INTRODUCTION GENERALE
Les crises récentes en République centrafricaine
ont provoqué un flux migratoire des personnes de leurs lieux d'origines
vers les territoires d'accueils. Les affrontements armés entre Seleka et
Anti Balaka sonnent le glas d'une expérience très douloureuse,
qui est marquées par la recherche d'un ailleurs incertain. La question
des réfugiés, constitue une préoccupation importante dans
la mesure où ils trouvent la solution à leurs problèmes
dans la fuite. Ils réduisent cependant leur marge de manoeuvre. La
rupture forcée d'avec le pays de départ crée une cassure
dans le fonctionnement de la société selon Lassailly
Jacob1 ce qui le soumet à une situation très
vulnérable. L'octroi des terres est nécessaire à
l'aménagement et à la création des camps de
réfugiés à proximité des villages. Ce qui rend
compte des flux et des effets de la fuite.
La Déclaration universelle des droits de l'homme
DUDH2, dans son article 14, stipule que « face à la
persécution, toute personne a le droit de demander l'asile et de
bénéficier de la protection d'autres pays. Cela signifie que les
territoires d'accueil sont une extension de ce que prône la
DUDH3 , les Conventions de Genèvei et le protocole
de l'Organisation de l'unité africaine de 1967, prévus pour
protéger les réfugiés. Il est plus intéressant de
voir comment ces lois et protocoles sont mis en oeuvre par l'Etat du Cameroun,
sur la base de leur expérience avec les réfugiés
présents sur son territoire. Bakewell4 soutient que les
expériences, les circonstances et les perspectives qu'offrent ces
migrants contribuent à élargir la compréhension du
régime qui les protège en tant que victimes. Le
déplacement de ces migrants s'accompagne de préjugés
moraux, de stigmates qui affectent leur bien-être psychologique en voyant
de nouvelles réalités. Pour Van Damme5 en Afrique, les
réfugiés sont considérés comme des victimes de
l'incarcération dans des camps et qui dépendent de l'aide
étrangère. Après de nombreuses crises observées, un
grand nombre de réfugiés centrafricains ont demandé
l'asile au Cameroun. En quête de survie, les réfugiés en
fuite recherchent des pays où règnent la paix et la
sécurité. Il
1 Lassailly-Jacob, « Migrants malgré eux: une
proposition de typologie. » In Déplacés et
réfugiés. La mobilité sous contrainte, sous la direction
de V. Lassailly-Jacob, J.-Y. Marchal, et A. Quesnel, Paris: Éditions de
l'IRD, Collections Colloques et Séminaires, 1999 Pp.27-47
2 Déclaration Universelle des Droits de
l'Homme (DUDH). Assemblée Générale des Nations Unies du 10
décembre 1948. Paris: Résolution 217, 1948
3 Idem.
4 Bakewell, O. « Research Beyond the
Categories: The Importance of Policy Irrelevant Research into Forced Migration.
» Journal of Refugee Studies 21, 2008, Pp. 432-453
5 Van Damme, W. « How Liberian and Sierra
Leonean Refugees Settled in the Forest Region of Guinea (19901996). »
Journal of Refugee Studies 12, 1999, Pp. 36-53
2
est important de noter que le Cameroun n'est pas à sa
première expérience en termes d'accueil de réfugiés
des pays voisins.
La République centrafricaine est un pays pauvre dont le
développement récent l'a transformé en un État
milicien avec 14 groupes rebelles circulant sur son territoire et ses zones
frontalières. Son instabilité politique ne favorise pas le retour
éventuel des réfugiés centrafricains en exil dans les
États voisins. La présence continue de groupes rebelles en
République centrafricaine favorise l'arrivée de nouveaux
réfugiés sur le sol camerounais. Les dynamiques migratoires
génèrent d'innombrables réfugiés et constituent une
grande préoccupation pour le gouvernement du Cameroun
Les réfugiés de la République
centrafricaine sont les bienvenus dans la région orientale du Cameroun.
Les camps de Gado-Badzéré (Région de l'Est) sont l'un de
nos principaux points d'appui dans cette analyse, chacun présentant des
caractéristiques intéressantes et fournissant une grille
d'analyse efficace. Elles sont tantôt surpeuplées, tantôt
désertes, et continuent d'accueillir des réfugiés
exilés, qu'il est difficile de catégoriser juridiquement, tant
les revendications qu'ils formulent que les comportements qu'ils expriment et
révisent périodiquement leurs dossiers. La question de l'accueil
des réfugiés et de l'établissement de camps d'accueil des
réfugiés est le principal sujet de préoccupation. Comme le
soulignait Alagbe Freedy, faut-il isoler les gens pour mieux les accompagner ?
Le modèle d'admission des réfugiés, tel qu'il est mis en
oeuvre au Cameroun, résiste-t-il vraiment à l'épreuve de
la cause humanitaire6 ? Selon Clochard, si les camps se veulent des
« lieux temporaires »7, des solutions provisoires pour ne
pas troubler l'ordre public, ils présentent aussi des complexités
liées notamment au changement identitaire et incontrôlé,
à la propagation des gangs et à l'augmentation des trafics
transfrontaliers, la criminalité.
Dans le contexte du Cameroun et des complexités
évoquées ci-dessus, il est très difficile de
contrôler et suivre les réfugiés. Alors que l'étude
de Minfegue classe les réfugiés comme pauvres et diminués,
les habitants les comparent à des personnes indisciplinées,
facteur d'insécurité et de désordre. Ils sont
stigmatisés et considérés comme des opportunistes dans
leur quête de survie. Beaucoup de ces considérations rendent la
tâche du gouvernement camerounais plus difficile, car ils craignent que
les guerriers de la Séléka ne viennent sur leurs
6 Alagbe Freedy, M. Les camps dans les crises humanitaires :
l'envers du décor. Paris : IRIS., 2016.
7 Clochard, O., Y. Gastaut, et R. Schor. « Les
camps d'étrangers depuis 1938 : continuités et adaptations. Du
modèle français à la construction de l'espace Schengen.
» Revue Européenne des Migrations Internationales, 2004 Pp.
57-87.
3
terres. Les victimes conservent leur statut parce qu'elles
sont contraintes ou obligées d'adapter leur profil à la situation
humanitaire8.
I. CONSIDERATIONS THEORIQUES SUR L'OBJET D'ETUDE
Il est question ici de présenter la délimitation
conceptuelle et spatiotemporelle de notre étude (A), et
d'élaborer la problématique de notre recherche
(B).
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