Contraints de fuir la violence dans leur pays d'origine, les
réfugiés sont des personnes vulnérables qui
nécessitent une attention particulière. Après avoir tout
abandonné, ils font face à d'énormes difficultés
pour survivre et doivent parfois lutter contre des communautés d'accueil
réticentes, notamment dans un contexte de raréfaction des
ressources naturelles. Si ce n'est pas de leur faute, on ne peut cacher le fait
que cette augmentation démographique a souvent un impact sur les
communautés d'accueil, une conséquence que les organisations
humanitaires tentent de « compenser » par des infrastructures
sociales. Les communautés d'accueil des deux sites étudiés
ont admis avoir bénéficié d'un certain nombre
d'infrastructures en raison de la présence de réfugiés.
Ces communautés démontrent également une bonne coexistence
avec les réfugiés.
Cependant, des impacts négatifs sont observables
à plusieurs niveaux : foncier, sécuritaire, alimentaire, social
et environnemental. Malheureusement, la question sécuritaire
(agressions) constitue un défi. Quelques acteurs interviewés
estiment que certains réfugiés participent également
à l'insécurité qui sévit dans la région de
l'Est83. Cette insécurité, conjuguée aux
conflits agricoles, empêche les agriculteurs de mener sereinement leurs
activités agricoles dans les champs plus ou moins reculés. En
conséquence, la sécurité alimentaire de la zone d'etude
est menacée. Selon la Commune, Garoua-Boulaï est devenue
dépendante de la Centrafrique pour l'approvisionnement en manioc, qui
est l'aliment de base dans la région.
Une conséquence significative du camp de
Gado-Badzéré, selon Brangeon et Bolivard, concerne la
réduction de la superficie des terres arables et des pâturages
disponibles dans la zone. En effet, l'emplacement même du camp (choisi
par le gouvernement) pose un problème,
83 Agressions, coupeurs de route.
80
car il a été construit sur des terres
cultivables précédemment utilisées par les
communautés avoisinantes pour cultiver le sorgho84.
De plus, autour du camp se trouvaient autrefois d'importantes
zones de pâturage. De même, plusieurs personnes interrogées
ont indiqué que les anciens utilisateurs des terres étaient
confrontés à une réduction des rendements et, par
conséquent, à certains cas d'insécurité
alimentaire. Cela conduira à un exode vers les campagnes des jeunes
membres des familles concernées, qui ne disposent de ces parcelles que
comme moyen de subsistance. Ceux qui avaient utilisé les terres
cédées au camp de réfugiés de Gado ont
été contraints de les louer ailleurs en raison de la
rareté des terres fertiles et de l'augmentation naturelle de la
population associée à l'arrivée de personnes
vulnérables (réfugiés. Le Département du Mayo
Tsanaga compterait en effet 4 950 réfugiés hors
camp85.
Le déplacement à long terme a imposé un
fardeau imprévu aux communautés d'accueil. Cela se manifeste de
différentes manières. Face au déplacement prolongé,
les services d'hébergement sont en effet devenus des occupations sans
aucune forme d'aménagement ni de location. Cette situation conduit
à la détérioration des relations sociales entre la
communauté d'accueil et les personnes en situation de
déplacement, surtout que certains déplacés
reçoivent de l'aide humanitaire alors que les familles, qui les ont
accueillis et ont partagé leurs ressources au départ, n'ont pas
vu leurs revenus augmenter86.
La norme Sphère traite de l'impact environnemental des
résidences des réfugiés et les met en évidence
comme des actions importantes à travers le standard 7 sur les abris, les
établissements humains et la durabilité environnementale :
évaluation et gestion globales de l'environnement. La restauration et
l'amélioration de la valeur écologique des abris et des habitats.
Malheureusement, les questions environnementales, traditionnellement
considérées comme le travail des acteurs du développement,
ont encore peu retenu l'attention des acteurs humanitaires. Dans le contexte de
la gestion des crises, l'environnement est encore largement perçu comme
une préoccupation coûteuse et peu prioritaire qui nécessite
des compétences techniques non disponibles pour les organisations
humanitaires. Cependant, le blocage est
84Brangeon S. et Bolivard E., L'impact
environnemental du camp de réfugiés de Minawao : L'impact
environnemental de la crise migratoire à l'Extrême-Nord du
Cameroun et la prise en compte de l'environnement par les acteurs humanitaires,
URD, 2017
85OIM, Cameroun, Extrême-Nord : Rapport sur
les déplacements, Round 20, du 25 Novembre au 06 Décembre
2019.
86NRC, Déplacement forcé et
accès au logement, à la terre et à la
propriété : Cas de l'Extrême-Nord du Cameroun, 2018.
81
avant tout dû à des problèmes culturels
dans le secteur qui recréent la crise d'une même pratique.
Les acteurs humanitaires ont mis sur place des actions pour
réduire l'impact environnementale, celles-ci s'ancrent davantage dans
une approche « réparatrice » qu'«anticipative
»87. Selon l'arrêté N°0070/MINEP du 22 Avril
2005 modifié par l'Arrêté N°00001/MINEPDED du 8
Février 2016 fixant les catégories d'opérations dont la
réalisation est soumise à la réalisation d'une Evaluation
Environnementale Stratégique ou d'une Etude d'Impact Environnementale
Social, l'installation du camp de Gado-Badzéré aurait dû
être soumise à une Etude d'Impact Environnemental. Car,
l'installation de recasement des populations (Article 4-II-B-5) fait partie des
projets qui doivent être soumis à une Etude d'Impact
détaillée88., si cette étude avait
été réalisée au préalable, Il aurait
été opportun de communiquer les résultats à la
population hôte dans le but de permettre à ces populations
hôtes, de donner leur consentement et d'apporter des contributions dans
la quête des solutions durables afin d'installation et
l'intégration plus facilement les réfugiés.
B. La question d'intégration des
réfugiés dans la localité de Gado
Dans la perception locale, les réfugiés sont
des invités qui retourneront dans leur pays d'origine une fois la
situation serait stabilisée. Cependant, le temps moyen pendant laquelle
les gens se trouvent en situation de déplacement n'a cessé
d'augmenter au fil des ans. La « normalisation » peut prendre des
dizaines d'années et, dans certains cas, rester élusive de
manière non définitive. Il est démontré que des
personnes ayant vécu loin de leurs pays pendant de plusieurs
années auront beaucoup plus difficultés à avoir
accès à la terre à leur retour. L'intégration
locale est donc parfois la seule voie d'issue pour certains
réfugiés. Dans la région de l'Est Cameroun, la population
de réfugiés est plus importante que la population d'accueil. Il y
a des centaines de villages d'installation des réfugiés à
l'Est Ceci constitue une occupation de terres importante.
De plus, une faible proportion de réfugiés
vivant dans des camps (le reste des cas) choisit souvent de s'intégrer
dans le pays d'accueil. Selon les chiffres du HCR au 31 décembre 2019, 3
309 réfugiés centrafricains ont été pris en charge
par le HCR et les gouvernements du
87Brangeon S. et Bolivard E., L'impact
environnemental du camp de réfugiés de Minawao : L'impact
environnemental de la crise migratoire à l'Extrême-Nord du
Cameroun et la prise en compte de l'environnement par les acteurs humanitaires,
URD, 2007.
82
Cameroun et de la RCA, retournant volontairement dans la
sécurité et la dignité, prévu pour 4 000 en 2019.
Il représente 82 % des réfugiés humains.
Selon le principe du retour volontaire, les pays d'accueil,
notamment le Cameroun, sont intéressés à favoriser
l'intégration régionale des réfugiés
non-rapatriés, ces derniers ayant souvent besoin de terres comme la
majorité vit en milieu rural. La réforme agraire doit donc en
tenir compte. Par conséquent, il est important de définir des
lignes directrices claires pour la mise en oeuvre de l'intégration
locale. Celles-ci doivent souligner la nécessité d'impliquer
correctement les habitants du pays d'accueil dans la discussion sur le
potentiel d'intégration locale afin d'assurer un large consensus. En
outre, le droit au logement des réfugiés consiste à
garantir un logement sûr afin que les réfugiés puissent
vivre sans crainte d'expulsion. Cependant, cette certitude ne signifie pas
nécessairement la persistance ou le titre de propriété.
SECTION 2 : RECOMMANDATIONS POUR LA PRISE EN COMPTE
DU DROIT FONCIER DES REFUGIES ET DES COMMUNAUTES D'ACCUEIL
L'Etat du Cameroun a des obligations à l'endroit des
deux groupes d'acteurs : personnes déplacées
(réfugiés) et communautés d'accueil. De ce fait, il est
important que des mesures soient prises pour que les deux parties jouissent
simultanément de leurs droits fonciers, d'où les recommandations
suivantes : du gouvernement en faveur des refugié et des
communautés hôtes (paragraphe 1) et du HCR, en
faveur des autres acteurs humanitaires (pargraphe2).
PARAGRAPHE 1 : Au Gouvernement, en faveur des
réfugiés et des communautés hôtes Nous
allons dans un premier temps analyser les obligations du gouvernement en faveur
des réfugiés(A) et dans un deuxième temps
au gouvernement en faveur des communautés
hôtes(B).