8.2. Conséquences
pour les parents à fils unique
Le phénomène de fils unique suscite diverses
attitudes chez ses parents. Ces attitudes peuvent avoir des influences sur
l'éducation de ce fils. Les parents pourront également avoir des
difficultés qui découlent de l'unicité du fils telles que
la culpabilité et l'autorité faible. Nous avons donc noté
une sorte de culpabilité chez les parents du fils unique quand celui-ci
n'est pas visible à leur égard. Ainsi, nous rappelons les propos
de CAN qui se trouve dans l'insécurité, de crainte que la mort
puisse emporter son fils unique. Les parents à fils unique sont plus
craintifs car ils prévoient l'avenir de leur famille à leur fils.
Et si, par malheur, la mort emporte ce fils, la famille disparaît. Le
fait que le fils continue la lignée familiale, les parents essayent de
le protéger à toute difficulté.
A propos de la culpabilité que ressentent les parents
hyperprotecteurs, LERICHE A. M. (1975, p. 24) signale que « les
parents sont eux-mêmes très anxieux et malheureux. Ils se sentent,
souvent inconsciemment, coupables à l'égard de leurs enfants et
c'est pour réparer ou expier cette faute imaginaire et
inconsciente.» Parfois les parents d'un seul fils affichent une
anxiété liée au fait que leur fils peut être perdu
d`un moment à l'autre et que ces parents restent avec une
progéniture seulement féminine.
Dans la mentalité burundaise traditionnelle, un seul
fils est considéré comme un seul enfant ne fait pas la famille.
Souvent, on dit : « Umwana umwe ntagira
umuryango », ce qui veut dire: « Avoir un seul enfant
n'est pas encore avoir de la famille.» Et l'enquêté CAN
le confirme aussi en se montrant insatisfait de son unique fils. Au Burundi,
celui qui a un seul enfant est considéré presque comme s'il n'en
avait pas. D'une part, le couple est heureux de l'unique enfant et, d'autre
part, le couple tombe dans l'anxiété, hanté par la peur de
perdre l'enfant. Le fils unique est aussi considéré comme le seul
enfant, car unique garçon dans la famille. Ces propos ont
été également répétés par un
enquêté de NAVAS J. et al. (1977, p.52) en disant que :
« Avoir un seul enfant, c'est comme avoir un seul oeil : s'il se
ferme, on devenait aveugle.»Ces propos montrent que les Burundais
avaient peur de la mort et particulièrement celui qui a un seul fils ne
pouvait pas être tranquille. Le fils unique ne confère pas
à la famille le sentiment de satisfaction. Il restait plus un objet
d'anxiété et d'angoisse que de joie.
Dans le but d'éviter à leur fils unique peines
et frustrations, certains parents abdiquent leurs responsabilités et
font preuve d'une compréhension infinie. A ce moment, les
conséquences au niveau de l'éducation du fils unique ne sont pas
du tout bonnes.En effet, le respect et la discipline semblent être
relâchés et il y a risque de déviation au niveau du
comportement du fils unique. Voici ce qu'a raconté MUJ sur les
comportements de son fils : « Urya muhungu aragoye cane, arakunda
gushwana na bashikiwe. Ugize uravuga hari igihe aca agutuka. Urumva indero
sinziza.»
Ce qui signifie : « Ce fils-là est
très difficile, il aime disputer avec ses soeurs. Si nous essayons de
lui donner des conseils, il arrive qu'il nous insulte. Donc, on comprend bien
qu'il n'est pas bien éduqué.»Depuis son enfance, le
fils de MUJ a été bien traité. Ses demandes ont
été immédiatement fournies. Il n'est pas puni dans son
enfance, ce qui l'a poussé à avoir un comportement asocial. C'est
ce que dit encore MUJ en ces mots : « Umwana umureze adahanwa ni
bibi, kuko aca akura ari umunyamafuti. Ubu twararengewe yarabaye umuhimbiri
ntakivayo.»
Ce qui se traduit ainsi : « Si un enfant est
traité sans subir des punitions, c'est très mauvais, car il
grandit étant fautif. Aujourd'hui, nous sommes dépassés
par sa délinquance, il ne peut plus être
corrigé.» L'absence de l'autorité parentale chez
l'enfant lui permet d'avoir une personnalité faible. Si l'enfant devient
associable, il peut devenir incapable de résoudre les problèmes
qui pourraient lui arriver. MUJ comprend maintenant qu'un seul fils a besoin
d'un traitement un peu sévère dès son enfance, car, comme
l'écrit SILLAMY N. (1980, p.39), «l'autorité est aussi
nécessaire que l'affection. Au moment de l'adolescence, elle devient
plus importante. Sans autorité, l'éducation se fait
mal.»En voulant trop protéger le fils unique, dit MUJ, on
l'expose sans le savoir à de nombreux dangers. A ce sujet, LESCURE M.
(1978, p.110) trouve qu'«élever l'enfant sans contrainte aucune
sous le fallacieux prétexte de respecter la liberté, c'est le
livrer à sa propre fantaisie à un âge où celle-ci
risque d'être tyrannique et mal le préparer aux contraintes de la
vie sociale.» Il faut donc noter que les parents doivent
êtreun peu sévères en équilibrant
sévérité et affection.
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