B- L'extension de l'exigence à la
résiliation de plein droit
La résiliation de plein droit est-elle
subordonnée à une mise en demeure préalable ? La question
mérite d'être posée, d'autant plus que l'AUDCG dans sa
version d'origine n'imposait expressément ce formalisme que dans deux
(02) hypothèses34. L'ancien texte était donc
silencieux quant à la nécessité de la mise en demeure en
cas de résiliation de plein droit. Ce silence n'était que la
conséquence logique du fait que, comme on l'a vu, ce type de
résiliation n'était pas réglementé par l'Acte
uniforme de 1997 sur le droit commercial général.
En outre, la clause résolutoire est expresse et
sanctionne les cas d'inexécution d'une des obligations prévues au
contrat. Cette clause vise à la fois en ce qui concerne le locataire le
défaut de paiement du loyer et le non-respect des diverses obligations
mises à sa charge telles que prévu à l'article 133 de
l'acte uniforme relatif au droit commercial général35.
En raison de l'automatisme et de la rigueur de la clause résolutoire de
plein droit, la jurisprudence a toujours considéré qu'elle doit
être expressément stipulée par les parties et ne peut jouer
que pour sanctionner l'inexécution d'une obligation inscrite au contrat
de bail36. Ainsi, rien n'interdit donc aux parties ayant
prévu une clause résolutoire dans leur contrat, de stipuler que
sa mise en oeuvre sera subordonnée au respect de la mise en demeure.
Dans une affaire tranchée par la Cour d'Appel du littoral37,
les parties avaient dans leur contrat en l'article 18 stipulé que la
« résiliation de plein droit dudit contrat pour défaut de
paiement est subordonnée à une mise en demeure restée
infructueuse » et c'est l'absence de cette formalité que les
juges de l'espèce reprochaient au premier juge de n'avoir pas
sanctionnée. Une inquiétude demeure tout de même. Dans le
cas où les parties auraient prévu une clause résolutoire
sans toutefois stipuler expressément que sa mise en oeuvre est soumise
à
34D'une part, en cas de refus de renouvellement
fondé sur un motif grave et légitime reproché à
l'une des parties, notamment l'inexécution d'une obligation
substantielle ou la cessation de l'exploitation du fonds de commerce (
L'article 95( devenu l'article 126), in fine de ce texte posait ainsi
que : « Ce motif ne peut être invoqué que si les faits se
sont poursuivis ou renouvelés plus de deux mois après une mise en
demeure du bailleur, par signification d'huissier de justice ou notification
par tout moyen permettant d'établir la réception effective par le
destinataire, d'avoir à les faire cesser. ». D'autre part, en
cas de résiliation judiciaire. L'article 101 (devenu l'article 133)
alinéa 2 prévoyait que : « A défaut de paiement du
loyer ou en cas d'inexécution d'une clause du bail, le bailleur pourra
demander à la juridiction compétente la résiliation du
bail et l'expulsion du preneur, et de tous occupants de son chef, après
avoir fait délivrer, par acte extrajudiciaire, une mise en demeure
d'avoir à respecter les clauses et conditions du bail ».
35GATSI (J.), Pratique des baux commerciaux
dans l'espace OHADA, op.cit. p.184.
36 Ce qui a changé avec la réforme de
l'Acte uniforme du 15 décembre 2010 relatif au droit commercial
général.
37 C.A. Littoral, arrêt n°100/CC du 07
Juin 2010, affaire La SOIDIC Sarl c/ Moukoury Ekongolo Martin, Juris
périodique n°89, Janvier-Février-Mars 2012 ; note : KEM
CHEKEM Bruno M.
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La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
l'accomplissement d'une mise en demeure, devrait-on
obligatoirement la respecter ? Une réponse affirmative s'impose car la
réglementation des baux commerciaux désormais professionnels
telle que prévue par l'AUDCG montre clairement que l'esprit
général du législateur Ohada est, d'empêcher que le
locataire la partie défaillante ne soit brutalement et trop
sévèrement sanctionnée. La formalité de mise en
demeure poursuivant justement cette finalité, on voit mal comment on
pourrait s'en passer.
En théorie générale des obligations, la
clause résolutoire de plein droit permet aux parties à un contrat
synallagmatique, sauf disposition légale contraire, de «
convenir expressément qu'à défaut d'exécution
le contrat sera résolu de plein droit (...) »38.
Cette clause ne peut jouer qu'à la date de la notification au
défaillant des manquements constatés. La notification dont il est
question est celle de la mise en demeure, qui depuis la réforme de 2010,
est imposée même lorsque la résiliation opère de
plein droit. La mise en demeure désigne « l'acte par lequel le
créancier a manifesté sa volonté d'exiger
l'exécution des prestations qui sont dues et, à défaut, de
tirer les conséquences légales de l'inexécution des
obligations ». Elle constitue, selon le Doyen CARBONNIER, «
une réclamation destinée à mettre le débiteur
en son tort en lui ôtant tout prétexte tiré d'une
négligence ou tolérance de son créancier ». La
particularité du mécanisme prévu par l'article 133 du
nouvel Acte uniforme est que désormais l'exigence de mise en demeure
préalable s'est emparée d'un champ beaucoup plus large. Elle a
été étendue à la résiliation de plein droit.
Le préalable de la mise en demeure a désormais vocation à
s'appliquer lorsque la juridiction saisie prononce la résiliation du
bail concomitamment à l'insertion d'une clause résolutoire.
Cependant, toutes les notifications faites par la partie demanderesse ne valent
pas mise en demeure, même si cet objet est atteint. Ainsi, n'ont pas
été jugés valant mise en demeure requise par l'article 133
de l'AUDCG, celle adressée un dimanche ou l'exploit de congé
servi au preneur39. Plus loin, on sait à quel point la clause
résolutoire, qui permet à une partie de mettre fin au contrat
après une mise en demeure, s'est implanté dans divers secteurs de
la vie économique. Dans un souci de protection des droits du
débiteur de l'obligation et pour lui permettre donc de s'exécuter
dans
38Mais nous ne devons pas au risque de nous tromper
se fier au vocable « résiliation de plein droit » pour
affirmer que le juge n'intervient pas lors de cette phase. En
réalité, la raison tiens au fait que c'est au juge que reviens le
soin de prononcer la résiliation du bail que celle soit avec ou sans
clause résolutoire
39 l'« exploit de congé » servi au
preneur n'est pas une mise en demeure valable ; la procédure d'expulsion
subséquente est entachée d'une nullité formelle et le
jugement entrepris doit être infirmé en ce qu'il a, sur la base de
l'article 1728 du Code civil, prononcé la résiliation du bail et
ordonné l'expulsion du preneur ; la réintégration du
preneur doit être ordonnée (CA Abidjan (Côte d'Ivoire),
4ech. civ. & com., n° 670, 2-6- 2006 : M. M. B. A. c./ Ayants- droit
de Feu El Hadji V. D., obs. J. Issa- Sayegh, Ohadata J- 11-28) ;
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
le délai qui lui est imparti, il est nécessaire
qu'il soit informé précisément des griefs qui lui sont
reprochés. La clause ne pourra jouer si le commandement notifié
au preneur ne lui permet pas d'être en mesure de déterminer
à quelles conditions du bail il aurait contrevenu et quelles obligations
contractuelles il doit exécuter. Ainsi, même une faute grave d'une
des parties consistant en l'inexécution de l'une de ses obligations ne
suffit pas à entraîner la résiliation de plein droit du
bail professionnel. Encore faut-il qu'il n'ait pas régularisé
après l'envoi d'une mise en demeure le sommant de se conformer aux
stipulations du bail.
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