CHAPITRE III : LE
FILS UNIQUE DANS LA FAMILLE BURUNDAISE
Au Burundi, la famille est heureuse si elle a beaucoup
d'enfant, filles et garçons. Selon les enquêtés de NAVAS
J.et al. (1977, p.52), « avoir un seul enfant, c'est comme avoir un
seul oeil : s'il se ferme, vous devenez aveugle». Comme les
couples possédant un seul enfant, les couples à fils unique ne
peuvent pas être tranquilles. Le fils unique est un objet à la
fois de joie et d'angoisse en raison de la mortalité infantile. Sa
fratrie reste les filles. Les parents affichent alors une tendresse excessive
et l'entourage reste aussi attentif à l'égard de celui-ci.
3.1. Le fils unique dans
la famille
Le phénomène «fils unique»
dans une famille peut se produire et entraîner des attitudes nouvelles
entre les membres de cette famille. Le fils unique est pris dans le
réseau familial comme un enfant roi, qui gardera et qui héritera
toute la richesse familiale. Il bénéficie des soins et des
cadeaux particuliers et il est continuellement surprotégé par ses
parents. Sa fratrie est faite de ses soeurs et celles-ci l'aideront à
développer sa personnalité, il jouera avec elles et aura
l'occasion d'apprendre à vivre en harmonie avec les autres.
3.1.1. L'enfant roi
L'arrivée d'un enfant dans une famille est un honneur.
Les enfants sont souhaités mais le garçon est beaucoup plus
souhaité que la fille dans la société burundaise. ERNY P.
(1968, p.119) soutient cette idée : « L'homme qui a
procréé des fils ressemble au bananier qui a donné ses
fruits. Il peut mourir, par le truchement de l'enfant, le nom du parent
revivra, qui nommera l'enfant nommera les parents.» Un couple qui n'a
mis au monde que des filles n'est pas heureux car le couple est satisfait s'il
a procréé des fils et filles. La naissance du fils dans cette
famille apporte une joie intense aux parents, et celui-ci est beaucoup plus
aimé que ses soeurs. Il est traité, par conséquent, comme
un roi, car «Ubwiza bw'inka ni ukuba imwe»
c'est-à-dire «la beauté d'une vache est
d'être unique», disent les Burundais.
Tous les parents savent bien qu'il faut faire preuve
d'autorité si on ne veut pas faire de son enfant un petit roi exigeant
et trop gâté. L'enfant roi devient dominateur,
bénéficiaire du laxisme éducatif; il est celui que l'on
décrit habituellement comme le résultat d'un enfant impulsif,
opposé à toute autorité et sans aucun sens de discipline
et d'effort. L'enfant roi dominateur se conduit alors comme il a envie de faire
et sans aucune restriction, au gré de ses désirs et caprices qui
deviennent aisément confondus avec les besoins. L'enfant roi peut
être anxieux, davantage fragile, il affiche plutôt de fortes
tendances à l'anxiété et une insécurité
parfois chronique qui le conduisent à un important besoin vital
d'encadrement. Selon SILLAMY N. (1980, p.39) «sans autorité,
l'éducation se fait mal, la personnalité reste faible, le sujet
vit dans l'insécurité et
l'anxiété».L'autorité des parents envers les
enfants permet à ces derniers de bien se comporter, d'avoir une forte
personnalité en se sentant à la fois sécurisés et
sûrs d'eux-mêmes. La sécurité est assurée par
ses parents ou ses substituts. Comme le souligne BERNARD P. (1979, p.10),
«ce besoin de sécurité presque aussi vital que la
nourriture(...) est assurée par les deux parents ou un
substitut». L'enfant roi anxieux est donc celui qui souffre du
laxisme. L'enfant roi dominateur est caractérisé par
l'impulsivité et un égocentrisme. S'imposant comme roi et
maître dans tout, il veut que les membres de la famille lui doivent
obéissance et vénération.
Il faut toutefois retenir que peu importe ce degré
d'impulsivité, l'enfant roi conserve toujours les tendances au plaisir
et à la facilité. Plus l'intensité de l'impulsivité
devient élevée, plus l'enfant roi risque d'augmenter la
déviance de sa conduite et de se rapprocher ainsi de la
délinquance. Pour ce qui est de l'éducation de cet enfant, on
remarque une compétition entre ses parents pour devenir aux yeux de ce
dernier le parent le plus sympathique.
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