V.4.2 Mécanisme de la résistance aux
carbapénèmes :
Il existe deux types de résistances aux
carbapénèmes. La première est une combinaison d'une
céphalosporinase chromosomique ou plasmidique ou d'une BLSE avec une
diminution quantitative ou qualitative des porines au travers desquelles
traversent les carbapénèmes. Ce mécanisme de
résistance peut être retrouvé chez des bactéries
ayant une céphalosporinase naturelle comme Serratia marcescens,
Morganella morganii, Citrobacter freundii, mais également chez des
bactéries ayant acquis une céphalosporinase plasmidique (DHA-1,
cmY-2...) ou une BLSE (TEM, SHV, CTX-M...) Tels Klebsiella pneumoniae,
Proteus mirabilis, Escherichia coli, Salmonella spp...
[98].
Le second mécanisme de résistance repose sur les
Carbapénèmases, c'est-à-dire sur des bêta-lactamases
à fort pouvoir hydrolytique contre les carbapénèmes. Il
est bien plus préoccupant, car il est stable et qu'il compromet
l'efficacité de presque toutes les bêta-lactamines. Ces
carbapénèmases appartiennent aux trois classes connues de
bêta-lactamases : classes A, B et D d'Ambler [99].
Classe A : Elles ont la particularité d'hydrolyser une
variété importante de bêta-lactamines, incluant les
carbapénèmes, les céphalosporines, les pénicillines
et l'aztréonam, et d'être inhibées par le clavulanate et le
tazobactam, ce qui les place dans le sous-groupe fonctionnel 2f des
bêta-lactamases. Leur mécanisme hydrolytique est dû à
la présence d'une sérine à la place 70 de la
bêta-lactamase. Il y a tout d'abord le sous-groupe des enzymes
codées chromosomiquement : SME, NMC et IMI. SME-1 a été la
première à être détectée en Angleterre en
1982 sur deux souches de Serratia marcescens. Le second sous-groupe est celui
des enzymes codées par les plasmides :
Chapitre III : la résistance aux antibiotiques
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Les bactéries hautement résistantes
émergentes
KPC et GES. De tout le groupe de résistance
fonctionnelle 2f, KPC est la plus à même de diffuser rapidement
pour deux raisons ; tout d'abord parce qu'elle est codée par des
plasmides très mobiles, et ensuite parce qu'elle est fréquemment
retrouvée chez Klebsiella pneumoniae, bactérie connue
pour accumuler et transmettre des résistances. Elle a été
mise en évidence pour la première fois en 1996 en Caroline du
Nord sur une souche de K. Pneumoniae [100].
La famille des bêta-lactamases GES/IBC, décrite
pour la première fois en 2000 (IBC1 sur un Enterobacter cloacae
en Grèce) [101] et GES-1 sur une K. Pneumoniae
en Guyane française. Elle est codée par des gènes
localisés sur des intégrons de plasmides. Bien que rares, ces
enzymes ont été identifiées partout dans le monde
[102].
Classe B: Les enzymes de la classe B, aussi appelées
Métallo-â-lactamases (MBLs) du fait de la présence d'un ion
Zn+ sur leur site d'action, sont caractérisées par leur
capacité à hydrolyser les carbapénèmes et
également les céphalosporines et les pénicillines, ainsi
que par leur résistance aux inhibiteurs des bêta-lactamases. Les
premières MBLs détectées étaient des enzymes
chromosomiques issues de germes pathogènes opportunistes tels que
Bacillus cereus, Aeromonas spp et Stenotrophomonas
maltophilia. Cependant, depuis une trentaine d'années, se
développe l'émergence de résistances acquises et
transmissibles de ces MBLs, due à des enzymes plasmidiques : NDM, VIM,
IMP, GIM et SIM. Ces MBLs sont, souvent associées à des BLSE. Les
MBLs plasmidiques sont préoccupantes pour trois raisons :
premièrement, leur spectre d'action très large englobant la
majorité des bêta-lactamines, deuxièmement, leur
transmission est horizontale et troisièmement en raison de l'absence de
molécule inhibitrice utilisable en pratique clinique. De plus, de
nombreux gènes codant des MBLs sont présents dans l'environnement
qui constitue donc un réservoir permanent [103].
Classe D : La classe D regroupe également des enzymes
dont le mécanisme d'hydrolyse est dû à la présence
d'une sérine sur son site d'action. On les appelle les oxacillinase,
pour « Oxacilline-Hydrolyzing ». C'est en 1993 que la première
OXA bêta-lactamase avec une action carbapénèmase a
été isolée dans une souche d'Acinetobacter
baumanii multi-résistante prélevée chez un patient
écossais en 1985 [104].
Chapitre III : la résistance aux antibiotiques
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Les bactéries hautement résistantes
émergentes
Les OXA seules ont une faible résistance pour les
carbapénèmes, à l'exception d'OXA 48, identifiée
pour la première fois sur une souche de K. Pneumoniae en
Turquie, qui a une activité hydrolytique carbapénèmase
intense [105].
L'OXA 48 n'est pas inhibée par l'acide clavulanique.
Elle n'hydrolyse pas les céphalosporines de 3ème
génération mais est souvent associée à des BLSEs,
ce qui contribue à la multi-résistance de ces souches
[106-107-108].
Le réservoir naturel de ce gène OXA-48 est
Shewanella sp., ce qui suggère le transfert de ce gène
de résistance en milieu aqueux [107].
Tableau I : Phénotypes de
résistance (sensible, intermédiaire, résistante) aux
bêta-lactamines chez les entérobactéries, liés
à l'expression des différentes carbapénèmases (KPC,
IMI, VIM, NDM, OXA 48)
|
AMX
|
AMC
|
PIP/TZB
|
CTX
|
CAZ
|
IMP
|
ERT
|
AZ T
|
KPC
|
R
|
I
|
R
|
R
|
R
|
S/I/ R
|
I/R
|
R
|
IMI/VIM/ NDM
|
R
|
R
|
S/I
|
R
|
I/R
|
S/I/ R
|
I/R
|
S
|
OXA-48
|
R
|
R
|
R
|
S
|
I/R
|
I/S
|
I/R
|
S
|
AMX : Amoxicilline ; AMC : Amoxicilline Acide clavulanique ;
PIP/TZB : Pipéracilline-tazobactam ; CTX : Céfotaxime, CAZ :
Ceftazidime ; IMP : Imipénème ; ERT : Ertapénème,
AZT : Aztréonam ; I : intermédiaire ; R : résistante, S :
sensible
|
|