B. Brève analyse de la jurisprudence de la Cour
constitutionnelle : cas de l'Arrêt du 11 mai 2016
Dans les domaines de sa compétence, les arrêts
rendus par la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d'aucun recours et
sont immédiatement exécutoires. Ils sont obligatoires et
s'imposent aux pouvoirs publics, à toutes les autorités
administratives et juridictionnelles, civiles et militaires ainsi qu'aux
particuliers.53
L'interprétation de la Cour constitutionnelle de
l'alinéa 2 de l'article 70 de la Constitution de 2006 a suscité
certaines interrogations. Il s'agit, entre autres, de la question de
l'indépendance de la Cour constitutionnelle. La Cour constitutionnelle a
été saisie parce qu'il y avait l'imminence de la fin de mandat du
Président de la République et la forte probabilité de la
non tenue des élections présidentielles dans le délai
constitutionnel. La Cour a évité de s'interroger sur les
responsables de cette configuration. Elle s'est limitée à
consacrer le principe de la continuité de l'Etat au profit du
Président de la République et des membres des Chambres
parlementaires.
Il est, par ailleurs, important de noter que
l'interprétation de l'alinéa 2 de l'article 70 de la Constitution
faite par les membres de la Cour constitutionnelle congolaise n'est pas indemne
des critiques. En effet, l'interprétation littérale et
grammaticale mène à poser la question si le principe de
continuité de l'Etat s'applique jusqu'à l'installation ou,
plutôt, l'élection du
51 Article 74 de la Constitution congolaise du 18
février 2006
52 Article 99 de la Constitution congolaise du 18
février 2006
53 Article 168 de la Constitution congolaise du 18
février 2006
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nouveau Président. Autrement dit, en cas de la non
tenue des élections présidentielles dans le délai
constitutionnel, le Président en fonction est permis de continuer
à présider aux destinées de l'Etat jusqu'à
l'élection de son successeur ou, plutôt, à l'installation
du nouveau président déjà élu.
En dépit du fait que « les arrêts de la
Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d'aucun recours et sont
immédiatement exécutoires »54, pendant que
certains ont salué une interprétation de grande qualité
juridique dans son analyse téléologique, comparée et
exégétique ; d'autres ont dénoncé un arrêt
à la solde du pouvoir en place, soulignant la composition politique de
la Cour constitutionnelle. Pourtant, cette Cour est une juridiction
appelée à dire le Droit et non à être une
scène politique.
Par conséquent, les uns saluent en cet arrêt le
recours à une institution constitutionnelle et neutre qui a dit le Droit
sur une question importante de la Nation et qui constitue désormais une
éminente preuve de la juridicisation de la
politique55. Par contre pour d'autres, cette jurisprudence
amène alors à réfléchir davantage sur la
politisation de la justice constitutionnelle telle qu'elle s'exerce en
République Démocratique du Congo.
54Article 168 alinéa 1 de la constitution
55Cette juridicisation étant entendue
comme le recours au droit pour trancher les questions politiques.
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