C. Des obstacles juridiques
L'expérience du Congo en matière d'organisation
et d'administration publique se caractérise, en effet, par une
divergence entre les textes et les réalités, sinon une
(130) KAMUKUNY MUKINAY ,A., et CIHUNDA HENGELELA , J., «
Régionalisation, décentralisation et naissance effective des
vingt cinq nouvelles provinces en RDC : Défis et perspectives de
prévention des conflits », in Congo- Afrique , 2009,
p.303.
(131) NACH MBACK Ch., Démocratie et
décentralisation. Genèse et dynamique comparés des
processus de décentralisation en Afrique subsaharienne, Paris,
Karthala, 2001, pp.32-34.
58
contradiction entre la théorie et la pratique, une
incompatibilité entre les volontés et les possibilités.
Coupée de sa vivifiante, la décentralisation en RDC ne peut
être productrice du sous-développement dès lors qu'elle
traduit le profond divorce entre la noblesse des phrases et la routine des
conditions, divorce consécutif à une paralysie inhérente
aux structures non adaptées aux réalités sociales,
politiques, culturelles (132). Les textes sont d'une grande
complexité et laissent par ailleurs de nombreux problèmes
irrésolus de même qu'ils entretiennent des
ambiguïtés.
Tout en étant élaborées, la plupart des
lois demeurent sans mesures d'application, constituant ainsi un blocage du
processus de décentralisation. Les insuffisances juridiques ne sont pas
seulement relevées en termes de non achèvement de l'arsenal
normatif, mieux juridique relatif à cette décentralisation, mais
également toutes les ambiguïtés contenues dans des textes
rendant, par conséquent leur application compliquée. Les
interprétations erronées des dispositions normatives.
En effet, alors que le constituant de 2006 n'a nullement
l'idée d'instituer une - tutelle du pouvoir central sur les provinces,
mais plutôt celle du Gouverneur de province sur les organes
exécutifs des ETD. Il est étonnant d'assister à cette
pratique lorsqu'on constate que le législateur fait peser sur les
têtes des Gouverneurs de province plus que la tutelle (133).
Aux termes des dispositions des articles 65, 66 et 67 de la loi n° 08/012
du 31juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre
administration des provinces, le Gouvernement central dispose d'un pouvoir de
contrôle sur les actes du Gouverneur de province, un contrôle:
conduisant à l'annulation via la réformation et même la
substitution
(134).
Autrement dit, le législateur lui-même avait
institué le contrôle hiérarchique par le pouvoir central,
en même de transformer la décentralisation en simple
déconcentration
(135).
(132) DJOLI ESENG'EKELI. J., « la production
constitutionnelle et le sous - développement en Afrique subsaharien
» , in Revue de la Faculté de Droit de l'Université
Protestante au Congo , n°5, 2007, p.158.
(133) BALINGENE KAHOMBO, « L'expérience
congolaise de l'Etat régional. Le contrôle politique du pouvoir
central sur les provinces : vers une tutelle déguisée »
in KUMBU ki NGIMBI ( Dir) La Décentralisation territoriale en
RDC sous le régime de la Constitution du 18 février 2006 ,
Bilan Et Perspectives , Ed de la Campagne pour les droits de l'homme au Congo ,
Kinshasa 2014, pp.109-134.
(134) Articles 65,66 et 67 de la loi n° 08/012 du 31
juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre
administration des provinces.
(135) VUNDUAWE te PEMAKO . F , Traité de droit
administratif , Op.cit.,p.59.
59
Comme si cela ne suffisait pas, le constituant
dérivé de 2011 vient, à son tour, renforcer le
législateur dans cette entreprise tendant à la
consécration d'un contrôle hiérarchique. En effet, lors de
cette révision, les articles 197 alinéa 7 et 198 alinéa 10
de ladite Constitution (136) ne reconnaissent-elles pas la
compétence au président de la République de relever de ses
fonctions le Gouverneur de province, d'une part et dissoudre l'Assemblée
provinciale en cas d'une crise politique grave et persistante qui menace le
fonctionnement régulier des institutions provinciales d'autre part.
L'intérêt d'un travail de cet ampleur ne saurait se résumer
à poser la problématique même la mieux
réfléchie, encore faudra-t-il envisager quelques pistes de
solutions.
|