Dynamique migratoire et processus d'acquisition des terres pour l'installation des refugiespar Chatelain AVORE Institut des relations internationales - Master 2023 |
A. Les critères pour la sélection d'un siteLes différents critères qui guident la sélection d'un site, selon les enquêtes de terrains rencontrés, sont :
L'on peut constater que le statut de la terre n'est pas évoqué par les responsables du HCR comme critère, car comme le révèle la section « droits fonciers » dans le tableau 1 ci-dessous, c'est le gouvernement qui doit mettre à disposition les terres et clarifier leur statut par écrit. 57 En situation normale, lorsque l'Etat du Cameroun veut mettre des terres à la disposition d'un projet, il peut cibler soit les terres de son domaine privé ou celui des autres personnes morales69 de Droit public, soit celles du domaine national qui sont attribuées par voie de concession, bail ou affectation. Ainsi, pour la réalisation des opérations ou projets d'intérêt public, économique, social ou culturel, l'Etat peut, selon l'article 12 de l'Ordonnance n° 74-1 du 6 Juillet 1974 fixant le régime foncier, recourir à l'expropriation qui intervient après que la zone cible ait été déclarée d'utilité publique. Toujours pour les motivations d'intérêt général, l'Etat peut incorporer dans son domaine privé ou celui des autres personnes morales de Droit public, des portions du domaine national tel que prévu à l'article 18 de l'Ordonnance sus-évoquée. Pour le camp de réfugié de Gado-Badzéré qui a été installé sur les terres du domaine national, il s'avère, à l'issue des discussions avec les responsables des Ministères des Domaines et de l'Administration Territoriale rencontrés, qu'aucune de ces deux procédures n'a été suivie par l'Etat. L'arrivée inopinée des réfugiés et l'urgence peut donc justifier le fait que le Gouvernement camerounais n'ait eu à recourir ni à l'expropriation, ni à l'incorporation pour une cession ultérieure par voie de concession. Le tableau (1) donne en effet plus d'informations sur les facteurs importants à considérer pour la sélection d'un site selon les règles internes du HCR 69 Il s'agit des Collectivités Territoriales Décentralisées, des Etablissements publics, des concessionnaires de service public et des sociétés d'Etat. 58 Tableau 1 : facteurs importants pour la sélection d'un site
59 Droits fonciers
Source : Camp planning standards (planned settlements), UNHCR 60 B. Le rôle des acteurs dans la sélection des sites devant abriter les refugiés Dans le cas précis du site de Gado-Badzéré, les autorités administratives ont énoncé plus de critères lors de notre entretien : la distance entre le site et la frontière, le fait que le terrain était « vacant » « parce que personne n'était disposé à faire campagne pour une indemnisation », et l'insécurité dans le village de Mborguene a d'abord suggéré l'établissement d'un camp. Pour ce site, la Ville de Garoua-Boulaï a été consultée et contestée pour le choix du site de Gado en raison d'expériences traumatisantes passées. En effet, écarter ce camp, son isolement ou plus précisément son éloignement dans le village Mborguene, au demeurant peu peuplé (539 habitants), pour les droits communaux, qui est un moyen de protéger les insécurités des citadins liées à la présence des réfugiés70. Pour le pouvoir traditionnel de Gawar, un des critères serait l'acceptation par le Lamido (niveau de pouvoir traditionnel 1er degré) et du propriétaire des champs. Cependant, selon certaines administrations, le choix du site sera guidé par le souci de résoudre le conflit entre les deux territoires (l'état de Gawar et celui du Matakam Sud). Ceci est également confirmé par des recherches antérieures de Brangeon et Bolivard, selon lesquelles, « Le terrain, qui faisait l'objet d'un contentieux entre deux communes, a été choisi par le gouvernement camerounais pour résoudre le conflit, le déclarant ainsi territoire « neutre »71. Dans les deux cas étudiés, il s'est avéré qu'en plus de la procédure administrative «officielle », le HCR était en contact direct avec les agences traditionnelles impliquées dans l'accès au foncier. L'un des arguments utilisés par ces derniers pour obtenir leur consentement est que la présence des réfugiés constitue une opportunité pour la communauté d'accueil en termes d'infrastructures sociales. Au final, il apparaît que les espaces d'installation des sites ont été choisis comme s'ils étaient « libres de toute occupation » Par conséquent, on peut supposer que l'utilisation antérieure des terres par la communauté n'est pas un critère de sélection du site. Cela affirme que la loi foncière ne reconnaît les droits d'usage précaires que pour les 70Minfegue C. S'engagé quand on est refugié centrafricain à Garoua-Boulaï (Cameroun), Analyse des formes de mobilisation et des luttes dans un champ associatif humanitaire local, Carnets de Géographes, https://journals.openedition.org/cdg/44932019, 71Brangeon S. et Bolivard E. L'impact environnemental du camp de réfugiés de Minawao : L'impact environnemental de la crise migratoire à l'Extrême-Nord du Cameroun et la prise en compte de l'environnement par les acteurs humanitaires, URD, 2017 61 communautés, qui sont cependant les propriétaires légaux des droits fonciers. Cette considération a certainement un impact sur le processus d'acquisition des terres. PARAGRAPHE 2 : La participation de la communauté d'accueil au processus d'accès aux terres et de compensation foncière Nous ferons référence dans cette partie à l'implication des communautés hôtes dans le processus d'attribution des terres (A) et ensuite aux compensations pour les pertes relatives aux mises en valeur des terres et au sort de la terre après le départ des réfugiés (B). |
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