Section 2 : INTERVENTION DE L'AUTORITE HIERARCHIQUE DU
MINISTERE PUBLIC POUR FAIRE CESSER LES ARRESTATIONS ET DETENTIONS ILLEGALES
PRATIQUEES PAR LES SUBALTERNES OU PAR LES PARTICULIERS
Pour les arrestations et détentions arbitraires
pratiquées par les simples particuliers, les APJ, les OPJ et les OMP,
les autorités hiérarchiques du ministère public peuvent
intervenir pour remettre les victimes en liberté, toutes les fois
qu'elles en ont eu connaissance (soit par plainte de la victime ou de son
conseil, par dénonciation d'un activiste de droit de l'homme ou de toute
personne intéressée ou par constat personnel, etc.).
En effet, les chefs d'office de parquets qui dirigent et
coordonnent l'action publique sont mieux placés pour une telle
intervention par le fait que, d'une part, le ministère est unique et
qu'il fortement hiérarchisé; et que d'autre part, celui-ci est
aussi chargé de maintenir l'ordre public.
En tant qu'un corps unique et fortement
hiérarchisé, tous les OMP sont tenus de faire de rapports
motivés (de MAP ou relaxation) à leur après interrogatoire
de l'inculpé. Les OPJ en font de même à l'OMP le plus
proche. Dans ces conditions, lorsque le chef d'office d'un parquet est
informé (par n'importe quelle voie) qu'un OMP ou un OPJ de son ressort a
arrêté ou détenu un individu illégalement, il a la
responsabilité d'intervenir et de faire cesser pareille situation. C'est
notamment pour cette raison que la loi prévoit l'inspection des Amigos
par le chef d'office des parquets ou par les Officiers du ministère
public. Les officiers du Ministère public procèdent
régulièrement et à tout moment à la visite des
locaux de garde à vue. Ils s'assurent de leur salubrité et des
conditions matérielles et morales des personnes qui y sont maintenues.
Ils se font communiquer les procès-verbaux établis à
l'encontre de ces personnes et recueillent leurs
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doléances éventuelles. Ils dressent
procès-verbal de toute contravention à la loi ou aux dispositions
de la présente ordonnance. Ils peuvent, lorsque la garde à vue
leur paraît injustifiée, ordonner que la personne gardée
à vue soit laissée libre de se retirer. Les officiers de police
judiciaire sont tenus d'obtempérer à leurs ordres et doivent
tenir constamment à leur disposition les procès-verbaux des
personnes gardées à vue12.
Par ailleurs dans son pouvoir de rétablir l'ordre
public, l'autorité du ministère public informée d'une
arrestation ou une détention illégale grossièrement
pratiquée par ses subalternes et surtout par les simples particuliers
peut directement procéder à l'arrestation et à la
poursuite de l'auteur ainsi qu'à faire libérer lui-même, la
victime de cette arrestation ou de cette détention illégale.
Dans la même logique, un inculpé en état
de détention préventive peut solliciter et obtenir du
ministère public la main levée de la détention ou la
liberté provisoire aussi longtemps que son dossier n'est pas encore
fixé devant la juridiction de jugement. A cet effet l'article 33 du code
de procédure pénale édicte que « aussi longtemps
qu'il n'a pas saisi la juridiction de jugement, l'Officier du Ministère
Public peut accorder à l'inculpé mainlevée de la
détention préventive et ordonner la restitution du cautionnement.
Il peut aussi lui accorder la mise en liberté provisoire, dans les
mêmes conditions et sous les mêmes modalités que le juge
peut lui-même le faire ». L'article 44 du même code
ajoute que « lorsque le Ministère public décide qu'il
n'y a pas lieu de poursuivre, il doit donner en même temps
mainlevée de la mise en détention préventive et,
éventuellement, ordonner la restitution du cautionnement ». Si
elles peuvent permettre à l'officier du ministère de mettre fin
à une détention arbitraire d'un inculpé, ces dispositions
sont pourtant critiquables.
En effet, les dispositions des articles 33 et 44 du code de
procédure pénale ci-haut citées, suscitent plusieurs
interrogations scientifiques:
Comment l'officier du ministère public peut-il lever la
détention préventive qu'il n'a pas décidée ? Pour
faire placer l'inculpé en cet état il a dû,
conformément aux articles 28 à 29 du
12 L'art. 80 L'ordonnance n° 78-289 du 3 juillet
1978 relative à l'exercice des attributions d'officier et agents de
police judiciaire près les juridictions de droit commun.
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même code, recourir au pouvoir du juge de
détention ; comment pour lever ou aménager cette détention
par la liberté provisoire, l'Officier du Ministère Public peut-il
y aller de sa seule autorité ? Ne serait-ce pas là une violation
de la logique juridique du parallélisme de forme et de compétence
?
Conformément à l'article 28 du code de
procédure pénale congolais, le ministère public ne place
un inculpé sous les liens d'un mandat d'amener que sous prétexte
qu'il y aurait une infraction et indices sérieux de culpabilité
qui justifie la détention préventive et à charge pour lui
de le faire conduire devant le juge compétent le plus proche, pour
statuer sur la détention préventive. N'y aurait-il pas
contradiction et violation de cette loi si le même officier du
ministère public se mettait à lever la détention avant de
saisir le juge même ? Dans la mesure où le ministère public
est partie procès de la détention et de liberté
provisoire, ce serait faire de lui, juge et partie en lui reconnaissant les
mêmes pouvoirs que le juge. Ce qui risque d'exposer l'inculpé
à l'arbitraire du ministère public qui pourrait arrêter et
détenir dans le seul but d'accorder par après, la main
levée de la détention ou la liberté provisoire moyennant
l'argent.
Ainsi pensons-nous, que pour des raisons de bonne justice et
de garantie du droit fondamental à ne pas être arrêté
et détenu arbitrairement, il faudrait que la législation à
venir ôte aux officiers du ministère public le pouvoir d'octroyer
aux inculpés la main levée de la détention et la
liberté provisoire. Ceux-ci doivent arrêter aux fins de conduire
les concernés devant le juge qui doit être seul compétent
pour apprécier l'opportunité d'accorder la remise en
liberté pure et simple, la main levée de la détention ou
la liberté provisoire. L'Officier du Ministère Public qui
reçoit les inculpés en état d'arrestation opérer
par ses subordonnés (APJ, OPJ) et qui estimerait que les conditions de
détention préventive ne sont pas réunies ou que
l'inculpé ne saurait fuir et entraver la bonne marche de la justice,
doit simplement le relaxer (ou le remettre en liberté). S'il
arrête l'inculpé, la saisine du juge détention devient
obligatoire. Et ce dernier doit rendre son pouvoir effectif et ne pas
être complaisant tant pour la remise en liberté pure et simple, la
main levée de la détention que pour la liberté
provisoire.
Enfin, l'article 33 du code de procédure pénale
qui accorde à l'officier du ministère public le pouvoir
d'accorder aux inculpés, la main levée de la détention
préventive et la liberté provisoire, soulève
également la question de savoir si cela est faisable à
l'égard des inculpés sous
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mandat d'arrêt provisoire (MAP) ? Nous pensons que
ceux-ci ne peuvent bénéficier ni de la main levée ni de la
liberté provisoire, puisque le mandat d'arrêt provisoire
n'opère pas techniquement parlant la détention préventive.
Celle-ci ne peut être ordonnée que le juge compétent. Il va
de soi qu'on ne peut pas lever une détention qui n'existe pas encore.
C'est la raison pourquoi, le législateur du code pénal, à
l'art 28 dernier alinéa du CPP, parle de la mise en liberté
lorsqu'il est question de mettre fin à l'arrestation d'un inculpé
sous mandat d'arrêt provisoire qui a expiré, et non de la main
levée de la détention préventive parce que celle-ci
n'existe pas encore.
De même qu'à l'article 32 du CPP, lorsqu'il est
question pour le juge d'accorder à un inculpé qui la sollicite,
la liberté provisoire, il est tenu de le placé d'abord en
état de détention préventive. Un inculpé en
liberté provisoire est technique en état détention
préventive laquelle peut être rendue effective à tout
moment si l'inculpé manque aux devoir qui lui sont imposés par le
juge. L'article 32 précité édicte bien que « tout
en autorisant la mise en état de détention préventive ou
en la prorogeant, le juge peut, si l'inculpé le demande, ordonner qu'il
sera néanmoins mis en liberté provisoire ...».
Par ailleurs, lorsqu'après avoir placé un
inculpé en détention préventive et
qu'ultérieurement (lors de la demande de prolongation), le juge se rend
compte que les conditions de mise en état de détention
préventive n'existent pas ou n'existent plus, dans ce cas seulement, le
juge peut ordonner la main levée de la détention
préventive précédemment décidée.
C'est à tort et en violation de la loi que les
officiers du ministère public (et certains Officiers de la police
judiciaire) discutent et accordent la liberté provisoire aux
inculpés qui sont simplement en état d'arrestation avec devoir de
les faire placés en détention préventive par ordonnance du
juge compétent.
Il ressort de ce qui vient d'être dit que les pouvoirs
du ministère public d'accorder main levée des détentions
préventives et les libertés provisoires ne peuvent s'exercer que
lorsque les inculpés ont été déjà
placés en état de détention préventive par le juge
compétent. La législation avenir devrait tout simplement abroger
pareille disposition pour reconnaître ces pouvoirs aux seuls juges de
détention préventive, parce que l'exercice de ce pouvoir par les
OMP peut donner
13 ANTOINE RUBBENS, Le Droit judiciaire
congolais : l'instruction criminelle et la procédure pénale,
Kin, PUC, 2010, p. 72.
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lieu à l'arbitraire et aux arrestations à but
lucratif ainsi qu'à la diminution du pouvoir du juge de
détention, comme on l'observe aujourd'hui.
Hormis les cas de main levée et de liberté
provisoire, nous pensons que l'intervention de l'officier du ministère
public pour faire relaxer les personnes arbitrairement arrêtées
par ses subalternes ou par les particuliers, est très nécessaire
et doit, pour l'avenir, être ériger en un droit pour les
victimes.
A l'état actuel de notre droit, cette intervention
n'est pas obligatoire pour l'officier du ministère public. En effet,
l'autorité hiérarchique du ministère public peut se
décider de ne pas intervenir en prétendant se remettre au
cheminement logique de la procédure pénale et cautionner ainsi
l'arrestation ou la détention opérée par son subalterne.
Aussi, cette autorité peut être éloignée du lieu de
l'arrestation ou de la détention à faire cesser. Enfin, aucune
disposition spécifique de la loi n'oblige cette autorité à
faire cette intervention en vue de faire cesser une arrestation ou
détention illégale actuelle. Il y a là une insuffisance
qui ne garantit pas aux victimes des arrestations et détentions
illégales, un recours sûr en vers l'autorité
hiérarchique du ministère public.
Ainsi suggérons-nous que la législation avenir
oblige chaque autorité du ministère public informée d'une
arrestation ou détention illégale opérée par un
subalterne ou par un particulier, de faire cesser rapidement pareille
situation.
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