PREMIÈRE PARTIE :
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La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
La mise en demeure est une exigence posée par le
législateur communautaire de l'Ohada et préalable à toute
intention de mettre un terme au contrat de bail. C'est dans le souci de
favoriser la coopération entre le bailleur et le preneur qui constitue
l'un des éléments clé de toute relation contractuelle, que
le législateur communautaire par le biais de l'article 133 alinéa
2 de l'Acte uniforme portant droit commercial
général25 a imposé une mise en demeure
perçue ici comme une dernière chance pour la partie
défaillante à ses obligations, à devoir les
exécuter. Parmi les différents types de préavis auxquels
une partie défaillante peut être assujettie, la mise en demeure
constitue certes, en pratique, le mode le plus courant de rappel à
l'ordre. En droit Ohada du bail professionnel, et avec la réforme subie
par l'acte uniforme sur le droit commercial général en 2010, nous
remarquerons déjà que la mise en demeure procède d'un
champ d'application très vaste qui témoigne de l'importance de
cette mention (CHAPITRE I). À côté du
champ d'application de la mise en demeure qui semble déjà
présenter bien d'intérêt, s'entrevoit sa mise en oeuvre
(CHAPITRE II).
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25Dans la version de 1997, on le retrouvait à
l'article 101 alinéas 2
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La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
LE CHAMP D'APPLICATION DE LA MISE EN
CHAPITRE I :
DEMEURE
l'Ohada
L'idée du champ d'application de la mise en demeure est
conséquente à l'évolution que cette exigence a subie en
droit Ohada. Il est question plus nettement de s'interroger sur
l'étendue de la mise en demeure. De l'analyse que nous pouvons faire,
nous constaterons que cette formalité est présente dans presque
toutes les situations d'inexécution d'une obligation par l'une des
parties. Mais une analyse plus profonde peut faire ressortir une autre approche
qui est de bord plus porteuse d'intérêt. Il s'agit
d'étudier le champ d'application de la mise en demeure tenant en la
forme de la rupture (SECTION 1) et autrement, mais cette fois
en prenant en compte la nature du motif de la rupture (SECTION
2).
SECTION 1: LE CHAMP D'APPLICATION DE LA MISE EN
DEMEURE
TENANT EN LA FORME DE LA RUPTURE
La compréhension du champ d'application perçu
sous l'angle de la forme de la rupture semble porteuse d'un grand
intérêt, dans cette mesure où le constat est fait de ce que
l'exigence de la mise en demeure est établie dans presque toutes les
hypothèses de rupture du lien contractuel entre les parties. Ainsi le
bail peut être rompu soit par le biais de la résiliation
(paragraphe 1), ou même par le refus de renouveler le
bail (paragraphe 2).
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La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
Paragraphe 1- La mise en demeure dans la procédure
de résiliation du bail à usage
professionnel
Dès lors qu'un contrat de bail à usage
professionnel26 entend être résilié par l'une
des deux parties pour inexécution de l'autre, un certain nombre de
formalités prévu par l'acte uniforme du 15 Décembre 2010
relatif au droit commercial général doivent être
respectées Aussi, le législateur communautaire a-t-il maintenu un
mécanisme classique de l'instance en résiliation du bail,
à savoir la mise en demeure préalable de la partie
défaillante d'avoir à respecter les clauses du contrat dans un
certain délai. Aux termes de l'article 133 alinéa 2 du nouvel
Acte uniforme : « la demande en justice aux fins de résiliation
du bail doit être précédée d'une mise en demeure
d'avoir à respecter la ou les clauses ou conditions violées. La
mise en demeure est faite par acte d'huissier ou notifiée par tout moyen
permettant d'établir sa réception effective par le
destinataire... ». Ainsi, toute action en résiliation en
l'absence de clause résolutoire doit être
précédée d'une mise en demeure (A). En
outre, le nouvel acte uniforme a consacré l'extension de cette
formalité même à la résiliation de plein droit
(B).
A- La résiliation en l'absence de toute clause
résolutoire
Il ressort de l'article 13327 de L'acte uniforme du
15 Décembre 2010 relatif au droit commercial général, que
lorsque le locataire n'exécute pas les obligations mises à sa
charge dans le bail28, le bailleur a la possibilité,
après mise en demeure29de saisir le juge d'une action en
résiliation du bail professionnel30. L'inverse est aussi
possible, c'est-à-dire que le locataire
26Le bail professionnel que le législateur
OHADA a désigné au début par défaut sous le vocable
de bail commercial, fut à l'origine un contrat garantissant le fonds de
commerce parce que seul était couvert par lui, les personnes ayant la
qualité de commerçant et exerçant sur un fonds de
commerce.
27 Anciennement article 101 sous la version de
1997.
28 Par exemple refuse de payer ses loyers
malgré une mise en demeure. V .Tribunal régional hors classe de
Dakar, jugement civil n° 2003 du 03 décembre 2003, Mamadou Fall
c/Mamadou Ly. Ohadata J-04-226. V. Tribunal de Première
Instance de Douala Bonanjo, 08/07/2003, Ordonnance de contentieux
d'exécution n° 756, Tchoube Joseph c/ Abgai Okoji, Ohadata
j-04-451 ;
29 La mise en demeure préalable doit
répondre aux exigences de l'acte uniforme. Notamment elle doit
reproduire sous peine de nullité, les termes de l'article 133 de l'acte
uniforme portant organisation du droit commercial général. Pour
une application, TPI de Nkongsamba, jugement n° 04/civ. du 21 novembre
2001 : aff : Mbatchou Ambroise c/ Benyomo Paulin Désiré.
Juris périodique n° 51, Juillet-Août, Septembre
2002, p. 46, Ohadata J-03159, obs. F. TEPPI KOLOKO.
30GATSI (J.), Pratique des baux commerciaux
dans l'espace OHADA, 2è éd, PRESSES UNIVERSITAIRE LIBRE,
2008 , P.182.
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
qui entend résilier le contrat de bail le liant au
bailleur pour inexécution31 de ses obligations par le
bailleur devra aussi procéder par la voie de la mise en demeure. C'est
dire donc que la résiliation ne peut aboutir devant le juge si aucune
mise en demeure n'a été servie à la partie
défaillante. L'article 13432 de l'acte uniforme érige
d'ailleurs cette formalité en une mention d'ordre public. Il reviendra
donc au juge d'apprécier souverainement la validité de l'acte
servi à la partie défaillante afin d'éviter toute
assimilation incontrôlée33. Une demande en
résiliation judicaire fondée sur les dispositions de l'article
133 de l'acte uniforme relatif au droit commercial général de
2010 nécessite une mise en demeure préalable. À cet
égard, l'acte uniforme prévoit la procédure à
suivre à défaut d'exécution des obligations contractuelles
par l'une des deux parties. D'abord, le législateur impose au bailleur
d'adresser une mise en demeure au preneur défaillant laquelle mise en
demeure rappelle les obligations à respecter et est assortie d'un
délai d'un mois. Elle est soumise à un formalisme prévue
à l'article 133 de l'acte uniforme suscité. Ensuite, pourra
suivre la procédure de résiliation proprement dite. De ce fait,
l'on ne saurait dissocier la mise en demeure de la procédure de
résiliation du bail professionnel. D'ailleurs la procédure de
résiliation ne sera régulière que lorsque par acte
extrajudiciaire reproduisant les termes de l'article 133 de l'acte uniforme
portant sur le droit commercial général, un commandement d'avoir
à exécuter les obligations faisant défaut aura
été servi à la partie fautive. La mise en demeure qui
suspend la procédure de résiliation pendant un mois est l'oeuvre
dans la majorité des États membres de l'Ohada, des huissiers de
justice qui y mettent matériellement les dispositions de l'alinéa
2 de l'article 133 sous peine de nullité ainsi libellé :
« ...A défaut de paiement du loyer ou en cas
d'inexécution d'une clause du bail, le bailleur pourra demander à
la juridiction compétente la résiliation du bail et l'expulsion
du preneur et tous occupants de son chef, après avoir fait
délivrer, par acte extra judiciaire, une mise en demeure d'avoir
à respecter les clauses et conditions du bail. ». En
réalité cette mise en demeure peut même interrompre la
procédure si le preneur respectait les conditions par la
régularisation de sa situation ou si le bailleur revenait à de
meilleurs sentiments de tolérance par l'accord d'une grâce
conventionnelle.
31 Pour le bailleur l'inexécution peut tenir
en un défaut d'exécution des travaux jugés « grosses
réparations », en un trouble de jouissance...
32 L'article 134 dispose : «Sont d'ordre public
les dispositions des articles 101, 102, 103, 107, 110, 111, 117, 123, 124, 125,
126, 127, 130 et 133 du présent Acte uniforme ».
33 La sommation de payer et de libérer les
lieux adressée par le bailleur au preneur ne saurait être
assimilée à la mise en demeure que l'acte uniforme impose au
bailleur de respecter avant toute résiliation du bail à usage
Professionnel. Cf. C.A. de l'ouest, arrêt n°11/civ, du 09 octobre
2002, affaire KOUDOUM Ambroise c/ FONKOUE Charlemar, ohadataJ-04-227
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