Paragraphe 2 : l'octroi de l'indemnité
d'éviction
Le droit au renouvellement reconnu au locataire est
destiné à lui assurer la protection et la stabilité du
fonds de commerce exploité dans les lieux loués. Cette protection
est toutefois conditionnée : le locataire doit lui-même remplir
les conditions d'application du statut. À défaut, il n'aura droit
ni au renouvellement ni au paiement d'une indemnité d'éviction.
S'il bénéficie de ce droit au renouvellement, cela ne veut pas
dire que le bailleur soit obligé de lui accorder. Il peut arriver que le
bailleur refuse de renouveler le bail et ce pour des raisons justifiées
: soit il pourra invoquer un motif grave et légitime159 ou un
droit de
157 CA Daloa, n°295, 20-11-2002 : K.K. c/ S.G, Le Juris
Ohada, n° 4/2005, Juillet-septembre 2005, p.32, Ohadata
J-06-19.
158 CA Abidjan (Côte d'Ivoire), 4ech. civ. & com.,
n° 670, 2-6- 2006 : M. M. B. A. c./ Ayants- droit de Feu El Hadji V. D.,
obs. J. Issa- Sayegh, Ohadata J- 11-28
159 Cf., article 127 : « Le bailleur peut s'opposer au
droit au renouvellement du bail à durée déterminée
ou indéterminée, sans avoir à régler
d'indemnité d'éviction, dans les cas suivants :
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
reprise160. Mais, si le bailleur ne respecte pas la
procédure de refus de renouvellement telle que décrite à
l'alinéa 1(1) de l'article 127 de l'AUDCG, par exemple lorsqu'il omet ou
simplement refuse d'adresser de mise en demeure, pourra-t-on le contraindre
à le faire ? La jurisprudence dans une espèce y répond par
la négative. À cet effet, s'agissant de la sanction pour absence
de mise en demeure ; la question était de savoir si le preneur pouvait
s'en prévaloir afin de poursuivre le bail. La cour de cassation a
considéré que :« l'absence de mise en demeure
régulière, si elle est établie, laisse subsister le refus
de renouvellement mais ouvre droit, pour le preneur, au paiement d'une
indemnité d'éviction »161. Le droit du
locataire au renouvellement se heurte donc au droit de propriété
du bailleur, qui souhaite reprendre le bien loué. Afin de
protéger le fonds de commerce du locataire, il s'agira alors de
réparer l'intégralité du préjudice subi du fait de
l'éviction. Le plus souvent, cette indemnité d'éviction
versée par le bailleur permet au locataire de se réinstaller et
de poursuivre son activité.
Il sera donc question pour mieux explorer la question de
consacrer une première analyse au régime juridique de
l'indemnité d'éviction (A), pour plus loin
s'interroger sur les règles relatives à son règlement
(B).
1) S'il justifie d'un motif grave et légitime à
l'encontre du preneur sortant. Ce motif doit consister soit dans
l'inexécution par le locataire d'une obligation substantielle du bail,
soit encore dans la cessation de l'exploitation de l'activité.
Ce motif ne peut être invoqué que si les faits
se sont poursuivis ou renouvelés plus de deux mois après une mise
en demeure du bailleur, par signification d'huissier de justice ou notification
par tout moyen permettant d'établir la réception effective par le
destinataire, d'avoir à les faire cesser.
2) S'il envisage de démolir l'immeuble comprenant les
lieux loués, et de le reconstruire. Le bailleur doit dans ce cas
justifier de la nature et de la description des travaux projetés. Le
preneur a le droit de rester dans les lieux jusqu'au commencement des travaux
de démolition, et il bénéficie d'un droit de
priorité pour se voir attribuer un nouveau bail dans l'immeuble
reconstruit.
Si les locaux reconstruits ont une destination
différente de celle des locaux objets du bail, ou s'il n'est pas offert
au preneur un bail dans les nouveaux locaux, le bailleur doit verser au preneur
l'indemnité d'éviction prévue à l'article 126
ci-dessus»
160 L'article 128 : « Le bailleur peut, sans versement
d'indemnité d'éviction, refuser le renouvellement du bail portant
sur les locaux d'habitation accessoires des locaux principaux, pour les habiter
lui-même ou les faire habiter par son conjoint ou ses ascendants, ses
descendants ou ceux de son conjoint.
Cette reprise ne peut être exercée lorsque le
preneur établit que la privation de jouissance des locaux d'habitation
accessoires apporte un trouble grave à la jouissance du bail dans les
locaux principaux, ou lorsque les locaux principaux et les locaux d'habitation
forment un tout indivisible ».
161 Civ. 3ème, 19 décembre 2012, n°
de pourvoi 11-24.251 Publié au Bulletin.
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
A- Le régime juridique de l'indemnité
d'éviction
L'article 127 alinéa 1 de l'Acte Uniforme énonce
sans équivoque que : « Le bailleur peut s'opposer au droit au
renouvellement du bail à durée déterminée ou
indéterminée sans régler au locataire une indemnité
d'éviction ». Mais si cette procédure de refus de
renouvellement est menée en ignorance de l'obligation de mise en demeure
pesant sur le bailleur, celui-ci sera tenu au versement d'une indemnité
d'éviction162. Le paiement de l'indemnité apparait
donc comme une autre manifestation de la propriété
commerciale''. Instituée dès l'origine par les textes anciens sur
les baux commerciaux163, l'indemnité d'éviction se
trouve aujourd'hui au coeur du droit au renouvellement du bail commercial. Afin
de mieux comprendre sa place dans la procédure de renouvellement, nous
nous interrogerons sur sa véritable nature juridique avant de nous
pencher sur l'identification des parties en présence. Il n'en demeure
cependant pas moins que l'indemnité d'éviction est une
indemnité compensatrice et pour ce faire, doit être
calculée suivant un certain nombre de critères légaux.
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