6. 2. L'origine de la
mésentente entre les parents et filles
Dans la société burundaise, la naissance du
fils en famille qui n'a que des filles n'est pas accueillie de la même
manière que celle d'une fille. En effet, les Burundais se
réjouissent beaucoup à la naissance d'un garçon. L'absence
de celui-ci dans la descendance peut être à la base des conflits
entre les parents et les filles.L'absence de garçons dans la descendance
est beaucoup plus ressentie par le père que par la mère. Avec
l'importance capitale que les hommes attachent à la naissance des
garçons, l'absence de ces derniers laisse une grande blessure chez le
père. Celui-ci se lamente toujours qu'il périt pour toujours. Il
garde en lui la nostalgie de voir un jour un fils naître dans sa
descendance. A cause de cette insatisfaction remarquable du père, les
relations familiales subissent de grandes perturbations. Voici les propos de
MET : « Nagiye kuronka amahoro mbonye havutse umuhungu. Abakobwa
bane bose atamuhungu aravuka, sinari mpimbawe ni ukuri. Nabona ko ngiye
guhona.»
Ce qui se traduit : « J'ai eu la paix quand j'ai
eu un fils. Avec quatre filles sans fils, je ne me sentais pas bien à
l'aise. Je voyais que j'allais périr.» MET est insatisfait de
la naissance des filles et ne va pas tisser de bonnes relations avec ces
dernières. Comme ces filles constatent que leur maman est elle aussi
maltraitée parce qu'elle n'a mis au monde que des filles, elles vont
rester attachées à leur maman. Ainsi, leur père les
maltraite au même titre que leur mère. De cette manière,
les relations entre père et filles deviennent totalement mauvaises. En
effet, le père ne considère pas ses filles comme ses vrais
enfants. Il agit comme s'il n'avait pas d'enfants.
La naissance d'un seul fils est une levée de
l'insécurité d'une part, pour la mère et, d'autre part,
pour les filles. Le père change ses lamentations en amour envers le fils
et la mère est aussi attachée à son fils car ce dernier
est sécurisant pour la mère. Ces propos d'ATH soutiennent cette
idée : « Umuhungu yavutse ubugira gatanu. Imbere y'ico
gihe ntamahoro nari mfise. Aho avukiye wamengo ni igitangaro kibaye, numva
amahoro mu nzu. Ahandi ho, yaba umugore canke abo bakobwa ntaco nababonamwo.
»
Ce qui veut dire : « Le fils est apparu à
la cinquième naissance. Avant cette dernière, je n'étais
pas en sécurité.A sa naissance, c'était comme un miracle
et la paix régnait dans notre famille. Sinon avant, ma femme et mes
filles étaient sans valeur pour moi.»Comme les filles ne sont
pas aimées par leur père, celles-ci restent toujours en
état de culpabilité. Elles s'attendent aux menaces de la part de
leur père. Cet état de culpabilité est aggravé par
le fait que leur père les maltraite comme si elles n'étaient pas
ses enfants. L'idéed'ATHmentionnée ci-haut montre qu'un
père sans fils menace chaque fois son épouse et ses filles. A
cela s'ajoute l'idée de NIC qui dit : « Iyo abana
badafashwe kumwe n'abavyeyi, abafashwe nabi baca bamera
nk'impfuvyi. »
Ce qui veut dire : « Si les enfants
sont traités différemment par leurs parents, ceux qui sont
maltraités se comportent comme des orphelins. »Lesfilles
se considèrent comme des orphelines de père à cause de
l'attitude de ce dernier. Ceci se remarque par un malaise continuel chez les
filles si elles ne sont pas avec le parent qui les aime.
Les conflits relationnels entre les conjoints affectent les
relations entre eux et leurs enfants surtout si ces conflits sont dus au fait
qu'ils ne convergent pas sur la façon dont ils considèrent les
filles et le fils unique. Dans une famille comptant un seul fils, la femme
attache une importance particulière à son fils comme son mari.A
ce sujet, voici les propos de la femme nommée SUZ : «
Hagati yacu n'umuhungu hari urukundo rwinshi gusumba hagati yacu
n'abakobwa.»
Cela signifie : « Entre moi-même et notre
fils se trouve la plus profonde affection qu'avec les filles.»Chez
SUZ, le fils unique est beaucoup plus aimé. On comprend alors que les
filles moins aimées par les parents développent des attitudes
négatives dans cette famille. Rappelons ici les propos d'ATH qui dit que
les filles sont jalouses envers le fils à cause de l'affection de la
part des parents. Nous remarquons qu'à travers les propos
d'ATH, le fait de s'occuper du fils unique dans la descendance a suscité
la jalousie chez les filles et cela crée un climat de mésentente
entre les membres de la famille.
Pour réussir à l'éducation des enfants,
il faudrait que chaque parent joue son rôle. Le rôle primordial de
la mère dans l'éducation des enfants ne serait donc pas
joué convenablement s'il y avait des conflits qui l'opposent à
ses filles. A ce sujet, nous nous référons à la
théorie de MANNONI M. (1964, p.20) selon laquelle, « la
mère est conçue par les enfants non seulement comme dispensatrice
des biens mais aussi comme source de protection. L'amour maternel
sécurise l'enfant. Et cet autour de cet amour que s'ordonnent les
relations de l'enfant avec les autres membres de la famille d'abord et puis
avec l'entourage.»Ici, nous voyons la prépondérance du
rôle joué par la mère dans l'éducation des enfants.
Pour que les parents puissent jouer convenablement ce rôle, ils doivent
manifester de l'affection envers leurs enfants sans tenir compte de leur
sexe.
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