![]() |
De la portée du pouvoir fiscal des provinces en RDC. Etude à la lumière de la province du sud-Kivu.par CITERA Christian Université officielle de Bukavu - Licence en droit 2019 |
§2. De la mise en oeuvre du pouvoir fiscal en matière de fixation de taux et de recouvrement des impôtsDans ce paragraphe, nous allons analyser en premier lieu la mise en oeuvre du régime applicable en matière de fixation de taux des impôts (A), et, en second lieu la mise en oeuvre du régime applicable en matière de recouvrement des impôts (B). A. De la mise en oeuvre du régime applicable en matière de fixation de taux des impôtsLa Constitution en son article 122 point 10 et la loi relative aux finances publiques prescrivent que les Assemblées provinciales et les organes délibérants des ETD n'ont aucune compétence en matière fiscale. Cela étant, conformément à la loi sur les finances publiques, la loi peut habiliter les Assemblées provinciales à fixer le taux de certains impôts, taxes et droits provinciaux. Nonobstant les prescrits des dispositions de cette loi, la province du Sud-Kivu a mis sur pied l'Arrêté n°12/002/GP/SK du 08 janvier 2018 portant fixation de l'assiette des impôts, droits, taxes et redevances à percevoir par l'entité province du Sud-Kivu et leurs taux applicables au cours de l'exercice budgétaire 2018 sans une loi d'habilitation. Au vu de ce qui suit, nous examinerons le régime juridique de l'Arrêté n°12/002/GP/SK du 08 janvier 2018 (1), avant d'analyser son fondement et sa validité en droit (b). 1. Du champ d'application de l'Arrêté n°12/002/GP/SK du 08/01/2018 L'article 1er de l'Arrêté n°12/002/GP/SK du 08 janvier 2018 dispose que l'assiette des impôts, taxes, droits et redevances provinciaux ainsi que leurs taux applicables pour l'exercice budgétaire 2018 sont fixés conformément à la nomenclature annexée au présent Arrêté. En son article 7, le même texte prévoit en outre que les personnes physiques ou personnes morales redevables de l'impôt sur revenu locatif retenu à la source, sont tenues, selon le contenu du contrat de souscrire à une déclaration auto-liquidative correspondant à 20% du loyer payer à la DPMER. 29 | P a g e Pourtant, l'Ordonnance-loi de 1969 relative à l'impôt cédulaire sur le revenu82 en son article 11 fixe le taux de l'impôt sur le revenu de la location des bâtiments et terrains et les profits de sous location à hauteur de 22%. Cela étant, l'article 7 de l'Arrêté sous examen a modifié les dispositions de l'article 11 de l'Ordonnance-loi de 1969 a quo du 22% à 20%. 2. Du fondement et validité de l'Arrêté n°12/002/GP/SK du 08/01/2018 Dans ce point, nous allons analyser d'abord le fondement de l'Arrêté n°12/002/GP/SK/ du 08 janvier 2018 (a) et ensuite la validité du même Arrêté (b).
L'article 122 point 10 de la Constitution et l'article 9 de la loi relative aux finances publiques disposent que l'impôt est du domaine de la loi et que cette dernière doit déterminer le taux des impôts83. Eu égard de ce qui précède, Jean-Marie F. Mboko Dj'ndima fait remarquer que : « (...) l'impôt, taxe, droit étant du domaine de la loi, cette dernière fixe conformément à l'article 122 point 10 de la Constitution l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature »84. 82Ordonnance-loi n°004/2012 du 21 Septembre 2012 modifiant et complétant certaines dispositions de l'Ordonnance-loi n°69/009 du 10 février 1969 relative aux impôts cédulaires sur les revenus, disponible sur https://www.droitcongolais.infos/files/621.09/12-Ordonnance-loi-du-21-septembre-2012_impots-cedulaire-sur-les-revenus_modifications.pdf&sa=U&ved&=2ahUKEwjPoLSVp8bjAhULI1AKHctAuQFJAFegQIBRRA&usg=AOv Van3mg95ITNDMJOAn40hGoy0U. 83 J.-M. F. MBOKO DJ'NDIMA, Op. Cit., P. 5. 84 Idem. 30 | P a g e A ce sujet, paraphrasant les arguments agencés par Simone Kanduki Zamby révèle que conformément à l'article 4 de l'Ordonnance-loi n°13/001 du 23 Février 2013 fixant la nomenclature des impôts, droits, taxes et redevance des provinces et des ETD ainsi leurs modalités de répartition, disposait que les lois des finances de l'année ou rectificatives peuvent habiliter les Assemblées provinciales et les organes délibérants des ETD à fixer par édit budgétaire ou par décision budgétaire le taux de certains impôts, taxes et droit provinciaux et locaux85. Cela étant, les impôts cédés aux provinces conformément à l'article 204 point 16 de la Constitution en vigueur ont été institués par l'Ordonnance-loi n°69-006 du 10 février 1969 relative aux impôts réels86 et par l'Ordonnance-loi n°69-009 du 10 février 1969 relative aux impôts cédulaire sur les revenus87. A cet effet, il se dégage que le législateur en établissant ces impôts, il avait aussi fixé leurs régimes juridiques. Autrement dit, le législateur avait établi leurs assiettes et leurs taux, etc. Toutefois, le gouvernement provincial du Sud-Kivu avait pris l'Arrêté n°12/002/GP/SK du 08/01/2018 portant fixation de l'assiette des impôts, droits, taxes et redevances à percevoir par l'entité province du Sud-Kivu et leurs taux applicables au cours de l'exercice budgétaire 2018 sans qu'il n'y ait pas une loi sur les finances publiques qui l'habilite à cette prérogative conformément à l'Ordonnance-loi de 2013 sous examen88. Outre ce principe, disons tout de même que l'Ordonnance-loi n°18/004 du 23 mars 2018 fixant la nomenclature des impôts, taxes, droits et redevance de la province et des ETD ainsi que leurs modalités de répartition, en son article 2, confère aux gouvernements provinciaux la compétence de fixer le taux d'impôts, taxes, droits et redevances provinciaux. 85 S. KANDUKI ZAMBY, « La décentralisation fiscale en R.D.C. : Un modèle à réinventer et un cadre juridique repense », Op. Cit. 86 Ces impôts réels sont à retrouver dans l'Ordonnance-loi n°69-006 du 10 février 1969, In Code Larcier de la R.D.C., Tome V Droit Fiscal, Bruxelles, Afrique édition, 2003, p. 66 à 85. 87 Il est à noter que parmi les impôts cédulaires sur les revenus, seul l'impôt sur le revenu locatif qui a été cédé aux provinces conformément à l'article 204 point de la Constitution. Cet impôt est à retrouver, in Code Larcier de la R.D.C, Tome V Droit fiscal, Bruxelles, Afrique édition, 2003, p. 29 à 61. 88Notons que l'article 4 de l'Ordonnance-loi n°13/001 du 23 février 2013 fixant la nomenclature des impôts, droits, taxes et redevance des provinces et des ETD ainsi leurs modalités de répartition prévoyait que les lois de finances peuvent habiliter les Assemblées provinciales dans le cadre d'édit budgétaire à fixer le taux ou/ et les modalités de recouvrement de certains impôts, taxes et droits provinciaux. Aux termes de cet article « Toutefois, les lois de finances peuvent décider de déléguer aux Assemblées Provinciales et organes délibérants des ETD, le pouvoir de fixer le taux ou les modalités de recouvrement des certains impôts, taxes et droits provinciaux et locaux ». 31 | P a g e En faisant l'exégèse de l'alinéa 5 de l'article 9 de loi sur les finances publiques, il s'ensuit que la loi peut habiliter les Assemblées provinciales à fixer le taux et les modalités de recouvrement de certains impôts, taxes et droits provinciaux et locaux. Or, peut-on dire que l'Ordonnance-loi n°18/004 du 13 mars 2018 précitée qui confère en son article 2 à cet égard aux provinces la compétence de fixer le taux d'impôts, taxes et droits provinciaux se substitue-t-elle à la loi dont parle le législateur pouvant habiliter les provinces à fixer le taux d'impôts, taxes, droits provinciaux conformément aux prescrits de l'article 9 de LOFIP de 2011 ? Pour répondre à cette question, deux approches méritent d'être signalée : D'abord, selon l'esprit de l'alinéa 5 de l'article 9 de la loi sur les finances publiques de 2011 qui dispose que la loi peut habiliter les provinces et les ETD à fixer le taux de certains impôts, taxes et droits provinciaux et locaux. C'est ainsi que l'Ordonnance-loi de 2018 précitée, dans son exposé de motif en s'appuyant notamment sur la LOFIP de 2011, prévoit en son article 2 que les taux des impôts provinciaux d'intérêt commun ; taxes, droits et redevances sont fixés par le gouvernement provincial. En effet, en se fondant de ce qui précède, le gouvernement provincial du Sud-Kivu a pris en 2019 l'Arrêté89 fixant les taux des droits, taxes et redevances à percevoir à l'initiative du ministère provincial des finances, du plan, des investissements provinciaux, de l'économie, de l'industrie, du commerce, de petites et moyennes entreprises en province du Sud-Kivu. Ensuite, au sujet de la nature juridique des décisions des justices étrangères en droit congolais, Aristide Kahindo Nguru enseigne que les décisions des justices étrangères sont en RDC considérées comme « de principes généraux de droit »90. Ainsi, selon le principe général de droit issue de l'affaire de blocage de prix sur le revenu où il a été jugé que lorsque le législateur abandonne ou délègue une partie de sa compétence constitutionnelle au pouvoir règlementaire, on se trouverait à cet égard en présence d'une incompétence négative assimilée à une violation de la Constitution91. En fait, sur pied de cette affaire sous examen, nous pouvons dire que le fait que l'Ordonnance-loi de 2018 précitée confère en son article 2 aux pouvoirs règlementaires la compétence de fixer le taux de certains impôts, taxes, droits et redevances provinciaux, est une 89 L'Arrêté Ministériel n°02/019/GP/CAB/MIN/FIN/PLAN/INVEST/ECON/INDUST/CCE/PME/2019 du 09/01 2019 fixant les taux des droits, taxes et redevances à percevoir à l'initiative du ministère provincial des finances, du plan, des investissements provinciaux, de l'économie, de l'industrie, du commerce, des petites et moyennes entreprises en province du Sud-Kivu. 90 A. KAHINDO NGURU, Notes de cours de droit international privé congolais, Faculté de Droit, Deuxième année de Licence, U.O.B., 2018-2019, Inédit. 91 L. FAVOREU et L. PHILIP, Op. Cit., p. 343. 32 | P a g e violation tant de la Constitution notamment : l'article 122 point 10 que de la loi sur les finances publiques à l'occurrence l'article 9. Au demeurant, s'agissant de la valeur juridique de principes généraux de droit, René Chapuis écrit à ce sujet que les principes généraux du droit ont la valeur infra législative. |
|