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Le retrait et la nullité du titre foncier au ministère des domaines, du cadastre, et des affaires foncières (mindcaf).


par Ibrahim Moktar POUKO MEKOU
Université de Dschang Cameroun - Master II Professionnel en Droit et Techniques Fonciers et Domaniaux 2014
  

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B. les effets de l'arrêté du MINDCAF

Nous pouvons les envisager en termes d'impacts sur le plan juridique (1) et sur l'environnement sociétal (2)

1- au plan juridique

La constatation de nullité d'ordre public du titre foncier a pour finalité d'anéantir depuis l'origine (c'est-à-dire le jour de sa délivrance à travers la signature du conservateur), les effets du titre foncier en cause. Le titre foncier annulé est donc réputé n'avoir jamais existé. Toutes les conséquences juridiques qu'il a pu produire doivent être anéanties. La première grande finalité est l'anéantissement depuis l'origine75(*), des effets du titre foncier en cause. Cela signifie que toute convention, toute transaction ou tout acte juridique ayant pour fondement le titre foncier incriminé tombe du fait de la nullité constatée par arrêté du MINDCAF ou de son retrait. Les titulaires de ces droits et bénéficiaires des charges, ne peuvent désormais plus les opposer aux tiers. En effet, ces droits liés au propriétaire évincé suivent le sort du droit de leur auteur, car n'étant plus inscrits au livre foncier76(*).

Lorsque les titulaires de droits sont de bonne foi77(*) l'annulation des droits de leur auteur ne devrait pas leur être applicable78(*). Seulement, il ne leur sera pas aisé de maintenir leurs droits. Le titre foncier ayant disparu de l'ordonnancement juridique, emportant avec lui les droits et charges sur l'immeuble litigieux. Les seuls recours qui restent sont ceux de l'article 17 du décret de 1932  « ...sans préjudice des droits et actions réciproques des parties pour l'exercice de leurs conventions... »

L'effet du retrait qui le distingue expressément du constat de nullité, est celui prévu par les dispositions de l'alinéa 4 de l'article 2 du décret no 2005-481 du 16 décembre 2005 précité qui dispose que: «  le retrait du titre foncier délivré entraine la mutation sans frais dudit titre au nom du propriétaire initial, s'il s'agit d'un immeuble immatriculé. L'immeuble est remis au même et semblable état ou il se trouvait avant la délivrance du titre, s'il s'agit d'un immeuble non immatriculé. »

Il ressort donc de ces dispositions deux cas: d'une part celui de l'immeuble immatriculé, et d'autres parts celui des immeubles non immatriculés.

Le premier cas est tout simplement celui d'un immeuble qui a fait l'objet de la double immatriculation. L'interprétation de ce texte réaffirme et consolide le principe selon lequel « bornage sur bornage ne vaut ». C'est-à-dire qu'en cas de double immatriculation par la fraude du bénéficiaire ou par la faute de l'administration, justifié par la production d'actes authentiques, les deux titres sortent de l'ordonnancement juridique et le second est muté au nom du propriétaire initial. Ceci n'est pas prévu de façon expresse, mais une bonne interprétation des textes pourrait justifier que cela s'applique au constat de nullité de la double immatriculation79(*). Ce qui nous amène à nous interroger sur le sort des ouvrages nouveaux réalisés par le propriétaire évincé.

Ce dernier sera dès lors considéré en droit comme un tiers et son sort sera déterminé par L'art. 555 du Code civil camerounais qui fait alors la distinction selon que ce propriétaire évincé est de bonne ou de mauvaise foi. Il faut d'emblée préciser que selon l'alinéa 1 de l'art. 555, « Lorsque les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers et avec ses matériaux, le propriétaire du fonds a droit ou de les retenir, ou d'obliger ce tiers à les enlever ».

On verra le cas du constructeur possesseur de bonne foi et celui du constructeur de mauvaise foi.

Pour le constructeur de bonne foi (qui est dans ce contexte quelqu'un qui ignorait que son titre foncier étai vicié), Il suffit qu'au moment où il a exécuté ses travaux, le constructeur (planteur) ait cru qu'il était propriétaire du terrain. La bonne foi est toujours présumée, et c'est à celui qui allègue la mauvaise foi à la prouver80(*). Ce qui ne sera pas un problème pour le véritable propriétaire, car le juge appréciera ici l'irrégularité du titre annulé.

L'art. 555 al. 3 accorde au constructeur de bonne foi une indemnité, qualifiée parfois d'indemnité d'occupation : cela suppose que le propriétaire ait décidé de garder les constructions. Mais son montant dépend d'une option laissée à l'appréciation du propriétaire : il a le choix ou de rembourser le coût réel de la construction qui équivaut au montant des matériaux et main-d'oeuvre, ou de payer le montant de la plus-value acquise par le fonds.

Il est traditionnellement accordé au constructeur de bonne foi un droit de rétention, qui lui permet de demeurer en possession tant que le propriétaire ne l'aura pas remboursé du montant des travaux, ou ne lui aura pas réglé la plus-value.

S'agissant du constructeur de mauvaise foi. Qui est dans notre contexte celui la qui a usé de la fraude pour obtenir son titre de propriété qui a d'ailleurs été annulé par le MINDCAF. Il faut rappeler que le propriétaire n'est obligé de verser une indemnité au constructeur de mauvaise foi que s'il veut conserver les constructions.

Le propriétaire a le droit, en effet, d'exiger que les constructions soient enlevées aux frais du constructeur, tenu, dans ce cas, de réparer toutes les détériorations et dégradations81(*). Lorsque la juridiction pénale a été saisie, elle « ordonne le déguerpissement immédiat de l'occupant à ses propres frais »82(*): on peut se poser la question de savoir si elle doit le faire automatiquement, ou à la demande du propriétaire.

S'il entend conserver les ouvrages nouveaux, le propriétaire doit indemniser le constructeur de mauvaise foi. Mais le montant de l'indemnisation n'est plus laissée à l'appréciation du propriétaire, il ne dispose pas d'une option : il doit nécessairement rembourser le coût des constructions83(*).

Le second cas est celui d'un immeuble qui n'était pas immatriculé au par avant. Celui-ci est remis au même et semblable état dans lequel il se trouvait avant l'immatriculation. C'est-à-dire qu'il retourne tout simplement dans le domaine national.

On pourrait dire que, l'alinéa 3 et le premier tiret de l'alinéa 6 de l'article 2, ont le même effet. Mais on pourrait aussi penser que, le premier s'applique lorsque le retrait est demandé par un requérant, qui évoque la fraude du bénéficiaire d'un autre titre sur la même portion, ou la faute de l'administration. Tandis que, le second implique l'immatriculation arbitraire d'un terrain déjà immatriculé. Cette dernière remarque arrive donc comme une invitation du représentant de l'Etat à plus de circonspection dans sa note à l'attention du ministre, en matière de retrait et de constat de nullité du titre foncier.

2- Dans l'environnement sociétal

Il s'agit des effets de l'arrêté du MINDCAF, d'abord sur les agents publics en charge de la procédure d'immatriculation, et ensuite sur les particuliers.

L'alinéa 8 de l'article 2 du décret de 2005 sus cité prévoit la sanction des agents publics responsables du retrait ou de la nullité du titre foncier en ces termes : « Les agents publics reconnus auteurs ou complices des actes irréguliers ayant entraîné le retrait ou la constatation de nullité d'un titre foncier, sont sanctionnés conformément aux dispositions de l'article 2 de la loi n° 80/22 du 14 Juillet 1980 portant répression des atteintes à la propriété foncière et domaniale »

Des sanctions disciplinaires sont aussi prévues et peuvent être sévères selon que la faute est qualifiée de faute grave ou non.

S'agissant des particuliers, nous ne pouvons manquer de mentionner les chocs que ceux-ci subissent tant sur le plan émotionnel que sur le plan social.

Émotionnellement parlant, l'arrêté du ministre est une sanction. En tant que telle, il est logique, que pendant que l'une parties subi ses effets juridiques dans la déception (déçue par l'échec de son intention malveillante ou par la faute de l'administration), que l'autre ait par le même fait un sentiment de justice et d'égalité. Mais il arrive que le retrait d'un titre foncier par le MINDCAF ou son annulation par le juge administratif entraine un combat entre les parties ; combat qui est parfois physique à travers des coups de machettes et autres, et métaphysique à travers des pratiques de sorcellerie. Rien de tout cela n'est jamais nouveau, car tout camerounais a sa petite idée de la tournure que peut prendre un litige foncier, et pire lorsque désormais, par la force de la loi, il y'à un vainqueur et un vaincu.

* 75 C'est-à-dire depuis le jour de sa délivrance à travers le conservateur,

* 76 En application des dispositions combinés des articles 17 et 158 du décret du 21- 07- 1932

* 77 C.-à-d. qu'aucun des faits ayant donné lieu au à l'annulation des droits de leur auteur ne leur est imputable

* 78 Par application de l'article 158 du décret de 1932.

* 79 Cet effet ne peut être envisagé que dans le cas de la double immatriculation. Alors que celle-ci est prévue par l'alinéa 6 du même article plutôt dans le cadre du constat de nullité. Il est dit que le titre sera immatriculé « au nom du propriétaire initial s'il s'agit d'un immeuble immatriculé ».

* 80 Article 2268 du Code civil camerounais

* 81 Art. 555 al. 2 C. civ ; art. 3 al. 2 de la loi n° 80-22 du 14 juillet 1980 portant répression des atteintes à la propriété foncière.

* 82 Article 3 al. 1 de la loi. n° 80-22 du 14 juillet 19800op.cit

* 83 Art. 555 al. 3 du code civil camerounais. op.cit

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon