II. La politisation de l'administration
L'administration des villes, des communes, des secteurs ou des
chefferies est un bon exemple de l'interpénétration entre
politique et administration. Ceci va en bon train dans de petites
localités. Mais dès lors que les agglomérations atteignent
une certaine taille, les conflits partisans retrouvent leur droit.
Selon l'article 193 de la constitution « l'Administration
Publique est Apolitique... » Il convient de noter que cet article
définit l'Administration Publique comme comprenant « la fonction
publique ainsi que tous les organes et services assimilés. »
(63) PNUD, Loc.cit. , p.68
(64) ISSANGO Idi WANZILA, « décentralisation et
pratiques centralisatrices » in Zaïre -
Afrique, n°258, 1991, p.427.
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Cet article ne peut nous perdre de sens car en ce moment
l'Administration et la politique tendent à s'interpénétrer
ou, pour parler autrement, l'administration ne se cantonne plus à
l'exécution, mais participe activement à la définition des
objectifs et à l'élaboration des décisions. Ces
dispositions veulent que l'Administration ne soit détournée
à des fins personnelles ou partisanes. Ainsi, les organes locaux qui
sont chargés d'Administrer sont votés.
Bref, dans les Etats modernes, la séparation classique
entre la politique(qui serait du domaine du pouvoir politique) et la technique
(qui reviendrait au pouvoir administratif) s'estompe (65). Et
à cet égard, la doctrine distingue les administrations reposant
autant sur les principes de neutralité et de mérite (c'est le cas
de l'Europe occidentale) et celles où l'on pratique le système
des « dépouilles »(le spoil système)
américain.
La Constitution actuelle se penche à la
neutralité de l'Administration tout en éclairant celle - ci.
Pendant la IIe République, la Politisation administrative a
pris un tournent partisan. Ce qui a entraîné la
mégestion.
Ainsi, la politisation de l'Administration,
c'est-à-dire son contrôle et sa subordination au parti a
été poussée si loin que les avantages escomptés :
le développement des entités territoriales
décentralisées ; dans la décentralisation pour les
entités administratives qu'elle affecte devenaient quasi nuls.
III. L'acte Constitutionnel de Transition et la
décentralisation
Cette Constitution de la Transition a été
élaborée dans un climat d'entente et de réconciliation
entre les détenteurs du pouvoir, les FPC (Forces Politiques du Conclave)
et l'opposition regroupée dans l'USORAL (Union Sacrée de
l'opposition radicale et Alliée). Elle a été
promulguée le 09 avril 1994 à Gbadolite par le président
MOBUTU. Dans cette Constitution l'Etat Congolais est resté en principe
«décentralisé ». L'art. 2 al. 1 .de cette Constitution
dispose « la République du Zaïre comprend la ville de Kinshasa
et dix Régions dotées de la personnalité civile ».
L'al.2 de cet article continue «les limites,
l'organisation et le fonctionnement de la ville de Kinshasa et des
Régions sont fixés par la loi ».
(65) MPINGA KASENDA, Op.cit., p.277.
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A cette époque, la loi sur la décentralisation
était la loi n° 95-005 du 20 Décembre 1995.
Une réforme territoriale intervenue par la loi n°
95-005 du 20 septembre 1995 portant décentralisation territoriale,
administrative et politique de la République du Zaïre pendant la
période de transition. Cette loi s'inscrit, quant à elle, dans le
contexte général du triomphe de l'idéal
démocratique.
Globalement, cette loi érige les régions, les
villes, les communes, les territoires et les collectivités en
entités administratives décentralisées composées
chacune par un Conseil comme organe délibérant et un
Collège exécutif comme organe exécutif. Les membres de ces
organes sont désignés de manière paritaire par les deux
familles politiques de l'époque en tenant compte de la
représentation des forces politiques et sociales en présence -
contrairement à l'ordonnance loi de 1982 , la loi de 1995 supprime le
pouvoir hiérarchique de ministre de l'intérieur sur les
autorités respectives des entités décentralisés et
prévoit la reconnaissances du collège exécutif de
collectivité par le collège exécutif Régional. Les
sous - régions et les localités sont supprimées, les Zones
urbaines qui sont des subdivisions des villes sont par contre appelées
des communes. Dans les milieux ruraux. Les régions sont
subdivisées par les territoires, ces derniers en collectivités et
en cités. Par rapport à l'ordonnances - loi de 1982, à la
place des sous - régions apparaissent les territoires et à la
place des zones rurales, ce sont les collectivités qui émergent.
Les régions, les villes, les communes, les territoires ainsi que les
collectivités sont des entités administratives dotées de
la personnalité juridique. Les autres demeurent des circonscriptions
administratives dépourvues de la personnalité juridique.
Cette réforme territoriale de 1995, inscrite dans un
contexte particulier fut, aux dires de Vundiawe Te Pemako, , « le
résultat des combats inachevés »
(66).Le souci d'ajustement à la nouvelle donne
politique de la démocratisation imposa le partage équitable et
équilibré du pouvoir en tenant compte des forces politiques et
sociales en présence. C'est ainsi qu'il fut prévu que les
familles politiques en présence devaient désigner les
responsables des entités administratives décentralisées
dans le respect du principe de l'équilibre paritaire. Toutefois, dans la
pratique. La mouvance présidentielle se montra moins encline à
partager le pouvoir, alors que l'opposition luttait avec acharnement pour le
(66) VUDUAWE Te PEMAKO,F., Traité de
Droit Administrative, op. Cit. , p.466.
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conquérir. Cette longue transition parsemée de
convulsions politiques prendra fin avec la guerre menée par l'Alliance
des Forces Démocratiques pour la libération du Congo (AFDL).
IV. Décret-loi no 081 portant organisation
territoriale et administrative de la R.D. Congo du 02 juillet
1998.
La déclaration de prise de pouvoir d'Etat par le
Conseil élargi de l'AFDL le 17 mai 1997 va charrier la mission des
nouvelles autorités de refondre les institutions existantes et de mettre
en place une nouvelle organisation politique et administrative en vue de la
reconstruction nationale. Le texte de base, dans cette perspective, c'est le
décret-loi n° 081 du 02 juillet 998 portant organisation
territoriale et administrative de la République Démocratique du
Congo (67).
La division administrative de l'Etat sous le décret-loi
n° 081 du 02 juillet 1998 présente une dénomination
actualisée des entités territoriale conformément au
décret-loi n° 95 -005 du 20 décembre 1997. Ainsi, les
régions deviennent les provinces, les sous-régions les districts,
les zones rurales les territoires, les zones urbaines les communes, les
collectivités les chefferies, les collectivités Les villes
gardent leurs anciennes dénominations, ainsi que les cités, les
quartiers, les groupements et les villages. Comparativement à la loi du
20 décembre 1995, ici les provinces gardent leur nombre de 10 et
à l'interface des provinces et des territoires émergents les
districts appelés sous-régions dans `ordonnance-loi n 82-006 du
25 février 1982. Les territoires restent, mais sont subdivisés en
Cités. Secteurs et Chefferies. En fait les collectivités laissent
la place aux Chefferies. Par ailleurs. Seuls les provinces, les villes, les
territoires ainsi que les communes de la ville de Kinshasa sont des
entités administratives décentralisées. Les districts, les
communes autres que celles de la ville de Kinshasa, les cités, les
secteurs et les chefferies ainsi les quartiers, les groupements et les villages
ne sont pas dotés de la personnalité juridique. Ils sont donc des
circonscriptions administratives.
Au niveau des organes des entités administratives
décentralisées, il y aura, d'une part, suppression des organes
délibérants et mise en place, auprès des autorités
locales, des organes consultatifs jouant simplement un rôle de
consultation en formulant des avis ou suggestions sur toutes les questions
d'intérêt provincial ou local, selon le cas. Ce qui
(67) Ce texte a subi des retouches successivement
par le décret- loi n° 018/2001 du 28 septembre 2001 (Voir
J.O.R.D.C. n° spécial 28 septembre 2001 ( textes coordonnées
et mis à jour au 28 septembre 2001).pp. 4-41) et la loi n° 04/008
du 19 mai 2002 , s'est appliqué jusqu'à la fin de la Transition
organisée par la Constitution de la Transition du 04 avril 2003,
prorogée deux fois sur décision conjointe de l'Assemblée
nationale et du Sénat.
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a constitué un recul par rapport à ce qui
était prévu sous l'empire de la loi du 20 décembre 1995.
D'autre part. « en lieu et place des organes exécutifs
composés de manière paritaire par les deux familles politique
reconnues constitutionnellement à l'époque , les autorités
locales sont à la fois les représentants du Gouvernement et les
seuls autorités locales qui décident sur toutes les
matières de la compétence des autorités qu'elles dirigent
»(68)
Pour ce qui est du contrôle des entités
administratives décentralisées. Celles-ci sont soumises à
un double contrôle administratif, à savoir : le contrôle de
tutelle et le contrôle hiérarchique.
Ce décret - loi n° 081 du 02 juillet 1998,
modifié et complété successivement par le décret -
loi n° 018/2001 du 28 septembre 2001 et la loi n° 04/008 du 19 mai
2004, s'est appliqué jusqu' à la fin de la transition
sanctionnée par la tenue des élections qui ont permis
l'installation des institutions politiques actuelles.
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