2.4.2. L'enfant et le statut
définitif de la mère
Une fonction importante de l'enfant est que celui-ci donne un
statut définitif à la mère. C'est pour cela d'ailleurs que
le premier enfant est impatiemment attendu. Au Burundi, l'une des attentes d'un
couple conjugal était la procréation. A ce sujet ERNY P. (1968,
p.84) explique ce qui suit : « Une femme enceinte est une femme
heureuse. La naissance du premier enfant est un événement capital
plus important que l'établissement de la vie conjugale.» La
femme est considérée grâce à sa
fécondité. Lorsqu'une femme est sans enfant, elle n'est pas
considérée dans la société burundaise. ERNY P.
(1968, p.84) décrit la situation d'une femme africaine stérile en
ces termes : « Elle deviendra jalouse du bonheur des autres et
sera bientôt perçue comme un être malfaisant.»
Dans le Burundi traditionnel, la femme stérile n'a aucune raison
d'être chez son mari. La stérilité constitue presque
toujours un cas de divorce. Donc, avoir un enfant pour la femme burundaise
garantit son installation dans la famille de son mari. Pour ROZIER R. (1975,
p.93) «la femme tant qu'elle n'a pas encore procrée est
considérée comme quelque chose de peu d'importance, ou
plutôt d'inachevée. Par la suite, plus elle a des enfants, plus
son importance sociale croîtra.» Grâce à l'enfant
qui naît, la femme réalise pleinement son intégration
sociale au sein de sa belle-famille.
Dans le Burundi traditionnel, non seulement l'enfant
intègre officiellement la mère dans la société,
mais aussi et surtout la femme acquiert le droit à l'honneur
réservé à d'autres mères. La femme est
honorée à partir de sa descendance. C'est pourquoi dans les
différentes berceuses, la mère évoque souvent des
sentiments de profonde reconnaissance envers l'enfant qui l'a hissée au
rang des mères. Selon RODEGEM F.M. (1973, p.176), en berçant son
bébé, la femme burundaise dira: « Hora se ndakwinginge,
wanshize mu bavyeyi, kera narabatinya» qui signifie
«Calme-toi, toi qui m'a hissée au rang des mères, jadis
j'avais peur de les approcher». Toutefois, l'intégration
devient plus réelle lorsque la femme met au monde des enfants de sexe
masculin. Le motif de cette assurance est que lorsqu'elle a des fils, ces
derniers prendront le nom de la famille et la mère qui est liée
fortement à sa progéniture est véritablement
intégrée dans sa belle-famille.
2.4.3. L'héritage de la
richesse familiale
Le rôle de l'enfant ne se limite pas
à la seule source d'honneur à la famille et au statut
définitif de la mère, il sert également comme
héritier de la famille. Dans la société burundaise,
personne ne souhaite qu'après sa mort ses richesses tombent dans les
mains d'autres enfants que ceux de sa descendance. Cela explique pourquoi les
filles ne sont pas considérées comme des enfants de leur propre
famille mais de la famille de leur mari. Le sexe masculin est beaucoup
apprécié par les Burundais. Selon NAVAS J. et al. (1977, p.52),
« le garçon unique héritera de la
propriété familiale et pourra engendrer des garçons et
filles que son père n'a pas eu, assurant ainsi la continuité de
la lignée». Ces auteurs trouvent que certains parents
préfèrent une famille pauvre avec un enfant mâle
qu'à une famille riche avec des filles seulement.
D'après SABIMBONA S. (1989, p.32), on distingue deux
types d'héritiers: «Traditionnellement, il existe deux
catégories d'héritiers : les héritiers
légitimes et les héritiers irréguliers. Les
héritiers légitimes sont ceux qui sont unis au défunt par
un lien de parenté légitime. Les héritiers
irréguliers sont des successeurs qui ne sont pas unis au défunt
par un lien de parenté.» En analysant ces deux
catégories d'héritiers, nous constatons que les fils constituent
les héritiers légitimes. Ce système de succession
émane de la tradition patriarcale qui attribue au garçon
uniquement le droit à la succession en minimisant la valeur de la fille.
Comme le souligne le PNUD (1999, p.21) l'homme et la femme burundais n'ont pas
les mêmes droits : « Juridiquement, sous certains aspects,
les femmes burundaises ne jouissent pas pleinement des mêmes droits que
les hommes.» Par exemple, les filles burundaises ne sont pas
envoyées à l'école au même rythme que les
garçons; car certains parents pensent que même si les filles
fréquentent l'école, il n'y aura pas d'intérêt pour
eux. Par conséquent, les droits d'accéder aux différentes
fonctions publiques ou privées deviennent limités. La vocation
successorale est patrilinéaire et consacre le privilège de la
masculinité. En définitive, c'est la structure sociale qui est
à la base de cette inégalité. Ainsi, le patriarcat
favorise le sexe masculin.
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