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De la portée du pouvoir fiscal des provinces en RDC. Etude à la lumière de la province du sud-Kivu.par CITERA Christian Université officielle de Bukavu - Licence en droit 2019 |
B. Fondement et validité de l'Arrêté établissant la taxe sur les passagersAu cours de ce point, nous ferons allusion au fondement de l'Arrêté créant la taxe sur les passagers (1) et à la validité de cet Arrêté en Droit (2). 1. Fondement de l'Arrêté instituant la taxe sur les passagers Le gros de cette partie va s'articuler autour de deux points à savoir sur la légalité de la création de la taxe par la province (a) et, par la suite, sur l'illégalité de cette taxe (b). a. De la légalité de la création de la taxe par la province L'article 47 de la loi sur la libre administration des provinces dispose sans équivoque que toute norme fiscale provinciale doit être établie conformément à la législation provinciale73. Autrement dit, une norme fiscale provinciale est établie par voie d'édit et non par la loi nationale74. C'est pourquoi, en son article 204 point 16, le Constituant limite les matières qui sont de la compétence exclusive des provinces, notamment l'impôt foncier, l'impôt sur les revenus locatifs et l'impôt sur les véhicules automoteurs. Dans cette disposition, le constituant originaire 69 Les commentaires de cet Arrêté sont à retrouver sur https://www.laprunellerdc.info/2018/10/24/taxe-sur-passager-au-su-kivu-nyamugabo-ne-desarme-pas. 70 Ibidem. 71 B-P. ZIRIMWAGABO MIGABO et Ch. BYAOMBE MALUMALU, « Inconstitutionnalité et illégalité de la taxe sur la reconstruction de la province du Sud-Kivu », Op. Cit. 72 Idem. 73 L'article 47 de la loi n°13/008 du 22 janvier 2013 modifiant et complétant la loi n°08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces dispose : « l'impôt est établi conformément à la législation provinciale », Disponible https://www.leganet.cd. 74 C. MUFUNDJI TSHINAT-KARL, « Décentralisation : problématique de la conformité à la constitution à la loi sur la libre administration des provinces : Etat et niveau d'application », In Librairie d'Etudes Juridiques africaines, Volume 8, Novembre, 2011, P. 23. 26 | P a g e congolais utilise l'adverbe notamment, en fait, selon le dictionnaire Larousse, cet adverbe signifie : « spécialement, entre autre »75. A ce propos, Clément Mufundji Tshinat-Karl écrit que : « (...) selon cette disposition constitutionnelle, la province, dans son domaine exclusif, peut créer tout un arsenal d'impôts et taxes en dehors de ceux qui ont été énumérés expressément par le constituant, à la seule condition que la matière imposable se retrouve dans le domaine de compétence exclusive de la province »76. Paraphrasant les idées agencées dans le rapport Action contre l'Impunité pour les Droits Humains sur les Revenus des taxes provinciales du secteur minier, « AIDHR » en sigle, ceci renseigne qu'en outre les impôts et les taxes spécifiques à chaque province sont prélevés sur les matières locales non imposées par le pouvoir central. b. De l'illégalité de la taxe sur les passagers Il ressort de ces dispositions de l'article 122 point 10 et de la 174 de la Constitution sous examen que l'établissement des impositions de toute nature relève de la compétence exclusive du Parlement national. L'article 2 de la Loi n° 04/ 015 du 16 juillet 2004 fixant la nomenclature des actes générateurs de recettes administratives, judiciaires, domaniales et de participations ainsi que leurs modalités de perception renchérit qu'« il ne peut être institué d'autres actes générateurs des recettes administratives, judiciaires, domaniales et de participation qu'en vertu d'une loi »77. Au demeurant, la loi relative aux finances publiques précitée ajoute que les organes délibérants des provinces et des ETD ne peuvent créer ni impôts, ni taxes, ni droits. 75 Lire le dictionnaire de poche Larousse de 2010, p. 287. 76 C. MUFUNDJI TSHINAT-KARL, « Décentralisation : problématique de la conformité à la constitution à la loi sur la libre administration des provinces : Etat et niveau d'application », Op. Cit., P. 23. 77 L'article 2 de la Loi n°04/015 du 16 juillet 2004 fixant la nomenclature des actes générateurs de recettes administratives, judiciaire, domaniales et de participation ainsi que leurs modalités de perception, In Journal Officiel. Dans le même ordre d'idée l'article 2 du Décret-loi n°089 du 10 Juillet 1998 portant fixation la nouvelle nomenclature des taxes autorisées aux entités administratives décentralisées, des recettes administratives d'intérêt commun et des recettes fiscales cédées par l'État aux entités disposait : « Les entités administratives décentralisées ne peuvent créer des taxes autres que celles reprises dans la présente nomenclature qui est limitative », In Code larcier de la R.D.C., Bruxelles, Africaédition, 2003, P. 178. 27 | P a g e Abondant dans le même sens, Simone Kanduki Zamby écrit à ce sujet tout en se ralliant au propos de Jean-Marie F. Mboko Dj'andima que « (...) les Assemblées provinciales et les organes délibérants des ETD n'ont pas de compétences en matière fiscale »78. En fait, aucune disposition de la loi sur les finances publique ne dispose que les provinces peuvent établir d'impôts ou taxes. Paraphrasant les idées agencées par Blaise-Pascal Zirimwabagabo Migabo et Christian Byaombe Malumalu que la taxe sur les passagers ainsi que sa perception sont illégales79. Eu égard de ce qui précède, il s'avère impérieux de nous poser la question de savoir le sort réservé aux contribuables face aux textes élaborés en province en violation de la Constitution ? La réponse à cette question est donnée tant par la Charte Africaine des droits de l'homme et des peuples de 1981 que par la Constitution congolaise. Certes, disons que, l'impôt ou taxe porte atteinte au droit garanti par la Charte africaine des droits d'homme et des peuples de 1981. Toutefois, la même Charte reconnait que cette atteinte est légitime que pour la nécessité publique ou dans l'intérêt général80. Mieux encore, l'article 29 de la même Charte précise que tout individu a le droit de s'acquitter des contributions fixées par la loi pour la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la société. C'est pourquoi, la Constitution de la RDC confère exclusivement au Parlement la compétence fiscale tant en matière de création d'impôt ainsi qu'en matière de fixation des taux des impôts nationaux, provinciaux voire locaux. En fait, en ce qui concerne le sort des textes provinciaux en matière fiscale en violation de la Constitution, il est à noter que l'article 162 de la Constitution, accorde à toute personne le pouvoir de saisir la Cour constitutionnelle pour l'inconstitutionnalité de tout texte législatif ou réglementaire. De même, l'article 205 du même texte dispose que tout édit incompatible avec les lois nationales est nul et abrogé de plein droit. En outre, la personne lésée par le texte fiscal voté au niveau provincial, c'est-à-dire le contribuable, peut saisir les juridictions administratives par 78 S. KANDUKI ZAMBY, S. KANDUKI ZAMBY, « La décentralisation fiscale en République Démocratique du Congo : expérience du Haut-Katanga», disponible sur https://www.business-et-finances.com/decentralisation-fiscale-experience-du-haut-katanga, Consulté le 22 février 2019 vers 10 heures. Dans le même ordre d'idée Jean Marie. F. MBOKO DJ'ANDIMA écrit que les provinces ne disposent pas de pouvoir fiscal par voie d'Edit. J.-M. F. MBOKO DJ'ANDIMA, Op. Cit., P. 6. 79 B-P. ZIRIMWAGABO MIGABO et Ch. BYAMBE MALUMALU, « Inconstitutionnalité et illégalité de la taxe sur la reconstruction de la province du Sud-Kivu », Op. Cit. 80 L'article 14 de la Charte Africaine des droits de l'homme et du peuple de 1981 dispose : « le droit de propriété est garanti. Il ne peut y être porté atteinte que par nécessité publique ou dans l'intérêt général de la collectivité ». 81 C. DE LA MARDIERE, Recours pour excès de pouvoir et contentieux administratif de l'impôt », Paris, L.G.D.J., 2002, P. 32. 28 | P a g e un recours d'excès de pouvoir pour l'annulation d'un acte règlementaire ou d'une décision administrative pour des motifs d'illégalité81. |
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