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Le retrait et la nullité du titre foncier au ministère des domaines, du cadastre, et des affaires foncières (mindcaf).


par Ibrahim Moktar POUKO MEKOU
Université de Dschang Cameroun - Master II Professionnel en Droit et Techniques Fonciers et Domaniaux 2014
  

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SECONDE PARTIE : LE RETRAIT ET LA NULLITE : DEUX SANCTIONS FRÉQUENTES D'ANÉANTISSEMENT DU TITRE FONCIER

Dans la première partie de notre travail, nous avons présenté le retrait et le constat de nullité, comme deux sanctions des conditions d'obtention du titre foncier. Nous les avons envisagés comme des moyens de contraindre les uns et les autres à se conformer à la règlementation en vigueur. Vus sur cet angle, elles sont bien justifiées. Cependant, nous ne devons sous aucun prétexte, oublier que le titre foncier n'est pas un acte administratif comme les autres. Il a la particularité d'être doté d'une suprématie que lui confère ses caractères définitif, intangible et inattaquable. Son retrait et la constatation de sa nullité par le MINDCAF sont une exception à cette suprématie. Mais seulement, la grande fréquence du prononcé de ces sanctions commence à être alarmante, car, elle tend à faire de l'exception le principe, et du principe l'exception. Elles deviennent donc finalement, un facteur fréquent d'anéantissement du titre foncier. Anéantissement, au regard des conséquences juridiques que nous avons présenté ci haut. La sortie fréquente du titre foncier de l'ordonnancement juridique ne doit pas être encouragée, elle ne doit plaire ni à l'administration, ni aux particuliers. Il est donc urgent de réfléchir sur la question de savoir :

En l'état actuel des choses, comment redonner au titre foncier toute sa crédibilité, en réduisant les risques de son annulation ?

La solution à ce problème passe d'abord par l'identification des facteurs amplificateurs de la fréquence du retrait et de la constatation de nullité (chapitre I), ensuite par l'intervention urgente des pouvoirs publics en vu de la réduction de la fréquence de leur prononcé (chapitre II).

CHAPITRE I : LES FACTEURS AMPLIFICATEURS DE LA FREQUENCE

La récurrence du retrait et de la constatation de nullité du titre foncier est de nature préoccupante. En effet, il est très fréquent que sur toute l'étendue du territoire national, des titres fonciers soient retirés, ou que leur nullité soit constatée. Il ne nous est pas possible de donner des statistiques avec des chiffres exacts sur une période déterminée. En fait, la cellule des études et de la règlementation du MINDCAF n'a pas mené des études approfondies sur la question. Ce serait une étude capitale pour déceler la part de responsabilité du MINDCAF sur la fréquence de ces sanctions et en proposer des solutions. Le respect scrupuleux des textes par tous et par chacun aurait rendu ces sanctions prévues à l'article 2 du décret de 2005 sus cité, négligeables. Ce chapitre apparait alors comme une récapitulation de l'écart entre les textes et la pratique sur le terrain ; écart qui est constitué des comportements blâmables, facteurs amplificateurs de la fréquence du retrait et de la constatation de nullité du titre foncier. Notre attention va donc être focalisée sur des facteurs de terrains, les plus palpables et les plus faciles à vérifier à travers les moyens que nous disposons84(*). Ce sont d'une part, la corruption et les manquements liés à la gouvernance (section I), et d'autre part, les pouvoirs très renforcés du ministre et celui de la formation du personnel au MINDCAF (section II)

SECTION I : LA CORRUPTION ET LE PROBLEME DE GOUVERNANCE

Ce sont les facteurs les plus répandus dans le processus d'obtention du titre foncier. La corruption est le premier facteur amplificateur de la fréquence (paragraphe I), et le problème de gouvernance est le facteur qu'on met sous la responsabilité des pouvoirs publics seuls (paragraphe II)

Paragraphe I : La corruption, premier facteur amplificateur de l'insécurité foncière.

Elle est très répandue, et implique les acteurs les plus directs de la procédure d'obtention du titre foncier. Il s'agit à la fois, des bénéficiaires qui sont les corrupteurs et des agents publics, corrompus. Nous allons nous attarder beaucoup plus sur ces agents publics chargés de l'application de la loi, que sont les commissions consultatives (A), les conservateurs fonciers et les géomètres du cadastre (B).

A. Les commissions consultatives

C'est le pivot central de l'insécurité foncière. C'est la commission présidée par le sous préfet qui est chargée de la procédure d'obtention du titre foncier, en matière d'immatriculation directe. La commission consultative est nommée par le préfet et siège au niveau de l'arrondissement. Elle comprend :

-le sous-préfet, président ;

-un représentant du service des affaires foncières, secrétaire,

-un représentant du service du cadastre ;

-un représentant du service de l'urbanisme, (si le terrain est urbain) ;

-un représentant du ministère dont la compétence à un rapport avec le projet ;

-le chef et deux notables du village ou de la collectivité où se trouve le terrain85(*).

La commission est présidée par le sous-préfet d'où l'appellation de « Chef de terre ». Elle comprend obligatoirement, les représentants des autorités traditionnelles du lieu de situation du terrain.

Cependant, le respect des règles de procédure n'est plus son souci majeur, quand elle a reçu ses pots de vin. Elle peut alors désormais immatriculer les domaines de l'Etat (a) ou alors violer expressément les règles de procédure, en faveur des bénéficiaires corrupteurs (b)

a- L'immatriculation illégale des domaines de l'Etat

Il s'agit des biens immeubles des domaines public et privé de l'Etat86(*). La sortie de ces biens de la domanialité publique est bien encadrée. Les terres du domaine privé de l'Etat sont immatriculées au nom de ce dernier. Leur sortie est règlementée par le décret n°76-167 du 27 avril 1976 fixant les modalités de gestion du domaine privé de l'Etat. De ce fait, tout titre foncier établit sur un domaine privé de l'Etat est nul d'ordre public. Une action domaniale87(*) doit être menée par les autorités contre les personnes qui immatriculent ou qui portent atteinte aux domaines de l'Etat, en vu de la restitution, de la réparation et du déguerpissement.

S'agissant du domaine public, la technique juridique qui permet d'y sortir un bien immeuble est le déclassement. Ainsi, les biens immobiliers du domaine public naturel ou artificiel reconnus sans utilité compte tenu de leur affectation initiale, peuvent être déclassés et intégrés au domaine privé de l'Etat ou des autres personnes morales de droit public.88(*) L'acte qui déclasse est un décret. D'après L'ordonnance n°74-2 du 06 juillet 1974 fixant le régime domanial, modifiée par l'ordonnance n°77-2 du 10 janvier 1977, «  font partie du domaine public, tous les biens meubles et immeubles qui, par nature ou par destination, sont affectés soit à l'usage direct du public, soit aux services publics  ». De ce fait, Les principes qui encadrent ou règlementent la gestion des biens du domaine public sont fixées par l'article 2 de l'ord. N°74-2 précitée. D'après cet article, les biens du domaine public sont inaliénables, imprescriptibles, insaisissables et insusceptibles d'appropriation privée. Par ces principes le législateur voudrait empêcher toute acquisition par les tiers de droits réels sur les biens qui composent le domaine public.

Cependant, malgré toutes ces mesures, on retrouve quand même des titres de propriété irréguliers sur les domaines de l'Etat. Les commissions consultatives arrivent à les immatriculer au nom des particuliers, en présence même du représentant du service départemental des domaines ou celui des affaires foncières. À court, à moyen ou à long terme, le MINDCAF est appelé à constater la nullité d'ordre public dudit titre foncier. Le comble étant que les bénéficiaires sont dans la majorité des cas, des hautes personnalités de la république. On a ainsi des titres fonciers sur les plages, les marécages et les autres domaines publics qui sont en circulation sans aucune inquiétude. Des titres fonciers sont délivrés sur les domaines déjà titrés au nom de l'Etat. On comprend que les commissions consultatives n'ignorent pas la situation juridique de ces terres. Il leur est d'ailleurs impossible de l'ignorer, leur composition étant si complexement prévue par le législateur en vu d'éviter ce type d'incident. Ce qui devient la preuve que la commission est corrompue, et que des sanctions sérieuses ne sont pas appliquées à leurs membres à cet effet, en vue de les dissuader.

À la direction des domaines, nous avons tenté d'avoir quelques explications sur ces atteintes. La bonne nouvelle étant que, dans chaque sous-direction (domaine public et domaine privé), il existe un service de gestion et un service de protection du domaine. La mauvaise nouvelle quand à elle est liée au fait que nous ayons été confrontés d'abord au scepticisme de certains responsables, qui ne sont pas passés par quatre chemins pour refuser de nous entretenir89(*). Ensuite, pendant notre séjour, nous avons été marqués par la vacance de plusieurs postes importants à la direction des domaines. C'est ainsi que, le chef de service de gestion du domaine privé est à la retraite, le chef de service de gestion et protection du domaine public est en congé maladie depuis des mois, le chef de service des indemnisations est en mission... nous avons quand même pu nous entretenir avec un cadre du service de protection du domaine public. A la question de savoir : « quelles sont les mesures préventives et les mesures répressives que vous prenez dans le sens de la protection du domaine public ? » ce dernier répond « c'est difficile à dire, parce que l'ordonnance sur la gestion et la protection du domaine public n'a pas de décret d'application ». Ce qui n'est pas faux, mais ne justifie pas pour autant l'inertie de ce service. Car, quoi qu'on dise, les biens du domaine public sont inaliénables, imprescriptibles, insaisissables et insusceptibles d'appropriation privée. Ces caractères à eux seuls suffisent pour activer la machine répressive du MINDCAF et accompagner les autorités décentralisées et déconcentrées dans la répression des atteintes à la domanialité publique. Mais hélas, rien n'est fait à ce niveau, tout le travail est laissé aux communautés locales décentralisées, qui s'efforcent tant bien que mal, car, ne sont ni bien outillées, ni bien assistées par la tutelle du ministère. Par ailleurs, « Comment expliquer que sur un même terrain, puisse être délivrés plus d'un titre foncier alors que dans chaque cas d'immatriculation, une commission consultative descend sur les lieux, un procès verbal de bornage est dressé, des riverains entendus ? Il est dès lors très simple de comprendre que la pluralité d'immatriculations sur un même terrain ne peut être orchestrée et menée de main de maître, que par les fonctionnaires en charge de l'immatriculation »90(*). Il ne fait aucun doute que tous ces disfonctionnements dans la procédure d'obtention du titre foncier traduisent la complicité des autorités en charge de ladite procédure.

Nous comprenons au regard de ce qui précède que, la commission consultative aurait été l'organe par excellence de protection des domaines de l'Etat. Car, vu sa composition et sa proximité, il serait bien difficile de tromper sa vigilance sur la nature juridique des terres du domaine de l'Etat. Mais en réalité, elle est le plus grand prédateur (à surveiller de très près) de ces terres, qu'elle considère comme une mangeoire, ou mieux, une table servie à l'appétit de chacun de ses membres.

Lors d'un entretien privé avec un responsable du service départemental des affaires foncières de la Mifi, sur l'immatriculation des domaines de l'État et sur la double immatriculation, celui-ci avoue qu'ils ne le font pas par ignorance de la loi, « il suffit que le requérant parle bien, c'est à ses risques et périls si le MINDCAF l'annule après. Il ne s'en prendra qu'à lui-même. Nous ne courons aucun risque de notre côté ». Ce qui témoigne de la violation expresse des règles de procédure en faveur du bénéficiaire corrupteur.

b- La violation expresse des règles de procédure en faveur du bénéficiaire corrupteur

Il est constant que, le retrait du titre foncier est dû aux irrégularités commises au cours de la procédure, et de la fraude du bénéficiaire. Mais, de quelles irrégularités s'agit-il ici ?

Les textes sont muets sur la notion d'irrégularité. Mais nous savons que tout manquement dans la procédure d'obtention du titre foncier est considéré comme une irrégularité. A ce titre, on peut citer les oppositions non prises en compte par la commission consultative ; le refus de bornage immédiat en présence des riverains, des bornages sans descente effective sur le terrain de la commission consultative.

Les oppositions faites le jour de la descente sur le terrain de la commission consultative doivent être inscrites dans les procès verbaux ou tranchées sur le champ par ladite commission. Elle devra alors se prononcer avant de continuer la procédure si possible. Les oppositions non formulées devant la commission doivent l'être devant le conservateur foncier qui les mentionne dans un registre spécial. Il est de ce fait inconcevable, qu'un titre foncier soit retiré pour mises en valeur non probantes ou non appartenance des mises en valeur au bénéficiaire, pour empiètement sur les titres fonciers des voisins ou pour toutes autres oppositions régulièrement formulées. Il est vrai que, les vices de procédure ne sont pas toutes imputables à la commission consultative. Mais il n'est pas moins vrai que, sauf cas de fraude du bénéficiaire (qui est d'ailleurs presque toujours avec la complicité de l'administration), la plupart de ces irrégularités sont liées à la corruption. Il arrive fréquemment que, le sous préfet après avoir perçu son « tchoko »91(*), descende sur le terrain avec la commission, mais ne suive pas la procédure jusqu'au bout. Il est même parfois représenté par son adjoint ou par un agent de la sous préfecture qui considère cela comme une invitation à la bouffe. Une fois que les mises en valeurs ont été constatées, tous les membres signent les procès verbaux, mais les bornes ne seront pas posées comme l'exige la procédure normale. Tout le monde sait que le géomètre du cadastre doit percevoir sa part, avant de revenir quelques jours ou quelques semaines plus tard refixer les bornes à l'endroit choisit par le bénéficiaire, à l'abri de tout regard indiscret pendant le levé topographique, et ceci bien sur si le requérant « parle bien ». Ces nouvelles limites seront alors contre la volonté des riverains signataires des procès verbaux, qui se verront lésés dans leurs droits. Ceux-ci seront fondés à saisir le MINDCAF d'une requête aux fins de retrait dudit titre foncier entaché d'irrégularités, par la faute de la commission consultative.

* 84 Ce sont les entretiens avec les acteurs du processus d'obtention du titre foncier, l'observation, l'analyse et la confrontation.

* 85 art.12 décret n°76-166

* 86 La gestion du domaine privé de l'Etat est principalement organisée par le décret n°76-167 du 27 avril 1976 fixant les modalités de gestion du domaine privé de l'Etat, alors que la gestion du domaine public n'a pas de décret d'application. Ce qui est un handicape dans la répression des atteintes. Mais les principes d'insaisissabilité, d'imprescriptibilité, insaisissabilité et insusceptibilité d'appropriation privée sont une base pour la répression des atteintes au domaine public. En attendant le décret d'application qui doit être pris sans délais.

* 87 Pour la définition de l'action domaniale, voir glossaire.

* 88 art.5 al.3 ord. N°74-2 du 06 juillet 1974 fixant le régime domanial, modifiée par l'ordonnance n°77-2 du 10 janvier 1977.

* 89 Voici les propos d'un sous directeur qui nous dit sans aucuns soucis, « vous avez dit master II en droit foncier ? Je vous envoi chez mon chef de service de gestion, en vérité il est mieux placé pour répondre à vos préoccupations, car, il est à sa 22e année de service dans la maison ». Notons que le chef de service en question est déjà à la retraite et ne vient au service qu'une ou deux fois par semaine juste pour quelques minutes la journée, le temps pour lui de régler rapidement quelques affaires d'intérêt personnel. Nous n'avons jamais pu le rencontrer.

* 90 TCHAPMEGNI Robinson, thèse de doctorat précité ; pp 153

* 91 Terme employé au Cameroun dans le cadre de la corruption pour désigner la somme d'argent ou tout autre objet qui doit être remis au corrompu par le corrupteur en échange d'un service gratuit en principe ou illégal.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius