Section II. De la compétence fiscale des
provinces en droit congolais
Le droit positif congolais entretient une
ambiguïté en matière de la compétence fiscale des
provinces étant donné que la conjugaison des certains articles de
la Constitution, en l'occurrence les articles 203 et 204, et des textes
législatifs tendent à reconnaitre d'une part la compétence
fiscale des provinces et d'autres part, ne reconnaissent pas aux provinces
cette dite compétence.
Ceci étant, dans cette section, nous traiterons deux
notions, l'une se penchera sur l'apparente consécration du pouvoir
fiscal des provinces en droit congolais (§1), et l'autre analysera un tant
soit peu la confusion qu'on peut faire entre la notion du pouvoir fiscal et de
la libre administration des provinces tels qu'arrêtés par le
Constituant et par le législateur (§2).
§1. De l'apparente consécration du pouvoir
fiscal des provinces
Certaines dispositions constitutionnelles semblent reconnaitre
aux provinces un pouvoir fiscal (A). Cela dit, il nous revient tout de
même d'interroger, dans certaines mesures, ce qui est prévu dans
d'autres instruments juridiques, tel est le cas de différentes lois y
relatives (B).
A. De l'imprécision constitutionnelle en
matière du pouvoir fiscal des provinces
Le Chapitre 2 du Titre III de la Constitution est
intitulé « Des Provinces ». L'article 201 Constitution indique
que la répartition des compétences entre le pouvoir central et
les provinces est fixée par la présente Constitution. Les
matières sont, soit de la compétence exclusive du pouvoir
central, soit de la compétence concurrente du pouvoir central et des
provinces (1), soit de la compétence exclusive des provinces (2).
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1. De la compétence concurrente en
matière de création de l'impôt
Marc Bourgeois et Maxime Uhoda écrit sur cette question
de l'article 203 point 7 de la Constitution du 18 février 2006 qui
dispose : « l'établissement des impôts, y compris les droits
d'accise et de consommation, à l'exclusion des impôts visés
à l'article 174 », est une compétence concurrente du Pouvoir
central et des Provinces. En effet, compte tenu de la clause d'exclusion
inscrite à l'article 203 point 7 précité, pareille
compréhension de l'article 174 selon laquelle seule la loi, votée
au Parlement et promulguée par le Président de la
république, pourrait établir l'impôt, aboutirait à
priver les Provinces de facto de toute autonomie fiscale
normative52.
Dans une interprétation plus restrictive et
équilibrée selon eux, l'expression « à l'exclusion
des impôts visés à l'article 174 » se limiterait
à confirmer le maintien dans le giron du Pouvoir central des
impôts sur le revenu et sur les sociétés, ainsi que des
impôts personnels, qui relèvent, conformément à
l'article 202 point 10 de la Constitution, de la compétence exclusive du
Pouvoir central. Par voie de conséquence, le terme « loi »,
tel qu'évoqué à l'article 174 de la Constitution,
fondement du principe de la légalité de l'impôt en droit
congolais, se verrait-il attribuer un sens générique
désignant à la fois les lois nationales et les édits ou
les lois provinciales, adoptés par les législateurs
provinciaux.
En outre, le premier alinéa de l'article 128 de la
Constitution dispose : « Les matières autres que celles qui sont du
domaine de la loi ont un caractère réglementaire ». De par
cette disposition, il est à retenir que le Constituant originaire
congolais a défini le domaine du règlement53
négativement ou par opposition au domaine de la loi.
Par conséquent, « aucun impôt ne peut
être établi par voie réglementaire sous peine de la
violation de la Constitution. De la même manière, il ne peut
être permis à l'administration fiscale d'étendre, par voie
d'interprétation, le champ d'application de l'impôt aux
matières non visées par la loi »54.
Le législateur provincial, d'après certains
auteurs à l'occurrence Clément Mufundji Tshinat-Karl, Marc
Bourgois et Maxime Uhada, disposerait d'un pouvoir fiscal sur base des
52 M. BOURGEOIS et M. UHODA, « La
décentralisation fiscale et financière en République
Démocratique du Congo : élément économique et
juridique », Op. Cit., P. 398.
53 Le règlement est l'ensemble de
décisions émanant du pouvoir exécutif et des
autorités administratives. Ils peuvent occuper des places diverses dans
la hiérarchie des normes selon leur nature mais aussi selon
l'autorité qui l'adopte voire T., FURAHA MWAGALWA, Notes de cours de
l'introduction générale à l'étude du Droit,
Faculté de Droit, Première année de Graduat, U.O.B.,
2016-2017, P. 31 ; G. CORNU, Introduction à l'étude du
Droit, Paris, P.U.F., P. 54.
54 J. MASTAKI, Op. Cit., P. 35.
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articles 203 point 7, 204 point 16 et 205 de la Constitution.
En fait, disons que, Clément Mufundji Tshinat-Karl ; Marc Bourgois et
Maxime Uhada enseignent que l'Assemblée provinciale a le pouvoir de
légiférer sur les matières de la compétence
exclusive du pouvoir provincial dans sa sphère de compétence
territoriale55. Toutefois, certains auteurs en l'occurrence
Jean-Marie F. Mboko Dj'andima et Simone Kanduki Zamby, pour ne citer que ces
deux, enseignent que les provinces ne disposent pas du pouvoir fiscal par voie
d'édit étant donné que seuls les députés
nationaux et les sénateurs représentent tous les peuples
Congolais et il revient à eux par ricochet d'établir des
impôts en vertu du principe de consentement de l'impôt tel que
prévu dans la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de
1789 et dans notre Constitution en son article 174 et 122 point 10.
Cela étant dit, nous retenons avec Jean-Marie F. Mboko
Dj'andima et Simone Kanduki Zamby que l'on ne peut pas faire une analogie entre
la loi telle que prescrite aux articles 174 et 122 de la Constitution et
l'édit provincial.
Au demeurant, il est de principe du droit selon lequel «
là où la loi veut, elle le dit, là où la loi ne
veut pas, elle se tait ». En fait, le constituant congolais fait une
marcation entre la loi et l'édit. C'est dans sens que Justin Mastaki
enseigne que les dispositions fiscales sont d'interprétations strictes
et par conséquent l'interprétation analogique n'est pas
démise.
2. De la compétence exclusive de provinces en
matière de création d'impôt
Au sujet de la compétence exclusive des provinces,
Clément Mufundji Tshinat-Karl souligne sans ambages sur la question de
l'article 204 point 16 de la Constitution qui dispose : « les
impôts, taxes, droits provinciaux et locaux notamment l'impôt
foncier, l'impôt sur les revenus locatifs et l'impôt sur les
véhicules automoteurs ».
Selon son interprétation de cette disposition
constitutionnelle, la province, dans son domaine exclusif, peut créer
tout un arsenal d'impôts, taxes et droits en dehors de ceux qui ont
été énumérés expressément, à
la seule condition que la matière imposable se retrouve dans le domaine
de compétence exclusive de la province.
C'est finalement par un édit56 que la
province peut établir, selon l'article 122 point 10 de la
Constitution57, l'assiette, le taux et les modalités de
recouvrement des impositions de toute nature.
55 Lire l'article 205 de la Constitution, Op.
Cit.
56 En fait, T. MALONGO MUHINDO enseigne que
l'édit est une loi de portée provinciale.
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