I. Entérobactéries résistantes
aux carbapénèmes :
L'émergence des entérobactéries
productrices de carbapénèmases (EPC) représente un
véritable risque de santé publique. Ces bactéries
présentent fréquemment de multiples mécanismes de
résistances qui peuvent conduire à une impasse
thérapeutique. Plusieurs études ont signalé
l'émergence des EPC surtout au niveau du pourtour
méditerranéen (Liban, Tunisie, Israël, Égypte,
France). En Turquie, plusieurs épidémies d'infections
nosocomiales sont associées à ce type de souches
[122.123.124].
Durant notre période d'étude, 84 souches
d'entérobactéries résistantes aux
carbapénèmes probablement sécrétrices de
carbapénèmases ont été isolées à
partir de 4284 souches d'entérobactéries colligées durant
la période d'étude, ce qui correspond à un taux de 1,96%.
Ce chiffre est très proche à celui trouvé au niveau du CHU
Batna, ou le taux d'isolement des entérobactéries
résistantes aux carbapénèmes est de 2,88 % (50/1737)
[41].
En Maroc ce taux est plus élevé, il est de 6.48%
pour l'année 2013 [125], mais c'est largement loin de
celui rapporté en Chine où il est de 74,50% en 2016 par Rui et al
[126], et aux USA par Thaden et al. En 2014, avec un taux de
64% [127].
Dans notre étude il y'a une légère
prédominance masculine pour les souches d'EPC isolées, avec un
taux de 55.95%. Cette prédominance masculine reste controversée,
alors que des études l'ont confirmée en France, comme
l'étude faite par Anne Marie Holman en 2017 avec un taux de
74,28%[128], celle de Maroc a montré presque une
égalité à disposition entre les deux sexes, les hommes
(49.60%) et les femmes (50.40%) [125].
48.80% des souches d'EPC isolées au cours de notre
étude sont issues du service de nurserie ,et 11,90% du service de
réanimation médicale, le service de pédiatrie est
concerné par un taux de 10.71 % de ces souches, alors que le service des
brulés par 7.14 %, la chirurgie et la médecine interne avec des
taux de 5.95% et 3.57% respectivement , service
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Les bactéries hautement résistantes
émergentes
d'infectiologie par 2.38% , et en dernier lieu les services
d'endocrinologie ,de médecine légale ,neurologie et chirurgie
maxillo-faciale avec un taux de 1.19% chacun.
En effet, les patients hospitalisés au sein des
unités de soins intensifs et service des brulés présentent
plus de risques, vu la durée d'hospitalisation (qui est
généralement longue), la sévérité de la
maladie, l'usage d'un certain nombre de dispositifs invasifs (sondes urinaires,
cathéters, ventilation, intubation...), et les traitements antibiotiques
multiples à large spectre notamment les carbapénèmes et
les glycopeptides. L'exception faite dans ce contexte pour le service de
nurserie est liée à la souche de Salmonella Heidelberg
résistante aux carbapénèmes qui se dissémine
d'une manière épidémique.
Cependant il ne faut pas négliger l'augmentation du
taux d'isolement des EPC dans le service de chirurgie (5.95%) suite à
l'emploi de l'antibioprophylaxie chirurgicale à large spectre
[131 ,129], et l'émergence récente de ces
souches dans le service de pédiatrie où il occupe la
troisième place en terme de fréquence d'isolement.
Une étude de B. Jans et Y. Glupczynski, sur la
surveillance épidémiologique en Belgique des EPC, montre que la
gériatrie a un fort taux d'isolement des EPC (33,7%), plus souvent, ces
EPC, sont détectées à partir d'échantillons
cliniques chez des patients hospitalisés dans des services à haut
risque : l'USI et l'hématologie-oncologie (27,2%) et la chirurgie (11%)
ce qui n'est pas similaire avec nos résultats [130].
Et aussi Anne Marie Holman a fait une étude
épidémiologique au niveau des quatre hôpitaux de la
Réunion en France : la prévalence des EPC est de 55,5% en
réanimation et 13,8% dans un service de chirurgie. Pareil aussi pour le
Maroc où le taux d'isolement est de 46,43% dans le service de la
réanimation pédiatrique [125, 128].
Selon la nature du prélèvement, notre
étude a démontré que 40.47% des EPC sont isolées
à partir des prélèvements de coproculture, suivis par les
urines et les hémocultures avec des taux de 20.23% et 13.09%
respectivement, les suppurations occupent aussi une place importante avec un
taux de 9.52% ,viennent ensuite les prélèvements de sondes
urinaires et les cathéter et aussi les aspirations trachéal avec
3.57% chacun, en moindre dégrée le drain et liquide pleural avec
2.38%, le liquide péritonéale n'a que 1.19% .
Les prélèvements de coproculture occupent la
1ère place à cause de l'épidémie de Salmonella
du service de nurserie précédemment décrite. Une
étude menée en Belgique,
Discussion Page 88
Les bactéries hautement résistantes
émergentes
démontre un fort taux d'isolement des EPC de 88%
à partir des prélèvements de frottis rectal dans le cadre
d'une enquête de dépistage des porteurs des EPC, suivi par les
urines avec un pourcentage de 3,36% [132].
Selon notre étude, les prélèvements des
urines occupent la 2ème place, par contre l'étude qui
était faite en Maroc le taux est de 34,92% pour les urines, suivis par
les hémocultures (24,21%) puis les sonde d'intubations (14,68%)
[125].
Sur la période étudiée de seize mois qui
s'étale du 1ér janvier 2018 au 30 avril 2019, la fréquence
d'isolement des EPC a connu une émergence durant le mois de janvier et
février 2018 avec des taux de 0.74% et 0.57 % respectivement. On
remarque une nette différence entre le mois de janvier 2018 et janvier
2019 avec un taux qui passe de 0.74% à 0.25 % et aussi pour le mois de
février entre les deux années avec un pourcentage qui passe de
0.57% à 0%. Ce pic d'émergence est dû à
l'épidémie du service de nurserie causé par Salmonelle
Heidelberg résistante aux carbapénèmes, la compagne
de décontamination qu'a connue le service explique cette nette
diminution de la fréquence d'isolement au cours des mois qui
succèdent cette période.
Après cette période la fréquence
d'isolement des EPC a diminué jusqu'au mois de mai (0,2%) pour
disparaitre complètement dans les mois qui s'en suivent, puis
réapparaitre avec des fréquences faibles.
En France, selon les statistiques de l'institut national de
veille sanitaire le pic de fréquence d'isolement était en mois
d'octobre 2012 et octobre 2015, chose qui n'est pas similaire à nos
résultats [50].
En Belgique, selon une surveillance
épidémiologique des EPC, du mois janvier 2012 au mois d'avril
2013, le pic d'isolement était au mois d'octobre toute comme l'Institut
national de veille sanitaire en France. Les entérobactéries
constituent les microorganismes les plus fréquemment isolés en
service de microbiologie, en milieu communautaire comme hospitalier.
Les entérobactéries productrices de
carbapénèmases constituent actuellement un problème majeur
de santé publique.
Notre étude montre bien que Salmonella Heidelberg
est l'espèce la plus fréquemment isolée parmi les
EPC, avec un taux de 40.47%.
Discussion Page 89
Les bactéries hautement résistantes
émergentes
Klebsiella pneumonie et Enterobacter cloacae occupent
la 2ème et la 3ème place avec des taux de 25% et 20.23%
respectivement, ces résultats sont similaires à ceux de
l'étude de CHU Batna, qui a montré cette nette
prédominance de ces deux espèces.
En France, la majorité des épisodes infectieux
à EPC signalés à l'INVS entre janvier 2004 et septembre
2015, montrent que les espèces les plus fréquemment
isolées sont : k.pneumonie (58%), E. coli (39%),
Enterobacter cloacae (12%) [50], par contre dans
notre étude l'E.coli est isolé à un taux de 1,19%
seulement tout en dernière position en terme de fréquence avec
d'autres espèces.
La même constatation pour l'étude menée en
Belgique dans le cadre de la surveillance épidémiologique des
EPC, où k.pneumonie est le producteur par exclusivité
des carbapénèmases, pareil pour l'étude faite en Maroc en
2013 avec un taux de 85.31% [125].
Par manque des moyens, nos souches isolées n'ont pas
subi une étude de biologie moléculaire pour caractériser
les gènes de résistances aux carbapénèmes, mais les
quelques souches qui ont été traitées, sont à 90%
sécrétrices d'OXA 48, c'est le seul type de
carbapénèmases isolé jusqu'à maintenant au niveau
du CHU Constantine.
Toutes les souches de salmonelles qui ont été
résistantes aux carbapénèmes sont
sécrétrices de carbapénèmase type OXA48. C'est une
première mondiale du fait d'isoler une souche de salmonelle
résistante aux carbapénèmes.
Au Maroc le premier cas de K.pneumonie productrice de
carbapénèmase de type oxacillinase (OXA) a été
rapporté en 2010[131].
En Europe, des épidémies hospitalières
impliquant des entérobactéries productrices d'OXA48 ont
été rapportées en France, en Allemagne, en Suisse en
Espagne, au Pays-Bas ainsi qu'au Royaume-Uni [50].
Les enzymes de type KPC sont actuellement préoccupantes
aux États-Unis, notamment dans l'État de New-York, à Porto
Ricco, en Colombie, en Israël, en Italie et en Grèce
[42].
En 2008 en Suède Ils ont isolé chez un patient
d'origine indienne, la métallo- â-lactamase NDM-1.
Discussion Page 90
Les bactéries hautement résistantes
émergentes
La résistance bactérienne aux antibiotiques est
la résultante d'interactions complexes entre les bactéries et son
environnement. Elle est liée essentiellement à l'usage excessif
des Antibiotiques contribuant ainsi à l'émergence et à la
diffusion des gènes de résistances.
L'émergence des souches d'entérobactéries
résistantes aux carbapénèmes dans les hôpitaux
algériens et dans la communauté pose un sérieux
problème thérapeutique aggravé par la multi
résistance de ces souches aux antibiotiques.
Dans notre travail, on a trouvé des niveaux de
co-résistance qui diffèrent selon l'antibiotique. Pour les
béta-lactamines, 86,58% des souches sont résistantes au
céfoxitine et 32.86% à l'aztréonam. Un taux très
élevé de résistance a été noté pour
l'amikacine avec 60,25 %, par contre des niveaux plus bas ont
caractérisés la ciprofloxacine (29.85%), alors que le bactrim,
tétracycline et fosfomycine ont enregistrés des taux de
résistance de l'ordre de : 40.47%, 23.94% et 19.51% respectivement.
Des niveaux de résistance plus élevés ont
été enregistrés dans l'étude de Batna : avec 100 %
de résistance à la gentamicine (50/50), 79% pour la
ciprofloxacine (33/42) et 90% au bactrim (39/43) [41]. Alors
que l'étude au Maroc rapporte un taux de résistance de 100%
à la famille des béta lactamines [125].
Notre étude a montré une résistance de
87.95% à l'ertapénème, qui est l'indicateur le plus fiable
pour la détection de cette résistance, quant à
l'imipénème, il est résistant dans seulement 41.6% des
cas.
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