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Dynamique migratoire et processus d'acquisition des terres pour l'installation des refugies


par Chatelain AVORE
Institut des relations internationales - Master 2023
  

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PARAGRAPHE 1 : Les modes et les pratiques d'accès aux terres par les refugiés

Dans le cadre de l'autonomisation des réfugiés, des terres sont demandées par les réfugiés eux-mêmes ou par des organismes d'appui aux chefs traditionnels et aux membres des populations hôtes coutumièrement propriétaires. Lorsque les réfugiés font la demande eux-mêmes, ils peuvent obtenir des terres gratuitement selon l'entendement que leur présence est temporaire et qu'une fois les réfugiés partis, les communautés rentreront en possession de leurs terres. Nous allons présenter les modes d'accès aux terres par les réfugiés (A) et les pratiques d'accès aux terres (B).

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A. Les modes d'accès aux terres par les étrangers/réfugiés dans les coutumes à l'Est

Il est important de rappeler que les us et coutumes dans leur énoncé et leurs principes ne traitent pas seulement des réfugiés. Mais dans toutes les communautés étudiées, les normes coutumières réglementent des droits fonciers pour les étrangers, selon deux modes spécifiques : les étrangers installés définitivement et les étrangers de passage. Plus précisément, les pratiques d'accès aux terres par les réfugiés ont quelque peu poussé les coutumes à se réajuster, au point où les discours sur les normes historiques d'accès aux terres par les étrangers sont aujourd'hui très nuancés. Nous nous efforcerons de présenter les normes coutumières, tout en nous éloignant, pour le moment, des pratiques qui elles sont individuelles et multiformes. Les droits coutumiers consacrent cinq types de droits fonciers aux réfugiés, selon leur trajectoire au sein des communautés, et leurs conditions économiques.

ü La location

Plusieurs organisations de soutien interviennent et louent des terres aux réfugiés. Les autorités traditionnelles mettent à leur disposition des terres en location pour une durée renouvelable de 1 à 2 ans. Un document en attestant est visé par le Sous-préfet.

La location fait référence à l'accès à la terre en payant un loyer à son propriétaire. Elle est appelée fermage lorsque la terre est louée pour des fins agricoles. L'agriculteur reçoit ici la terre à bail contre un loyer indépendant du revenu qu'il tire du travail de la terre. La culture est une autre forme de bail foncier. Le locataire accède à la terre en redonnant au propriétaire un pourcentage de la production. Le boisement et l'agriculture partagée ont en commun d'être une forme de location et de ne concerner spécifiquement que des terres pour les activités agricoles de base. La location peut être saisonnière et le prix négocié varie en fonction de l'importance et de la nature des liens, qu'il s'agit des voisins ou de la famille79.

La location des terres était à l'origine destinée aux étrangers, soit par manque de moyens pour acheter le terrain, soit pour d'autres raisons. Cependant, il précise que le droit exercé par un mandataire d'autoriser l'exploitation de parcelles pendant un temps déterminé se fait en échange d'une compensation financière.80 Le paiement de la rente foncière est de deux types : en nature ou en espèces ou payé en totalité au début du contrat, ou au début ou à la fin de la période déterminée.

79 Avore Chatelain, « Accès des femmes à la propriété foncière et développement socio-économique dans la Commune de Bafia », Mémoire de Master en Géographie Urbaine, 2020, Uy1, 151p.

80 ibid

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Il s'agit d'une cession temporaire, contre paiement, des droits fonciers. La nature et l'étendue des droits cédés, ainsi que la durée et la contrepartie, sont déterminées d'un commun accord entre les deux parties. Dans la zone d'étude, les terrains résidentiels ne peuvent être loués qu'au sein des communautés peuhles, tandis que chez les Gbayas, les terrains résidentiels et agricoles peuvent être loués. Les contrats peuvent être rédigés et parfois confirmés par le chef de village ou de quartier.

ü L'achat

Dans le cadre des achats, étant donné que la plupart des villageois n'a pas de titres fonciers, les achats par les réfugiés à l'Est n'ont pas de valeur juridique, mais cela leur confère un certain droit coutumier sur les terres obtenues et ils peuvent obtenir des titres fonciers avec le témoignage du chef de village et d'autres témoins. En outre, selon certaines autorités administratives, les réfugiés n'ont pas le droit d'obtenir des titres fonciers sur la bande frontalière à cause des enjeux sécuritaires et territoriaux. Dans certains villages à l'Est et à Gado en particulier, les réfugiés sont plus nombreux que la population hôte. Selon le HCR cité par Lémouogué et al, le petit village Gado accueillait, en Avril 2018, 24 678 réfugiés centrafricains, contre 2 498 habitants dénombrés lors du troisième recensement de 2005. Face à l'achat massif des terres par les réfugiés, certaines personnes interviewées entrevoient des conflits fonciers à l'avenir entre les générations futures des populations hôtes et des réfugiés.81

Face à l'achat massif des terres par les réfugiés, certaines personnes interviewées entrevoient des conflits fonciers à l'avenir entre les générations futures des populations hôtes et des réfugiés. De plus, l'achat est une méthode par laquelle le propriétaire foncier acquiert la propriété du terrain en échange d'un paiement en espèces au propriétaire foncier. Cela permet le transfert de propriété. Cette approche de la propriété foncière semble plus sûre, en particulier pour les femmes, et offre un certain nombre d'avantages, tels que la sécurité de posséder des documents administratifs, la liberté de gérer et de planifier les activités agricoles et le droit de se déplacer.

Dans la zone de Gado, dangereuse reste la vente des terres, car vendre sa terre est comme vendre ses biens, sa richesse ce qui aura pour conséquence la pauvreté. A ce sujet, Moupou

81Lémouogué J., et Fofiri E « Cameroun : les zones d'accueil des personnes déplacées, entre recomposition sociodémographique et gestion des personnes à besoins spécifiques », Alternatives Humanitaires, n°12, 2019, p. 59-75.

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partage cet avis et déclare : « Vendre la terre c'est s'appauvrir, c'est appauvrir la famille, le lignage, la communauté »82.

V' L'emprunt

L'emprunt est un droit dont jouit une personne qui a délégué l'usage d'un terrain à un tiers sans contrepartie monétaire. Ces démarches foncières n'ont souvent pas de durée clairement définie et s'observent beaucoup plus fréquemment que parmi les entités concernées. Les bénéficiaires sont majoritairement des personnes liées par des liens de parenté ou d'amitié.

V' Le prêt

Il s'agit d'un droit reconnu à tout étranger, qui nouvellement arrivé dans une localité, doit bénéficier d'un endroit où s'abriter. En fonction de sa situation et de sa condition du moment, une maison, ou une parcelle de terre peut lui être prêtée gratuitement par le chef du village. La parcelle de terre cédée est en principe située dans la catégorie des terres des communautés. En s'installant, l'étranger est informé, même de façon implicite (interdiction de planter un arbre fruitier, exigence de construction en matériau provisoire, il est interdit de vendre ce qu'on a reçu gratuitement) de l'étendue de ses droits sur les parcelles de terres qui ont été mises à sa disposition gratuitement. Ces droits se limitent à l'usage et la jouissance des fruits de la mise en valeur. En cas de départ, l'étranger dispose de ses différentes mises en valeur, mais est tenu de rendre à la communauté les terres qu'il a perçues.

V' Le don

Il s'agit ici d'un prolongement de la situation précédente (prêt), qui crée des droits permanents sur la terre. L'étranger peut, au bout d'un très long séjour avec la communauté d'accueil, décider de rester de façon définitive. Il ne s'agit pas d'une décision qui est expressément signifiée, même si dans certains cas, le bénéficiaire peut exprimer ce besoin au chef.

Mais, l'intégration dans la communauté du nouveau venu, l'accroissement de sa cellule familiale, la nature et l'ampleur de ses investissements dans le village, communiquent à la communauté hôte la volonté de « l'étranger » de s'installer définitivement sur sa terre d'accueil. A ce moment, aucune formalité nouvelle n'est nécessaire, sauf si l'espace cédé appartenait initialement à un membre la communauté, absent pour une longue période. Dans ce cas

82 Moise Moupou, « Fronts pionniers et structuration de l'espace dans le Cameroun méridional : de nouveau territoire en mutation rapide », Les cahiers d'outre-mer, 2010, p.72-96.

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seulement, un autre espace, libre de toute occupation sera présenté au demandeur. Cette mutation du statut d'étranger à celui de membre de la communauté, entraine aussi une extension du droit de l'étranger sur les terres. Il peut en plus de les utiliser, les transmettre à ses fils en héritage. Mais il ne peut, ni les vendre, ni les louer, ni même les prêter à un tiers autre que ses descendants connus de la communauté. Bien plus, s'il arrive que toute la famille, même les descendants, souhaitent quitter la communauté, ils ne peuvent, en principe, pas vendre la terre, qui retourne logiquement dans le patrimoine foncier du village. Cependant cette relative précarité des droits pousse certains étrangers souhaitant s'installer durablement à rechercher des mécanismes plus « durables » d'accès aux terres.

La terre est une ressource communautaire, devant en principe circuler dans un sens restreint dans les lignages familiaux et dans un sens large entre les membres des communautés partageant les mêmes manières de faire, d'agir et de penser. Dès lors, pour les fils et filles du village, la transmission du patrimoine foncier familial se fait dans le lignage familial, favorisant ainsi une perpétuation et une conservation de ce patrimoine. En principe, aucun fils ne peut aliéner la terre, même si elle relève de sa propriété dans le partage familial. Par ce principe, l'accès des étrangers à la terre est consubstantiel au passage du statut d'étranger à celui de membre de la communauté. Le lien d'adhésion, qui est construit sur l'acceptation et la soumission aux coutumes de la communauté donne un certain droit sur les terres appartenant à ces communautés. Le chef du village, principal gardien du patrimoine foncier des communautés, diligente ainsi cet accès.

La coutume semble toutefois n'avoir prévu que les cas d'arrivées en nombre limité, et ne prévoit pas un dispositif pour gérer la complexité de la situation créée par la présence de réfugiés : ils sont nombreux, arrivés à l'improviste, dans une situation de grande indigence, en quête d'un accueil temporaire et de moyens de subsistance. Dans certains villages, les réfugiés sont plus nombreux que les populations-hôtes (cas du village Borgop). Leur arrivée a entraîné l'entrée en lice de nouveaux acteurs et de règles particulières dans la gestion des espaces et des hommes sur le territoire des communes d'accueil : le droit international humanitaire, et le droit national en matière de gestion foncière et de statut des réfugiés, qui ne sont pas nécessairement connus des communautés hôtes. Cette situation ouvre la voie à des pratiques et transactions foncières formelles et informelles susceptibles d'exacerber les tensions foncières et de fragiliser la cohésion sociale entre les différentes communautés hôtes et réfugiés.

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B. Les pratiques d'accès aux terres par les refugiés

Les terres sont très sollicitées par les organismes humanitaires pour l'installation des sites officiels des réfugiés, qui sont entre autres les camps, et aussi pour des activités agricoles ou pastorales hors site. Le choix des terres pour les sites de réfugiés s'est fait de manière sans conflit, impliquant un certain nombre d'acteurs institutionnels, pour répondre à l'urgence et au souci de solidarité.

Pour ce qui est des terres hors site, leur choix se fait de gré à gré, entre les propriétaires coutumiers et les bénéficiaires. Les réfugiés individuellement ou en groupe sollicitent et obtiennent de plusieurs manières des terres dans les villages. Soit ces terres sont proches des camps, notamment pour les femmes réfugiées qui y sont basées et qui ne souhaitent pas s'éloigner de leur lieu de résidence malgré le besoin pressant ; soit elles ont été identifiées et sollicitées par les réfugiés pour leur potentiel agricole et/ou pastorale ; parfois encore, le réfugié souhaite s'installer dans un village dans lequel des parents ou connaissances l'ont précédé. Dans ce cas, la présence de membres de sa famille (même éloignée) facilite l'installation et l'intégration du réfugié dans le village d'accueil ; ou encore le réfugié qui n'est pas passé par le camp de réfugiés, à bout de force physique ou financière sollicite de la terre dans le village le plus proche espérant y trouver l'hospitalité.

Pour la circonstance, c'est la manière dont la communauté va l'accueillir qui déterminera son installation ou non. Enfin, un dernier cas de figure qui motive le réfugié dans le choix de la terre est la sécurité qu'il pense y trouver. En effet plusieurs réfugiés ont fait l'expérience de certains villages où ils ont été confrontés aux coupeurs de route ou aux enlèvements, parce qu'ils étaient considérés comme solvables du fait de leur statut d'éleveurs disposant encore de bétail. Ainsi, après un passage dans différents villages, ils ont fini par s'établir. Dans tous les cas, du côté des communautés hôtes, la présence du réfugié constitue un bouleversement des habitudes, avec des retombées à la fois positives et négatives.

Les modalités d'accès aux terres par les réfugiés varient selon les régions, les pratiques locales et les ethnies (les peulhs, musulmans et généralement éleveurs, et les Gbayas, en majorité chrétiens et agriculteurs). Dans ces conditions précises, l'autorité traditionnelle (Ardo ou chef de village) est au centre des transactions.

L'étude a identifié au moins quatre pratiques d'accès à la terre par les réfugiés qui sont entre outre :

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Les négociations directes donnant lieu à des locations et/ou ventes hors site.

Le recours à ce mode d'accès à la terre est très inégal suivant les villages. C'est le cas à Gado, où les réfugiés ont évoqué le fait que ceux qui ont de l'argent peuvent acheter des terres hors site. A Gado, il y a 10 chefs de quartier qui font les papiers pour valider les ventes. Dans ce village, de très nombreux réfugiés ont acheté des parcelles hors site, payant des prix qui varient entre 40 mille et 250 mille FCFA selon les données qui nous sont parvenus du terrain. Mais il s'agit en général des terres d'habitation, dont les propriétaires sont clairement identifiables. S'agissant de la location, les négociations se font directement auprès des propriétaires coutumiers de la terre. La forme de compensation varie. Dans certains cas, le paiement des frais de location se fait en nature, avec une partie de la production, qui varie selon les enquêtes du terrain, entre 10% et 15% de la récolte. Dans d'autres cas, le paiement se fait en espèce.

Dans le cadre du contrat de location, la communauté pose une condition : ne pas planter d'arbres à fruits, qui marqueraient une présence pérenne, la durée de vie d'un arbre qui produira des fruits pouvant aller au-delà d'une génération. Le contrat généralement dure le temps de la campagne agricole. On reste donc dans un délaissement à court terme. Il peut cependant être renouvelé plusieurs fois, par rapport à la demande du bénéficiaire et de la disponibilité de la terre. Quant à la vente, elle se fait directement avec le vendeur. Un certificat de vente est établi par le chef, et l'acheteur peut faire ce qu'il veut de la terre (la vendre, la transmettre ou la louer). Il arrivait dans un passé proche que la vente se fasse sans un document qui l'atteste, mais de plus en plus, compte tenu de la pratique développée par les OSC, les réfugiés demandent des documents. C'est le cas par exemple d'un réfugié qui a acheté un lopin de terre. Il se sentait alors en sécurité car il a mis le chef au courant de la transaction et ce dernier n'a guère contesté. Il ne connaissait rien de la pratique des « certificats de vente » jusqu'à ce qu'un de ses voisins autochtones, ne lui en parle. Il se dit que, « si les gens parlent de ça, c'est que c'est très important ».

Les brousses ne peuvent être vendues. Les réfugiés peuvent exploiter, et aussi louer les brousses, mais ils ne peuvent pas l'acheter. Dans certaines communautés, une échappatoire serait utilisée par les réfugiés pour accéder aux terres « Quand ils viennent, ils ne se présentent pas toujours en tant que réfugiés » ; Ils parlent à des particuliers qui leur cèdent leurs terres traditionnelles, de gré à gré, avec validation d'un notable. Donc pas de possibilité de contrôle des installations par le chef.

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Les attestations de donation de terres.

Ces attestations sont co-signées par le sous-préfet, le délégué de l'agriculture, et le chef de village. Il s'agit d'une donation collective et provisoire, dans laquelle les ONG interviennent bien souvent comme facilitateurs du processus (SI, PUI, LWF, etc.). On retrouve deux variantes de cette approche :

- Les bénéficiaires entrent en négociation, et l'ONG prépare des documents à faire signer par le bénéficiaire, le propriétaire et les autorités traditionnelles et administratives ;

- Les organismes humanitaires recherchent des terres disponibles, négocient avec les propriétaires coutumiers, et organisent le partage entre les réfugiés bénéficiaires. Les ONG ont pour préférence d'apporter un appui à des bénéficiaires ayant eux-mêmes amorcé la transaction. LWF et les autres ONG apportent des compensations (non monétaires, qu'elles soient matériel agricole, intrants et formation). Dans ces cas, la rupture par le propriétaire terrien est définie dans le temps (3 à 5 ans) et assortie d'un certificat de mise à disposition des terres signé par le chef de village et les « propriétaires terriens ». Solidarités International insiste pour que le document soit aussi signé par le sous-préfet.

En général, ce mode d'accès a en fait facilité l'implantation des sites des réfugiés à Gado 1 et Gado 2. Les espaces donnés ont permis à installer les réfugiés mais également certains espaces (les terres) ont été réservés à l'agriculture et l'élevage à l'intérieur de ces sites. C'est le cas du site de Gado qui s'étend sur 55 ha qui n'est pas entièrement occupé par les habitations mais aussi aux activités agricoles. Avec l'augmentation anarchique du nombre de réfugiés, les terres n'ont pas suffi à couvrir leurs besoins car devenues insuffisantes en raison du nombre sans cesse croissant des réfugiés, et certaines terres à l'intérieur des sites ne seraient pas favorable aux activités agricoles et pastorales : selon les femmes agricoles qui y mènent des activités maraichères et/ou vivrières, les terres pour la plupart, sur lesquelles se développent ces activités agricoles, ne sont pas fertiles. C'est le cas à Gado où les femmes ne sont pas satisfaites des récoltes. Elles justifient cela en grande partie par le fait que les terres ne sont pas propices à l'agriculture. Ce sont ces raisons qui ont donc amené les ONG et les réfugiés à demander davantage de terres en dehors des sites pour pouvoir y faire des champs.

La pression des réfugiés a donc entraîné une demande forte de terres à l'extérieur des sites. Cette demande s'est aggravée avec la diminution de la ration octroyée par le HCR aux

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réfugiés. Presque tous les réfugiés, assistés au début et poussés par la suite par les ONG, ont dû trouver des activités qui génèrent de revenus, en grande partie l'élevage du petit bétail et l'agriculture. Les lopins de terres sont sollicités de manière collective et les groupes reçoivent un accompagnement, notamment des matériaux et des formations. On retrouve donc des terres occupées dans la majorité des villages enquêtés par les réfugiés, et surtout dans les villages limitrophes du site, pour faciliter le retour du réfugié au camp après le travail dans les champs, et limiter les risques d'agression, notamment pour les femmes. C'est le cas dans la localité de Gado-Badzéré, où les ONG ont sollicité et ont obtenu des terres agricoles pour les réfugiés.

Dans le cadre de ce processus, la cession de terres se fait selon une condition phare : celle de ne pas planter d'arbres qui produira des fruits, dans le but de ne pas prétendre à des droits durables sur la terre. Nous remarquons que cette condition n'est toujours pas respectée dans cette localité. Les réfugiés, y ont insisté et ont eu gain de cause, en promettant qu'ils laisseront les terres et les mises en valeur encartant. Il est à noter que dans le cadre des champs communautaires qui sont mis en place au bénéfice des femmes réfugiées, le principe d'héritage ne vaut pas. En cas de décès d'une femme refugiée, sa parcelle de terre est confiée à une autre femme réfugiée, et non aux descendants de la femme décédée.

· Les prêts et dons à travers le pouvoir traditionnel

Les prêts et les dons à travers le pouvoir traditionnel placent les autorités traditionnelles au coeur des transactions foncières. Ces autorités seraient non seulement celles qui octroient, mais également celles qui garantissent la sécurité foncière et la jouissance paisible de la terre au réfugié. Ce serait l'un des modes les plus courant dans les communautés rencontrées (il a été difficile pour nous pendant nos recherches de prouver si cette cession est gratuite, les enquêtées qui parlent de gratuité et les ONG qui soutiennent que cela se fait toujours contre une compensation ou rétribution, fut-elle minime). Les terres qui sont léguées ne le sont que pour l'usage. Ce pourquoi, on trouve des pratiques qui rendent cet usage pérenne. C'est le cas par exemple de la possibilité de transmettre la terre par héritage d'un réfugié décédé à sa descendance. Cela est compris et aussi accepté par les réfugiés et les chefs des villages qui l'ont affirmé pendant les enquêtes. Les enterrements des parents décédés des réfugiés sont faits sur la plupart des terres cédées. Très souvent, ces terres sont léguées de façon durable, en raison de l'incertitude sur la date de l'apaisement de la RCA et le retour des réfugiés dans leur pays.

C'est généralement le chef de village qui donne les terres. Tout commence avec la demande des terres et les démarches qui sont verbales. Dans les communautés peuhles, les

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besoins en terre s'expriment en communauté, bien que les réfugiés aient en leur possession de petits champs. C'est le « Ardo » qui porte les doléances des réfugiés auprès du Chef du village, puis négocie avec lui, et fait un compte rendu aux réfugiés. On note aussi des cas ou les demandeurs vont directement voir le chef du village, et obtiennent afin les terres de façon individuelle. Une fois de plus, il faut distinguer entre les terres destinées aux activités agricoles et destinées aux habitations. Les terres d'habitation sont prêtées (quelques fois avec la maison) au réfugié qui les sollicitent. Pour les activités agricoles, la terre est donnée en général pour des cultures non pérennes. C'est le cas à Gado Badzéré où les hommes et les femmes du village donnent la terre pour une durée précise aux réfugiés et en leur interdisant d'y planter des arbres. L'octroi des terres par le chef reste toutefois le mode principal, et presque exclusif d'accès à la terre dans certains villages.

Si la terre d'une famille est sollicitée par un étranger, le chef peut interpeller le chef de famille pour avoir son avis avant de céder la terre. Aucune transaction foncière ne peut être faite dans le village entre un chef de famille et un demandeur sans l'information au préalable du chef de village. L'étranger à qui la terre a été donnée, ne peut réaliser sur cette portion qu'une exploitation agricole, ou des activités d'élevage, ou encore, construire une maison d'habitation. S'agissant du réfugié, il ne peut ni acheter, ni vendre la terre, même s'il existe de plus en plus d'exceptions à cela du fait de l'urbanisation progressive des zones d'accueil.

A Gado, on a observé que la cession des terres n'est pas l'apanage du chef. Il existe des quartiers qui ont à leur tête un chef de quartier qui gère les besoins en terre des personnes relevant de son ressort territorial, et qui cependant rend compte au chef du village. Dans ce même village, les autorités traditionnelles ont fait un recensement d'où ils ont distingué deux catégories de réfugiés : ceux qui ont de l'argent et ceux qui n'en ont pas. L'accès à la terre pour les deux cas est différent : celui qui a les moyens achète la terre et obtient un certificat de vente signé par le chef du village, tandis qu'une personne qui n'a pas de moyen reçoit « en attendant » une maison et des terres pour ses cultures par don, ou location.

· La cession des terres entre réfugiés et à leurs descendants

Le fait de récupérer les terres prêtées aux réfugiés est rarement observé, en raison du fait que les retours n'ont pas encore eu lieu. De manière implicite, il est entendu que les terres cédées, même sous certaines conditions, demeurent entre les mains du réfugié et ainsi de

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génération en génération. Elle se transmet alors de père en fils, sauf si le réfugié lui-même soumet le désir de partir et de laisser la terre. Dans ce cas, la terre est restituée.

S'agissant de la première vague de réfugiés de 2006 qui avaient fui les coupeurs de route, ceux-ci sont intégrés dans le village, et la terre est de fait transmise au sein de la famille. Ils apparaissent désormais comme les fils du village. S'agissant de la vague de 2014, beaucoup plus nombreuse, il est assez tôt même de nos jours pour dire si à terme la terre deviendra la propriété du réfugié. Seule l'indication de la durée reste un élément qui prévoit une possibilité de fin de contrat, mais les pratiques vont dans le sens d'un renouvellement ou encore d'un don à durée illimitée et sans conditions.

Cette notion est plus développée dans les communautés peulhs. Ceci est sans doute lié à l'usage des terres : les terres appartiennent à la communauté. Ces terres sont donc accessibles aux réfugiés qui s'installent dans les villages avec l'autorisation du chef. Les terres d'habitation sont sollicitées et données, tandis que les terres pour les activités agricoles sont libres d'usage. Dans ce cas, les conflits ne proviennent en général des riverains agriculteurs que lorsqu'il y a des accidents tels que des destructions de plantations par le bétail, ou encore quand ceux-ci contestent les limites des espaces qui ont été données.

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Source : enquête Avoré, janvier2022

Figure 1 : Différents mécanismes d'accès à la terre par les réfugiés observés dans le site de l'étude

De l'analyse de différents mécanismes d'accès à la terre par les réfugiés, il ressort plusieurs contraintes qui sont autant de facteurs qui rendent précaires la stabilité et la paix entre les réfugiés et les communautés hôtes. En effet ces modes de gestion de terre posent plusieurs problèmes :

- Le côté « provisoire » de la cession qui n'est pas encadré par des normes juridiques. Dans les différentes pratiques recensées (don, vente ou crédit), la forme orale prévaut, sauf lorsque les ONG interviennent en fournissant des documents. Cependant, d'un point de vue purement juridique, ces documents n'ont aucune valeur juridique et la loi interdit les transactions avec des terrains non immatriculés.

- La Qualité des terres attribuées aux réfugiés sont généralement gratuites : Cela a été critiqué par la plupart des réfugiés. En fait, les réfugiés ont trouvé des communautés

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d'installation et des terres arables à proximité des villages plus propices aux activités agricoles. En fait, les réfugiés n'ont généralement droit qu'à des terres plus isolées et inoccupées. Ces terres sont divisées en terres agricoles et en terres d'élevage pour éviter les conflits fonciers agricoles. Les agriculteurs réfugiés sont plus attirés par leurs activités agricoles car, contrairement à d'autres terres, elles sont plus fertiles et non à vendre. Les réfugiés pastoraux sont également plus attirés par les terres agricoles plus proches des villages et plus sûres que celles qui leur sont attribuées. Cela crée du ressentiment parmi les détenus qui pensent que les réfugiés ne respectent pas les normes traditionnelles et les bergers qui veulent de meilleures conditions pour leurs activités. Les conflits agro-pastoraux, principalement dus à la destruction des récoltes par le bétail, se terminent souvent pacifiquement sans compensation qui ne couvre pas la valeur des biens détruits.

- Le caractère communautaire du terrain demandé et accordé par l'OSC au réfugié. En effet, ce régime exclut les particuliers. D'autre part, les organisations de la société civile ont tendance à exiger de plus en plus de terres pour les réfugiés. On a vu des cas précis à Gado où ce dernier revendiquait 20 hectares, puis 15 hectares, puis 35 hectares. Cet espace de plus en plus limité dans le village. Ce statut ne plaît pas toujours aux communautés concernées, qui sont de plus en plus conscientes de la réduction des surfaces, mais qui l'acceptent car la compensation est offerte. Ce fut également le cas du village de Borgop proche du site, où les terres ont été envahies par des réfugiés qui sont venus s'y installer sans demande ni autorisation du chef traditionnel.

- Établir un système de métayage et louer des terres fertiles et productives. Cela joue en faveur des réfugiés qui ont les moyens par rapport aux réfugiés qui n'en ont pas les moyens.

- La présumée propriété coutumière des terres par les réfugiés, qui auraient la possibilité de céder les terres à leurs descendants. En effet ce mode d'acquisition est contradictoire par rapport au mode de donation généralement provisoire (les communautés refusent en général que les réfugiés plantent des cultures pérennes) ou encore de location. Il n'est pas clair finalement si les terres sont cédées de manière provisoire ou définitive. Cela est d'autant plus troublant que les réfugiés auraient la possibilité d'enterrer les morts sur ces terres. Les tombes en général, sont des éléments qui témoignent de la propriété de la terre, dans la mesure où l'occupant aspirera toujours à rester proche de ses morts. En fin de compte, le message qui transparait est que le réfugié restera, tant qu'il le voudra, le« propriétaire » de l'espace. A l'avenir il est certain que la

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dépossession de ces terres si le besoin s'en fait sentir ne se fera pas sans conflits ni heurts.

PARAGRAPHE 2 : Impacts liés à l'installation et question d'intégration locale des refugiés

Tout au long de cette partie, nous allons présenter les impacts socio-économiques et environnementaux liés à l'installation des réfugiés (A) en suite, parler dela question de l'intégration locale des réfugiés (B).

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote