SECTION 2: LE CHAMP D'APPLICATION DE LA MISE EN
DEMEURE
TENANT EN LA NATURE DU MOTIF DE LA RUPTURE
La mise en demeure va aussi trouver à s'appliquer selon
la nature de la raison entraînant la rupture. Cette réflexion est
d'autant vraie qu'il existe des motifs pour lesquelles la jurisprudence a
estimé qu'il ne sera plus possible de revenir au statu quo
antérieur. Ceci dit, la mise en demeure telle que prévu à
l'article 133 de l'AUDCG est une formalité indispensable à toute
procédure emportant rupture du bail. Mais une interrogation perdure :
l'exigence de la mise en demeure est-elle absolue ? Loin de croire que oui, il
est établi dans certaines circonstances précises que cette
mention peut être dispensée. Ainsi quoi que nécessaire pour
les manquements susceptibles de régularisation (paragraphe
1), la mise en demeure pour les manquements insusceptibles de
régularisation est exclue (paragraphe 2).
Paragraphe 1- La nécessité de la mise en
demeure pour les manquements susceptibles de
régularisation
Il s'agit par manquements susceptibles de
régularisation, des fautes commises par l'une des parties et qui peuvent
possiblement être réparées. On les appelle aussi « les
manquements simples ». Ces manquements sont aussi appelés
manquements « traditionnels » au rang desquels nous pouvons citer :
le non-paiement du loyer et des charges accessoires, la
déspécialisation, la cessation d'exploitation, le trouble de
jouissance48 etc... La mise en demeure doit toujours être
servie s'il est établi que l'exécution de la prestation requise
peut être ordonnée et accomplie par la partie défaillante.
Ainsi, la délivrance préalable de la mise en demeure est de ce
fait requise et il reviendra au juge d'apprécier son bien-fondé.
La partie mise en demeure dispose selon le cas d'un délai pour
s'acquitter de sa dette ou pour faire cesser le trouble. La
particularité de cette mise en demeure est qu'elle ne trouve mieux de
s'appliquer que lorsque la partie destinataire dispose des moyens pour
s'exécuter. Dans un Arrêt rendu par la Cour de Cassation le 23
novembre 2011, n°10-24180, elle énonce qu' « un
48 Cour d'appel de Bobo-Dioulasso, ch. Civ.,
Arrêt n°29/08 du 17 mars 2008, Aff. SANOU Issa c/ BARRY Omar,
Ohadata J-10-113.
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
bailleur qui refuse le renouvellement du bail à
raison de l'exploitation illégale du fonds, est tenu de délivrer
une mise en demeure au preneur, dès lors que celui-ci peut
régulariser sa situation selon différentes voies de droit
». Les faits de l'arrêt sont les suivants : M. X...,
propriétaire de locaux à usage commercial de bar, débit de
boissons, donnés à bail à M. Y..., lui a notifié,
par acte du 26 janvier 2007, un congé avec refus de renouvellement sans
offre d'indemnité d'éviction, au motif, notamment, que le preneur
poursuivait son activité alors qu'il se trouvait, par suite de
condamnations pénales prononcées contre lui, interdit d'exploiter
un débit de boissons à consommer sur place en application des
articles L. 3336-2 et suivants du code de la santé publique ; que M.
Y... a assigné le bailleur en paiement de l'indemnité
d'éviction. L'infraction commise par le preneur ne peut être
invoquée que si elle s'est poursuivie ou renouvelée plus de deux
(02) mois après mise en demeure du bailleur d'avoir à la faire
cesser. Cette mise en demeure doit, à peine de nullité,
être effectuée par acte extrajudiciaire, préciser le motif
invoqué et reproduire les termes de l'article 133 de l'AUDCG. Le
bailleur est tenu de délivrer une mise en demeure au locataire n'ayant
pas exécuté ses obligations. La Cour d'appel a donné gain
de cause au bailleur au motif que : « l'infraction d'exploitation
illégale du fonds, alléguée comme motif grave et
légitime, était consommée et non susceptible de
régularisation». La Cour de cassation casse et annule au motif que
: « Qu'en statuant ainsi, alors que M. Y... pouvait régulariser
sa situation selon différentes voies de droit, et qu'en
conséquence, le bailleur était tenu de lui délivrer une
mise en demeure, la cour d'appel a violé le texte susvisé
». Cela va sans dire puisque le but de la mise en demeure est d'une
importance indéniable dans la procédure de rupture du bail
à usage professionnel en droit Ohada de par le rôle qu'il joue
dans cette procédure49.
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