7.4. Les comportements des
parents comme source de rivalités fraternelles
Le sexe des enfants influence toujours les relations
familiales et fraternelles. Suivant que tel parent privilégie les
enfants de tel sexe, ceci peut provoquer des conflits au sein de la fratrie.En
effet, pour notre étude, nous avons constaté que nos
enquêtés privilégient le sexe masculin. Par exemple, MET
privilégiait son fils unique dans tout. Ainsi, il dit : «
Hize umuhungu, abakobwa n'aho batokwiga ntaco.»
Ce qui veut dire : « Si le fils est
scolarisé, alors que les filles ne le sont pas, il n'y aurait pas de
problèmes.»Par conséquent, si le fils unique est
privilégié au détriment des filles, ces dernières
peuvent devenir jalouses à l'égard de ce fils et les conflits
fraternels y trouvent dès lors leur origine. Dans ses propos ATH montre
la jalousie de ses filles envers le fils unique car ce dernier est beaucoup
privilégié.Cette situation montre que les parents doivent tenir
compte des conséquences qui découlent de la façon dont ils
considèrent les enfants. Le but serait ici d'éviter sinon limiter
les conflits entre frères et soeurs pouvant affecter tous les membres de
la famille. Il convient alors ici de donner des conseils aux fils uniques et
aux parents démissionnaires de leurs rôles éducatifs pour
qu'ils puissent eux-mêmes harmoniser les relations familiales et la
réussite éducative de leurs enfants.
7.5. La maltraitance faite
au sexe féminin
Au Burundi, les filles sont négligées et
maltraitées de différentesfaçons. Certaines filles peuvent
êtremaltraitées psychologiquement, c'est-à-dire qu'elles
sont victimes d'une attitude parentale négative. Par exemple, la fille
est dénigrée sans cesse, ridiculisée, ses succès
sont méprisés, elle est privée de contacts sociaux. Une
fille est égalementnégligée psychologiquement et
émotionnellement lorsqu'elle ne reçoit pas assez d'attention,
d'affection et de sécurité. Rappelons que MUJ maltraite les
filles et son épouseparce que celle-ci n'a pas engendré des
garçons. Aux yeux de MUJ, le sexe féminin n'a pas de valeur comme
lui-même l'a révélé. MUJ maltraite sa femme parce
que cette dernière a engendré les filles. La maltraitance a pris
fin avec la naissance du fils. Pour dire que les garçons et les filles
n'ont pas la même valeur chez lui. La maltraitance faite à la
femme de MUJ touche psychologiquement ses filles car elles voient qu'elles
sont la cause de celle-ci. Les filles remarquent,à ce moment-là,
que le sexe féminin occupe la deuxième place en famille et joue
également le rôle secondaire dans la famille car le sexe masculin
domine dans tout. Les filles sont alors angoissées comme le souligne
HAYEZ J.Y. (1982, p. 224) en ces termes : « Il est des
enfants angoissés parce que le parent de leur sexe joue lui-même
un rôle secondaire dans l'économie familiale : plus timide,
plus inconsistant, dominé par son partenaire ; dans ces conditions,
l'enfant ne se sent pas protégé par lui et il est
culpabilisé à l'idée - plus ou moins illusoire - de
triompher de lui et de l'abattre au détour de son mouvement oedipien.
»Lorsque les filles remarquent que leur mère est
limitée dans la prise des décisions, elles sont angoissées
de plus. Elles voient réellement que leur place en famille est
secondaire et acceptent, de ce fait, la domination de leur frère.
La négligence des enfants plus particulièrement
celle des filles peut êtrematérielle. La
négligencematérielleest caractérisée par un manque
de soins des enfants (manque d'habits,de temps de repos, insuffisance des
conditions sanitaires...). Comme le souligne TOURIGNY cité par NDAYISABA
J. et DE GRANDMONT N. (1999, p.347), « la négligence
est le refus de la part de la personne chargée d'éduquer
l'enfant, d'administrer à celui-ci les soins nécessaires
et de répondreà son besoin d'affection. Elle peut
être physique comme refus de nourrir l'enfant, refus de l'habiller ou
affective comme l'enfant rejeté,ignoré, l'enfant traité
comme simple objet. » Les filles sont, à cause de la
tradition culturelle burundaise, moins considérées. Elles ne sont
pas envoyées à l'école au même rythme que les
garçons comme MET le souligne dans ses propos.
Les filles donc sont appelées à se soumettre
aux hommes tout en affichant respect et obéissance. Devenues femmes, les
filles gardent cette même valeur en famille. Ainsi, ATH dit
ceci : « Abakobwa kuva kera ntibigeze batorana,
turabarera kugira bagire indero runtu yo kubaha, kugira ntibazodutukishe nibaja
kubaka, bazokubahe abagabo babo. »
Ce qui veut dire : « Depuis
longtemps, les filles n'héritent pas, on les éduque pour
qu'elles aient une éducation d'obéissance, pour qu'elles ne nous
déshonorent pas après le mariage, pour qu'elles obéissent
à leurs époux. » La tradition est à la
cause de cette problématique de déconsidérer les
filles. Les filles sont éduquées pour la vie à une
autre famille, pour le respect de leurs futurs époux. Les filles sont
privées de l'héritage de leurs parents, elles héritent
chez leurs époux.
En clair, il s'agit d'une injustice commise à
l'égard de la femme comme le souligne, ainsi, le PNUD (1999,
p.21) : « Juridiquement, sous certains aspects, les femmes
burundaises ne jouissent pas pleinement des mêmes droits que les hommes.
Le code des personnes et de la famille accuse encore des insuffisances en
matière d'héritage et de succession. » Nonobstant,
la femme ne devrait pas être écartée lors de la succession
dans la mesure où elle participe beaucoup à la production
familiale et au bien-être familial.Le statut de la femme en
général est en rapport avec le contexte socioculturel. Son image,
aux yeux de la société burundaise, n'a pas encore
évolué bien qu'on prône son émancipation. Etant
donné que les femmes participent à peine aux décisions
politiques, on continue à ignorer de façon
délibérée leurs droits et les aspirations
légitimes.Selon BEAUVOIR S. (1979, p.25),« il est plus
facile d'accuser un sexe que d'excuser l'autre(...). Le code romain, pour
limiter les droits de la femme, invoque l'imbécilité, la
fragilité du sexe. » Même si les femmes n'ont pas
eu cette occasion de participer massivementà toutes les activités
que les hommes, elles sont aussi courageuses que ces derniers quand on les
confie un travail.
Dans cette optique, on peut se poser la question de savoir
dans quelle condition et comment les femmes doivent élaborer des
alternatives susceptibles de leur faire sortir de leur situation
défavorable. Pour promouvoir la condition de la femme, BOURGUIBA M.
(1962, p.73) pense que « la société ne peut
progresser et aspirer à une vie réellement digne que lorsque
l'homme et la femme modifient leur comportement et leur optique l'un
vis-à-vis de l'autre. » Le fils unique est placé
au premier rang dans la famille car il va remplacer son père, chef de
famille après la disparition de ce dernier. Nous pensons que cet
état de choses résulte, dans la société burundaise,
du fait que la domination masculine constituait l'idéal culturel. A ce
sujet, NEWLAND K. (1981, p.160) écrit ceci: «
lorsque la domination masculine constitue l'idéal culturel, un
garçon de douze ans sera qualifié ou se qualifiera même
personnellement de chef de la famille dans un foyer dépourvu d'homme
adulte. »Il faut donc, pour que les femmes sortent de
cetétat de choses, que les hommes sachent bien que les femmes sont aussi
courageuses. Les femmes doivent elles-mêmesparticiper dans toutes les
décisions prises à leur égard et participent dans la vie
socio-politico-économique du pays.
Nous avons évoqué dans ce chapitre les
traitements réservés au fils unique, la place du fils unique dans
la famille, les attitudes des parents comme source de rivalités
fraternelles et la maltraitance faite au sexe féminin. Nous pouvons
conclure toute en disant que les garçons et les filles sont
traitésdifféremment. Mais les traitements réservés
au fils unique comportent de lourdesconséquences pour ce dernier.
|