De la décentralisation en droit positif congolais.par Olivier KAPATSHINA LOMBE Université de Kinshasa - Licence 2016 |
Section 2 : Des Contraintes et perspectives.§1. Des contraintes liées au processus de décentralisationL'histoire politique et administrative de la République démocratique du Congo renseigne que chaque fois que la décentralisation a été choisi comme remède, certaines contraintes l'empêchent de prendre corps au nombre desquels on peut citer les obstacles juridiques, politiques, matériels et financiers. A. Des obstacles d'ordre politiqueLa volonté politique des autorités centrales est, et demeure l'élément essentiel dans l'aboutissement du processus de la décentralisation territoriale. Pour peu qu'on s'en souvienne, la République démocratique du Congo est l'un des pays en panne de la volonté politique, pour ne pas dire qu'elle est caractérisée par c'est que Ambroise Kamukuny appelle 56 « insouciance politique » (122) dans le chef des autorités tant administratives que politiques dans la mise en oeuvre de la décentralisation territoriale. Ce manque de volonté se concrétise via les hésitations du pouvoir central de voir la décentralisation être effectivement mise en oeuvre (123) de peur de voir leur pouvoir divisé au profit des autorités provinciales et locales (124). La preuve est la réticence face au transfert de compétences au profit des ETD. Ce qui pousse certains observateurs à penser que la décentralisation reste à ces jours, au vue de ce qui vient d'être dit une lettre morte dont la volonté politique fait défaut (125). Or, sans cette volonté politique, les dispositions juridiques relatives au processus de décentralisation seront considérées comme un musée ou, pour emprunter le concept à Ambroise Kamukuny, «un édifice constitutionnel fictif » (126). En effet, si on part du postulat selon lequel, la réussite de la mise en oeuvre de la décentralisation territorial dans tout État moderne, dépend de la volonté politique des autorités étatiques, comme l'affirme si bien Mabiala Mantuba (127), le plus grand ennemi de la décentralisation et du régionalisme est le manque de volonté politique du pouvoir central, mieux son refus de céder les prérogatives à transférer (128). Cette attitude est justifiée par la peur (129), de voir le pouvoir longtemps concentré entre leurs mains se diluer à travers la pluralité des centres d'impulsion. Dans cette hypothèse, l'autorité centrale perdrait considérablement son influence car « le pouvoir se mange en entier » dit un proverbe congolais. La décentralisation est aujourd'hui et très longuement l'objet de tractations au sein de la classe politique, c'est pourquoi sa mise en oeuvre devient difficile, quel que soit le changement des majorités politiques. Ce manque de volonté influe considérablement sur le
57 développement du pays. La situation se complique davantage avec la politisation de l'administration des villes, communes, secteurs, etc. Un autre attribut de la décentralisation est constitué de l'élection des autorités locales par les populations locales. Là encore, ce n'est pas facile car on assiste depuis belle Lurette à une flambée de dissolutions, révocations, et nominations des animateurs des provinces. La non-organisation des élections urbaines, municipales et locales est en passe de devenir une règle. La déconstitutionnalisation du principe de la retenue à la source au profit de la rétrocession des recettes. La faiblesse de la volonté politique dans la mise en oeuvre de la décentralisation territoriale se traduit également par le manque des ressources budgétaires de l'État central allouées aux provinces devant faciliter la mise en oeuvre de tous les outils nécessaires. L'évolution de l'installation des nouvelles institutions provinciales prévues par le constituant de 2006 offre l'opportunité à certains d'opiner que l'allure avec laquelle le pouvoir central procède en faisant pour chaque étape deux pas en avant trois en arrière. Alors que la décentralisation territorial a été pensé par le constituant du 18 février 2006 afin d'atténuer le déséquilibre et le sous-développement imprimé par la centralisation à outrance sur la croissance économique du pays et de sortir du groupe de la misère dans lequel il a été plongé; en permettant aux populations locales de prendre elles-mêmes une marge d'initiatives pour le développement à la base et en considérant le niveau local comme centre de débat des enjeux des stratégies de développement. Force est de remarquer que, le pouvoir central n'a pas pû réaliser l'organisation des élections urbaines, municipales et locales pour des raisons diverses et diversifiées (130). Donc, l'aspect de la légitimité effective des organes provinciaux et locaux est un défi à relever et un enjeu de taille de la décentralisation, car l'installation et la consolidation de la démocratie en dépend (131). Cet état de la question peut être aussi démontré dans l'examen des contraintes juridiques. |
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