A. Implication des communautés hôtes dans le
processus d'attribution des terres
Après quelques violences dues à la
première vague de réfugiés centrafricains à l'est,
certaines autorités traditionnelles du village voisin de Garoua-boulai
ont refusé d'accueillir la vague de 2013. En conséquence,
l'autorité traditionnelle de Gado a dû accepter de lui donner par
écrit. Ce soutien était davantage motivé par l'engagement
du HCR envers les avantages ou les opportunités de l'existence des
réfugiés dans la construction d'infrastructures sociales
(santé, éducation, eau potable, etc.).
Malheureusement, ce consentement a été
donné sans consultation appropriée avec une communauté
plus large et des femmes âgées qui ont utilisé des terres
précédemment abandonnées. Ces derniers savaient seulement
qu'ils quittaient le pays pour une bonne raison sans compensation car la loi ne
considérait pas la friche comme un développement. Dans
l'Extrême-Nord, force est de constater qu'une des autorités
traditionnelles hésitait à quitter les terres qui avaient
largement bénéficié de la culture du coton et du mil en
raison de la présence des autorités administratives et des
autorités traditionnelles hiérarchiquement supérieures.
À Gawar, les auditions populaires ont été
privilégiées par rapport aux auditions de
célébrités car elles sont considérées comme
des représentants du peuple. Cependant, lors de petites discussions avec
des personnes directement affectées par la communauté, ils ont
exprimé leur mécontentement face à la perte de terres.
Enfin, elle s'est laissé convaincre en faisant prendre conscience des
opportunités qu'offre la présence des réfugiés en
termes d'infrastructures sociales (eau, électricité) et de
travail. Cependant, il est dommage qu'une telle promesse n'ait pas
été mentionnée dans des documents tels que des notes de
service et des cahiers des charges. Lors de la collecte des données, des
individus rencontrés au sein de la population hôte se sont plaints
de la lenteur de la réalisation de certaines promesses (eau et
électricité) faites par le HCR lors de la mise en place du
camp.
62
Les conflits sont moins fréquents dans le contexte de
richesse foncière relative, comme dans l'Est du Cameroun. Dans les
situations où les terres fertiles sont rares, comme dans
l'Extrême-Nord du Cameroun, le consentement de la population hôte
est présenté comme un facteur fondamental à
considérer et le principe d'innocuité (Do no harm)72
doit être revisité et démontré par l'organisation
afin de construire une infrastructure d'accueil pour les
réfugiés.
Dans le manuel des urgences du HCR, la consultation et la
participation des communautés est encouragée, en particulier au
moment de la mise en place des camps et de la préparation de leur
fermeture. Il est par exemple dit dans le Camp strategy guidance (planned
settlements, HCR) qu'il faudrait considérer la consultation de plusieurs
parties prenantes lors de la mise en place d'un camp telles que : les agences
de gestion des camps, les autorités nationales, divers
représentants des réfugiés et communautés
hôtes incluant les Hommes, les garçons et les filles,
(santé, eau, hygiène et assainissement, sécurité,
logistique, éducation, protection) et de l'agences de Nations Unies, ou
les ONG, les experts techniques, y compris ceux en gestion des terres et en
droits coutumiers.
Le but de la consultation est, entre autres, lié
à la décision sur l'emplacement et l'installation du stockage
afin d'obtenir des informations précises sur les facteurs
énumérés dans le tableau 1. Compte tenu des impacts
environnementaux et sociaux potentiels de la construction du camp, aucun
consentement libre et éclairé des résidents (CLIP) n'est
requis pour transférer le terrain. Le HCR, qui assiste les pays dans la
prise en charge des réfugiés, se réfère aux
procédures et lois établies par le pays d'accueil. Cependant, le
Cameroun n'est pas clairement conscient des droits coutumiers de la
communauté et ne prévoit pas le mécanisme de consultation
dans l'attribution des terres aux projets.
Comme le soulignent Dryden Peterson et Hobir, les
communautés qui jouent un rôle important dans l'intégration
des réfugiés par le biais d'institutions sociales et culturelles
sont souvent censées s'engager auprès des acteurs politiques du
pays d'accueil, en restant à l'écart des discussions sur les
solutions permanentes. Néanmoins, ils jouent un rôle important
en
72Ne pas nuire : Dans certains contextes, une
intervention humanitaire, en matière d'abris, peut entraîner
l'expulsion de groupes vulnérables. Dans d'autres, faire valoir la
sécurité de l'occupation foncière peut accroître le
risque d'expulsion pour les groupes vulnérables. Une approche
raisonnable et Prudente permettra d'identifier les risques en matière de
sécurité d'occupation encourus par les différents groupes.
Dans certains cas, lorsque ces risques sont trop importants, il est
préférable de ne rien faire du tout (Normes sphères abris
et habitats).
63
garantissant l'accès aux moyens de subsistance des
réfugiés. Il est donc important de les impliquer dans la
recherche d'une solution durable pour les réfugiés73.
.
En fait, les Directives volontaires de la FAO promeuvent la
consultation et la participation comme l'un des principes
généraux pour la mise en oeuvre d'une bonne gestion des terres,
déclarant qu'il faut tenir compte de leur soutien et de leurs
contributions. Elle tient compte du déséquilibre des pouvoirs
entre les différentes parties et assure la participation active, libre,
efficace, utile et éclairée des individus ou des groupes au
processus décisionnel.74
B. Compensations pour les pertes relatives aux mises
en valeur des terres et sort de la terre après le départ des
réfugiés
Dans les deux cas enquêtés, la perte de terrain
n'a pas été indemnisée par la municipalité. A
Gado-Badzéré, aucun développement en vertu de la loi
foncière camerounaise n'a été observé au moment de
l'acquisition des terres. Le Maire de Garoua-boulai a également
souligné que la sélection des sites avait été faite
avec ce critère à l'esprit pour éviter des conflits
juridiques dans des situations imprévues telles que l'arrivée de
réfugiés. Cependant, selon une interview, certaines parties du
pays étaient des friches pour les femmes âgées.
Dans le village de Gado-Badzéré, des discussions
avec la communauté ont révélé que l'attribution des
installations qui fonctionnent actuellement comme centres de transit pour les
réfugiés n'est pas soumise à une consultation
préalable avec la communauté d'accueil. En fait, le terrain,
autrefois utilisé par Jauro (le chef du district), représente une
perte énorme pour lui. Il y cultive du mil, avec une production annuelle
atteignant 25 sacs de 100 kilogrammes et du coton avec un potentiel de
rendement de 450 000 FCFA/ an en moyenne75 (cette perte n'a pas
été compensée).
Le HCR ne compense pas l'acquisition de terres et
considère l'infrastructure établie comme une compensation pour la
communauté d'accueil. De plus, tous les projets sont conçus et
mis en oeuvre en gardant à l'esprit les ratios des
bénéficiaires suivants : 70% pour les réfugiés et
30% pour les communautés d'accueil76. Cette politique du HCR
vise à empêcher que les réfugiés soient
perçus comme ceux qui viennent conquérir la terre, et non comme
ceux qui en
73 Dryden-Peterson et Hovil, local integration as a durable
solution: Refugees, host population and education in uganda. New issues in
refugees research, PDES Working Paper N°93, 2003.
74 Idem.
75 Enquête de terrain juin 2021
76 Idem
64
profitent. Mais la question demeure. Les personnes ayant perdu
des terres ciblent-elles la part de 30 % allouée à la
communauté d'accueil ?
Les communautés qui ne pouvaient pas obtenir de
compensation pour le terrain sans un certificat formel de
propriété de l'espace réclamaient des avantages en nature
tels que l'eau potable, le grenier, l'accès à
l'électrification. Lors de l'examen de l'impact, il est
considéré en termes d'économie et de services du pays ou
de la région d'accueil, plutôt que des divers individus ou groupes
dans le pays d'accueil77. Il en va de même pour les
compensations ci-dessus (infrastructures construites par le HCR). Cependant,
gardez à l'esprit que la communauté d'accueil n'est pas
uniforme.
Comme le souligne Chambers, les populations hôtes les
plus pauvres peuvent être des perdants cachés dans les zones
rurales qui acceptent des réfugiés, en particulier dans les zones
où les terres sont rares et la main-d'oeuvre relativement abondante. Les
hôtes pauvres peuvent perdre la concurrence pour la nourriture, la
main-d'oeuvre et les ressources communes. Les hôtes vulnérables
n'ont pas les mêmes opportunités que les réfugiés
qui peuvent envoyer leurs proches les plus vulnérables dans des camps et
des installations de réfugiés pour obtenir de
l'aide78. Les hôtes, n'ont pas la même
possibilité d'obtenir de la nourriture gratuitement que les
réfugiés. Ils n'ont généralement pas de filet de
sécurité. Ils ne peuvent pas se rendre dans des camps ou des
colonies pour obtenir de la nourriture, des outils ou des semences.
Conclusion
Arrivé au terme de ce chapitre, l'objectif était
d'analyser le processus de sélection et d'acquisition des terres pour
l'installation d'un camp pouvant abriter les réfugiés (dans la
marge Est de la région de L'Est Cameroun). Il ressort qu'avant
l'arrivée et la sélection des camps, l'espace identifié
était vide, c'était des sols en jachères et d'autres
partie étaient réservées ou tenaient lieux de
marché de bétail, qui avait en effet été
délocalisé par manque de titre foncier. Cependant, ces lieux
(marchés de bétails) étaient considérés
comme faisant partie du domaine national libre de toute occupation,
proposé au HCR par l'Etat. Ces terres, devraient en principes
répondre à certains critères que nous avons
énumérés : le niveau d'éloignement
77Chambers R, Hidden Losers? The Impact of Rural
Refugees and Refugee programs on Poorer Hosts, 1986. 78 Ibid.
65
de la frontière avec les pays d'origine, la
sécurité, la viabilité, l'accessibilité et le
degré d'hospitalité des Communautés hôtes.
CHAPITRE IV : DIFFERENTS MODES D'ACQUISITION DES TERRES
PAR LES RÉFUGIÉS AU DE-LÀ DES CAMPS ET
RECOMMANDATIONS
66
Introduction
De façon générale, l'acquisition d'une
terre recouvre de multiples formes. Elle renvoie au fait de devenir
propriétaire d'un bien moyennant une contrepartie, entre personne
vivante. Elle peut découler d'un contrat de vente ou de donation, un
échange etc. Dans le cadre de ce chapitre, nous allons analyser les
différents modes ou procédés par lesquels les
réfugiés ont accès aux terres dans et en dehors des camps
pour leur installation (Section 1). Pour cela, nous allons
analyser les normes et pratiquent d'accès aux terres par les
réfugiés, les facteurs qui entravent à leur installation
et quelques recommandations pour la prise en compte du droit foncier, des
refugies et des communautés d'accueils (Section 2).
SECTION 1 : LES DIFFÉRENTS MODES D'ACCÈS
AUX TERRES PAR LES RÉFUGIÉS AU DE-LÀ DES CAMPS ET QUELQUES
IMPACTS LIÉS À LEURS INSTALLATION
Au de-là des camps, les réfugiés sont le
plus souvent confrontés à certains litiges fonciers avec la
population hôte. Néanmoins, ils parviennent à
accéder aux terres selon certains modes bien déterminés,
pour satisfaire leurs besoins agricoles, ou faire de l'élevage. D'autres
y accèdent pour se loger. Dans cette section, il sera important pour
nous de présenter au préalable les différents modes par
lesquels les réfugiés ont accès aux terres à
Gado-Badzéré (paragraphe 1) et de montrer les
impacts sociaux et économiques liés à l'installation des
réfugiés à Gado-Badzéré (paragraphe
2).
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