2. Les modes extraordinaires de gestion des crédits
de TVA
L'imputation reste le mode de droit commun dans la gestion des
crédits de TVA. L'assujetti y a recours nonobstant le montant de son
crédit. Et c'est ici tout le problème : le crédit peut
être très important voire permanent, tant et si bien que son
épongeage par voie d'imputation relève de la chimère. Une
autre démarche s'impose donc.
Les modes extraordinaires de résorption des
crédits de TVA s'inscrivent dans cette logique. Les crédits
constituent de fait une entorse à la neutralité économique
de l'imposition. Or l'attrait d'une taxe sur la valeur ajoutée tient
précisément à la compatibilité de cet impôt
avec les affaires qu'en principe elle n'influence pas. Aussi, faisons-nous de
la recherche absolue de la neutralité, le fondement même des modes
exceptionnels de gestions des crédits de TVA. Ceux-ci sont
constitués par la compensation et le remboursement.
2.1 La compensation des crédits de TVA
L'attrait du mode compensatoire pour l'Etat est
évident. Celui-ci parvient, sans décaissement de sommes d'argent,
à éponger le crédit de l'assujetti. Un stratagème
semblable était déjà à l'oeuvre dans le report de
crédit.
36 Compensation opérant toutefois dans le seul
cadre de la taxe sur la valeur ajoutée.
49
Il faut néanmoins dire que la compensation n'est
guère propre au droit fiscal. Elle est particulièrement
usitée en droit civil où elle opère comme technique
d'extinction des obligations. Mais l'Etat a-t-il à proprement parler des
obligations envers les particuliers ? Cette supériorité de la
puissance publique, garante de l'intérêt général,
rejaillit certainement sur le mode compensatoire, lui imposant une certaine
physionomie. Nous nous en rendrons compte à l'examen des conditions et
des incidences de cette autre modalité du droit à
déduction.
2.1.1 Les conditions de la compensation
La compensation aboutit à l'émission de
chèques spéciaux du trésor valables pour le paiement
d'impôts de même nature que la T.V.A. ainsi que les droits de
douane. Le recours à cette technique est cependant soumis à des
conditions de fond, et de forme.
? Les conditions de fond
Les conditions de fond de la compensation tiennent d'une part
aux personnes éligibles, à leur situation fiscale d'autre
part.
- Les personnes éligibles
Modalité d'exercice du droit à déduction,
la compensation est en principe ouverte à tous les redevables jouissant
de ce droit. Il en résulte finalement que seuls les redevables au
régime du réel peuvent avoir recours à ce mode. Mais ils
devront pour cela apporter la preuve de leur situation fiscale.
- La situation fiscale de l'assujetti
Ouvert uniquement aux redevables relevant du régime du
réel, le recours à la technique compensatoire est cependant
l'objet de conditions discriminantes. Il apparaît donc que de tels
contribuables doivent justifier d'une activité ininterrompue depuis plus
de deux ans et ne faire l'objet d'aucune vérification partielle ou
générale de comptabilité. Ils ne doivent par ailleurs pas
être débiteurs des impôts et taxes de quelque nature qu'ils
soient.
Qu'il s'agisse des impôts locaux ou nationaux, des taxes
classiques voire
parafiscales, des impôts sur le revenu ou sur la
dépense. Drôle de compensation, opérant uniquement pour
l'avenir. Preuve s'il en était besoin
50
des prérogatives exorbitantes de droit commun reconnues
à l'Etat, lequel par ailleurs soumet lesdits redevables à de
drastiques conditions de forme.
? Les conditions de forme
La compensation est demandée, tous les trois mois, par
le redevable qui entend recourir à ce mode extraordinaire de gestion des
crédits de TVA. Dans les faits, le contribuable fera figurer le montant
du crédit à compenser. Puis il remplira un formulaire
conçu à cet effet et disponible dans les centres des
Impôts. Les documents sont ensuite adressés à la direction
des impôts. A l'appui de la demande sont jointes les pièces
justificatives de la situation fiscale de l'assujetti. A défaut d'un tel
document, le redevable créditeur doit, préparer et mettre
à la disposition de l'administration fiscale toutes les pièces
comptables établissant le crédit. La complétude du dossier
permet de passer à l'examen du bien-fondé de la demande de
l'assujetti. Il se pourrait que celle-ci soit rejetée, ce qui n'est pas
sans incidences sur le crédit compensable.
2.1.2 Les incidences de la compensation
Les incidences de la compensation sont perceptibles en amont
et en aval de la procédure.
? Les incidences en amont de la
procédure
Nous nous situons à l'introduction de la demande de
compensation. Cet acte n'est pas sans conséquences sur la situation de
l'assujetti. Celui-ci est de fait invité à réduire voire
annuler son crédit de TVA d'un montant équivalent. Par ailleurs,
le crédit dont la compensation est demandée ne peut plus donner
lieu à imputation ni remboursement. Pour exemple, le compte 44 permet de
suivre les mouvements de TVA de l'assujetti. Ce compte se subdivise
naturellement en sous-comptes destinés entre autres à
matérialiser la TVA déductible du redevable ainsi que ses
demandes de compensation de taxe.
Quand celles-ci ont lieu, le montant demandé doit
être soustrait de la TVA déductible. L'on devra donc
débiter le sous-compte Etat compensation de crédit de TVA
demandée par le crédit du sous-compte Etat T.V.A.
déductible. Ce travail est fait en attendant l'issue de la
procédure.
51
? Les incidences en aval de la
procédure
Les incidences en aval de la procédure sont positives
ou négatives, selon que l'issue de la demande est ou non favorable.
L'issue favorable de la demande de compensation de l'assujetti
est acceptée lorsque, sur autorisation expresse du Directeur des
Impôts, un ou plusieurs chèques spéciaux du Trésor
sont émis par le Directeur du Trésor. Ceux-ci serviront, à
due concurrence, au paiement des droits et taxes futurs de même nature
que la TVA, ainsi que les droits de douanes. L'acceptation de la compensation
demandée aboutit donc à l'émission de chèques
spéciaux du Trésor. Ceux-ci doivent être portés au
débit d'un compte de trésorerie. Mais le contribuable aura au
préalable crédité le sous-compte 44. Les chèques
spéciaux du Trésor serviront au règlement des droits
indirects dont la TVA, ainsi que les droits de douanes. Au fur et à
mesure des transactions, l'assujetti devra tout simplement créditer le
compte 52, soit par le crédit du sous-compte 44 Etat TVA à
décaisser, soit par le débit du compte 66 Impôts et
taxes.
Malheureusement, la demande de compensation peut être
rejetée. Ce
rejet de la demande de compensation peut être total ou
partiel. L'assujetti en sera aussitôt notifié pour paiement de la
taxe correspondante.
A tous points de vue donc, la compensation apparaît
comme un mode extraordinaire de gestion des crédits de T.V.A. Elle est
notamment marquée par les prérogatives exorbitantes de la
puissance publique, ce qui la différencie du remboursement.
|