Section 2. Les mécanismes d'harmonisation de
l'âge à la réalité sociale
En réalité, il est indéniable que les
jeunes sont confrontés de plus en plus tôt à la
sexualité entre autres à travers les médias (internet
notamment)85. Les réseaux sociaux sont fréquemment
accusés de modeler les représentations sociales et
d'accroître le conformisme des jeunes86. Lorsqu'ils sont
utilisés de manière quotidienne et intensive, ces canaux
d'échange contribuent à diffuser auprès des adolescents
une image de la sexualité plus précoce qu'elle n'est
effectivement. Ils sont en outre associés à un passage à
l'acte plus précoce chez les filles87. Ainsi,
l'éducation à la sexualité (§1) et la mise en place
d'une nouvelle réforme législative (§2) peuvent être
de bonnes pistes de solution pour rendre le législateur plus
cohérent en matière de la sexualité entre enfants.
§1. L'éducation à la
sexualité
Les droits reproductifs des adolescents, consacrés par
un certain nombre d'instruments internationaux, incluent l'accès
à une éducation sexuelle, à des services de
dépistage des infections transmissibles sexuellement, à des
moyens de contraception, à l'avortement et à un suivi de
grossesse adéquat88. En France, il tombe sous le sens qu'une
adolescente puisse se priver de ces services de peur de dénoncer son
conjoint et d'être elle-même prise en charge par la Direction de la
protection de la jeunesse, contrairement à la RDC qui n'a aucune
institution spécialisée pour la protection de la jeunesse et se
contente de la prise en charge apportée par quelques organisations et
associations internationales ; en l'occurrence l'Association de Baron
Américain (ABA) pour la lutte contre les violences sexuelles faites aux
enfants mineurs.
Or, du point de vue de l'accès à des soins de
santé, l'âge du partenaire est sans importance ; dans tous les
cas, l'adolescente a besoin d'un suivi médical. Supposons maintenant que
l'adolescente donne naissance à un enfant dans la foulée d'une
relation sexuelle non protégée avec un adulte. Les impacts
économiques de la criminalisation se font alors cruellement sentir. Le
père de son enfant risque l'incarcération ou la
déportation ; dans ces conditions, les chances qu'il subvienne aux
besoins de son enfant sont considérablement réduites. Par
ailleurs, dans l'éventualité où la relation
adolescente/homme adulte n'a pas été dénoncée,
l'adolescente peut répugner à demander le paiement d'une pension
alimentaire,
85 Frédérique Van Houcke, Op. cit,
p.2.
86 Florance Millochan et al, « L'âge
« normal » au premier rapport sexuel : perceptions et pratiques
des adolescents en 2014 », Agora débats/jeunesses 2016/4
(N° Hors-série), p.52.
87 Ibidem.
88 Cheick Tidiani Cissé,
Op. cit, p.44.
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craignant de provoquer une poursuite criminelle. Notons enfin
que les adolescentes qui demandent de l'aide sociale pour elle et leur enfant
doivent au préalable exercer leur recours alimentaire contre le
père, ce qui place également ce dernier à risque de
poursuite criminelle. Bref, la criminalisation des rapports sexuels librement
consentis est susceptible de favoriser la pauvreté de la jeune
mère et de son enfant89.
L'éducation à la sexualité en France se
trouve à un moment clé de son évolution. Elle a vu, depuis
le début du siècle, son cadre légal et
réglementaire renforcé mais peine encore à s'adapter
à un contexte nouveau. Les outils à disposition des acteurs tout
comme l'approche retenue en pratique sont le reflet de résistances qui
persistent autour de l'éducation à la sexualité. Il s'agit
désormais de les dépasser90.
Toujours en France, si les premières informations mise
en place concernaient avant tout des données physiques et
physiologiques, peu à peu une véritable « éducation
à la sexualité » a été instaurée.
Animées par des professionnels de santé, ces séances
mettent l'accent sur les relations amoureuses, les relations sexuelles et les
modes de contraception91. Ces séances sont obligatoires, de
selon la loi n°2004-806 qui stipule qu'il doit y avoir au moins «
3 séances annuelles et par groupe d'âge homogène
», et ceci dans les « écoles, collèges et
lycées ». Néanmoins, cette éducation sexuelle
s'avère encore peu fréquente (entre 2 et 3 en moyenne au cours de
la scolarité)92.
Pour veiller à la sécurité sexuelle et au
bon développement des enfants mineurs, le législateur congolais
devrait miser sur l'éducation sexuelle pour éviter les relations
sexuelles clandestines, vu la rigueur qu'applique la loi sur la
répression de ces actes93. La loi de 2009 sur la protection
de l'enfant, par ses dispositions, se contente seulement de la
répression des rapports sexuels entretenus avec les mineurs, sans
illustrer une ou plusieurs mesures de préventives contre la commission
de ces actes.
En effet, comme en France, l'éducation sexuelle en RDC
doit être :
? Effective : au vue du principe de la
non-discrimination et celui de l'égalité des
enfants devant la loi et à la protection94
prônés par la loi de 2009, tout enfant se trouvant sur le
territoire national, doit bénéficier de cette éducation
;
89 J. DESROSIERS, A. LÉTOURNEAU, Op.
cit, pp.75-76.
90 Rapport de Droits de l'enfant en 2017 : Au
miroir de la Convention internationale des droits de l'enfant, In,
défenseur des droits, Paris, 30 novembre 2017.
91 Emilie DESACHY, Les échecs de
contraception à l'adolescence, Mémoire, Ecole des
sages-femmes Albert Fruhinsholz, Université Henri Poincaré, Nancy
I, 2012, p.13.
92 Ibidem.
93 Loi portant protection de l'enfant, Op.
cit, Art. 170.
94 Idem, art. 4 et 5.
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? Obligatoire : le pouvoir public doit prendre, sans
préjudice des libertés légales de l'enfant, des mesures
obligatoires pour chaque enfant de participer aux séances
d'éducation à la sexualité ;
? Enseignée dans les milieux appropriés :
l'enfant étant un être fragile, il serait compliquer d'initier
cette éducation à des milieux où il ne fréquente
pas et dont il apprend pour une cause nouvelle à ses capacités.
En effet, la chose à envisager est celle de renforcer le programme dans
le cours d'éducation à la vie aux écoles, lycées et
collèges et mettre en place une équipe des psychologues afin de
vérifier la capacité de l'enfant par rapport à la
formation qu'il va subir ;
Sortir les séances d'éducation à la
sexualité dans des milieux scolaires, en les proposant aux
établissements sanitaires en favorisant le dialogue, les échanges
et les espaces dédiés à ces séances, en impliquant
également les parents, la communauté, les responsables
traditionnels et religieux, les leaders d'opinion et les jeunes
eux-mêmes.
? L'adolescent écoute plus attentivement ses Pairs :
nous pourrions donc proposer des séances d'éducation à la
sexualité menées par des étudiants en médecine ou
étudiants sages-femmes, formés et encadrés par un
professionnel habitué à mener ces interventions, qui seraient
dans une tranche d'âge relativement proche de la population. Dans la
même idée, et afin d'enlever l'étiquette «
professionnel de santé » qui peut gêner certains adolescents,
ces séances pourrait être animées par des adolescents,
encore lycéens, dans les niveaux d'étude inférieurs.
Formés, encadrés et soutenus par un professionnel de santé
aguerri aux séances d'informations, des lycéens en classe de
première pourraient ainsi discuter, avec ceux de seconde ou des
collégiens, de sexualité dans des termes qui leurs sont plus
familiers et avec des animateurs auxquels ils pourront s'identifier.
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