu'elle doit immatriculer103(*), un membre répond sans inquiétude : « nous ne gagnons rien en refusant d'immatriculer une dépendance du domaine public ou privé de l'Etat. On s'en fou que le terrain soit titré ou non. De toutes les façons, on ne cause du tort à personne, puisque le titre foncier s'il est attaqué, va être annulé. Le requérant ne s'en prendra qu'à lui-même »104(*). C'est ce à quoi se livrent ces agents au quotidien. Chacun ne songe qu'à percevoir une minable enveloppe pour enfreindre la loi à sa guise. Ils n'hésitent pas à dire à nous demander avec raison : « avez-vous déjà entendu qu'un fonctionnaire a été sanctionné pour cela ? Les textes restent les textes la pratique est une autre affaire descendez de votre nuage monsieur.»105(*) C'est la preuve que l'impunité est ce qu'il y'à de très motivant dans l'inobservation des règles de procédure d'obtention du titre foncier. C'est donc celui qui oeuvre pour une application saine des textes qui est sur un nuage, tandis que le corrompu lui, est réaliste et a ses deux pieds sur terre. En poussant la réflexion, on se demande si ce ne sont pas les textes dont nous parlons qui sont sur un nuage, coupés des réalités du terrain. * 102 Subtilisations de timbres fiscaux, égarement malicieux de copies certifiées de documents divers exigés pour la circonstance (copies d'actes de naissance, copies certifiées de cartes d'identité etc.) Parfois c'est tout le dossier qui arrive à disparaître. Ce sont là, des faits répréhensibles qui font partie de la mal-administration camerounaise, et à laquelle les administrés sont habitués, et parfois résignés. Ils sont donc obligés de « suivre le dossier », ce qui augmente considérablement la corruption et évince le principe de la gratuité du service public. * 103 S'il fait déjà l'objet d'un titre de propriété ou si c'est une dépendance du domaine public ou privé de l'Etat * 104 Entretiens privé avec un membre de la commission consultative. * 105 idem |
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