Section 2 : Modes de gestion des crédits de
TVA
A l'origine, l'assujetti en situation de crédit ne
pouvait prétendre à un remboursement de ses crédits :
c'est ce qu'en France on appelait le "butoir physique30", lequel
sera remplacé en 1972 par le "butoir financier31" : Le
redevable peut désormais prétendre à un épongeage
de l'excédent de son impôt déductible. Mais en raison de
certaines limitations32, ce n'est qu'en 1988 que disparaîtra
en Hexagone toute trace de butoir. Dorénavant, la TVA suivrait le
"schéma Imputation - Compensation - Remboursement. Autrement dit, le
redevable qui présente des crédits doit premièrement les
reporter sur ses déclarations ultérieures, le mode ordinaire ;
dans certains cas cependant, il lui est tout simplement permis de demander une
compensation voire un remboursement desdits crédits, et ce sont les
modes extraordinaires.
28 En matière de T.V.A., un principe
général veut qu'il soit impossible de déduire la taxe
ayant grevé l'acquisition d'un bien ou d'un service
exonérés. Cette interdiction s'étend d'ailleurs à
l'impôt supporté sur les intrants desdits bien ou service
29 En matière de T.V.A., certaines
dépenses n'ouvrent généralement pas droit à
déduction. Il s'agit des dépenses relatives aux véhicules
de tourisme et plus généralement des dépenses
présentant un fort caractère personnel : hébergement,
restauration, déplacement...
30 Egret (G), op. cit.
31 Egret (G), ibid.
32 Crédits de référence, blocage
partiel. Voir Egret (G), ibid.
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1. Le mode ordinaire : le report de crédit
Le report de crédit s'impose comme option
première au redevable en situation de crédit. Ce dernier doit
transférer, afin d'imputation, l'excédent de la taxe
déductible d'une période donnée sur les
déclarations des périodes suivantes. Cette disposition se
retrouve dans d'autres domaines de la fiscalité et trouve un écho
favorable du côté de la pratique administrative.
A travers le report de crédit, les caisses de l'Etat
sont effectivement protégées. Sans bourse délier, la
puissance publique parvient à éponger les crédits des
redevables. C'est là un avantage indéniable de trésorerie,
du reste renforcé par l'économie des frais de perception et de
restitution réalisée à l'occasion : un formulaire unique
permet de liquider l'impôt tout en faisant ressortir le crédit de
l'assujetti.
Voilà qui invite à une analyse approfondie de ce
mode de gestion des crédits de TVA, de son étendue, mais aussi de
sa technique.
1.1 L'étendue du report de crédit
La connaissance scientifique définit son domaine.
Au-delà de celui-ci
elle n'est plus possible et devient métaphysique. Quel
est le champ du report de crédit ? Est-il ouvert à tous les
redevables ? Selon quelle permanence ?
Cette triple interrogation nous conduit à examiner
l'étendue ratione personae et ratione temporis de ce mode de gestion des
crédits de TVA.
1.1.1 L'étendue ratione personae du report de
crédit
Modalité d'exercice du droit à déduction,
le report de crédit n'existe que pour les redevables en mesure de
déduire la taxe. En revanche, une telle possibilité n'existe pas
pour les assujettis exonérés voire interdits du droit à
déduction. Ces derniers ne sont pas, d'un strict point de vue
légal, en situation créditrice nécessitant des mesures
spéciales d'épongeage. S'agissant de ceux-ci, il conviendrait de
parler de rémanence de taxe. Une énumération exhaustive de
ceux-ci est disponible dans le Code Général des Impôt. De
la combinaison de ces deux textes, il appert que seuls les assujettis au
régime du réel et ceux au régime simplifié peuvent
procéder à un report de leurs crédits.
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? Les assujettis au régime du réel
normal
Le régime du réel est celui des assujettis
tenant une comptabilité complète et régulière,
selon les normes du plan comptable en vigueur. Il concerne, sans
considération :
- les personnes morales ;
- les marchands de biens et les lotisseurs ;
- les exploitants individuels réalisant un chiffre
d'affaires supérieur à :
o 150 millions pour les ventes de
marchandises, fournitures et denrées à consommer sur place ou
à emporter, fournitures de logements.
o 75 millions de francs pour les
prestataires de services.
? Les assujettis au régime simplifié (CGI,
Art 45 et ss)
Le régime du Réel Simplifié en
matière de TVA est institué par l'article 45 de l'annexe fiscale
à la loi de finances pour 1994. Ce régime s'impose de plein droit
à tous les assujettis exclus du régime de l'Impôt
Synthétique. Ce régime est également accessible par voie
d'option.
Relèvent du Réel Simplifié, les
exploitants réalisant un chiffre d'affaires TTC compris entre (Budget
2000, Annx Fisc, Art 18) :
o 50 et 150 millions lorsque le commerce
principal est de vendre des marchandises, fournitures et denrées ou
fournitures des logements. Précédemment les seuils étaient
entre 30 et 100 millions de francs ;
o 25 et 75 millions lorsqu'il s'agit de
prestations de services.
Ainsi que les entreprises ne se situant pas dans ces deux
régimes cités ci-dessus, mais ayant optés pour leur
assujettissement à la TVA. Ces redevables, à l'instar de ceux
ressortissant au régime du réel et des optionnaires, peuvent
reporter l'excédent déductible de la taxe d'amont. Ce report
semble illimité.
1.1.2 L'étendue ratione temporis du report de
crédit
Le report de crédit est certes temporellement
illimité. Cependant, l'assujetti qui y a recours doit au
préalable avoir exercé son droit à déduction.
47
? L'exercice préalable du droit à
déduction
Les redevables doivent obligatoirement mentionner le montant
de la taxe déductible sur les déclarations qu'ils déposent
pour le paiement de la TVA. Cette mention reste possible jusqu'à la fin
du deuxième exercice fiscal qui suit celui au cours duquel l'impôt
est devenu exigible. A titre d'illustration, pour une déduction qui
aurait dû être portée sur la déclaration des
opérations de novembre 2015, le délai de réparation de
l'omission expirera le 30 juin 2016. Passé cette date, le droit à
déduction est définitivement perdu.
Il convient cependant de préciser que le montant de
taxe reporté est identique à celui omis : il est calculé
selon les règles en vigueur à la date à laquelle le droit
à déduction a pris naissance33. Une fois cette
formalité obligatoire accomplie, le crédit d'impôt est
reportable, sans limitation de délai.
? Le caractère temporellement illimité du
report de crédit
Aux termes de l'article 362 et ss portant
règle de déduction de la TVA, les crédits d'impôts
générés par le mécanisme de déduction sont
reportables sur les déclarations des périodes ultérieures
sans limitation de délai. Il suit de cette disposition que le report de
crédit ne connaît aucune limite de temps34. Les
assujettis peuvent donc y recourir tant que les crédits dont ils se
prévalent ne sont pas entièrement résorbés. Cette
possibilité de report indéfini est exceptionnelle en droit fiscal
; en dehors de la TVA, elle n'existe guère qu'à l'égard
des amortissements réputés différés en
période déficitaire35.
Au total, le report de crédit est ouvert à tous
les assujettis jouissant du
droit à déduction. Il est illimité dans
le temps, cependant sa mise en oeuvre obéit à une certaine
technique.
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