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La mise en demeure en matière de résiliation du bail à  usage professionnel.


par Ted-Rousseau KENNANG GUEFACK
Université de Dschang Cameroun - Master II 2016
  

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SECTION 2: LE SORT DU BAIL À USAGE PROFESSIONNEL

Le non-respect par l'une des deux parties des exigences posées par l'article 133 de l'Acte Uniforme relatif au Droit Commercial Général en termes de mise en demeure aura une incidence sur le bail à usage professionnel conclu entre le bailleur propriétaire du local et le preneur locataire. À cet effet, tout défaut d'acte de mise en demeure ou de mise en demeure irrégulière invalidera la procédure de rupture du bail et la première conséquence est la continuité des relations contractuelles entre les parties jusqu'à la régularisation de la procédure d'où la survie du bail (Paragrahe1) qui se suivra par le paiement d'une indemnité d'éviction selon le cas (Paragraphe 2).

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La mise en demeure en matière de rupture du bail à usage professionnel en Droit de

l'Ohada

Paragraphe 1 : la survie du Bail à usage professionnel

La survie du bail suppose que l'on considèrera que les parties doivent être remises à l'état où elles se trouvaient avant la décision frauduleuse. Le preneur doit se maintenir dans les lieux s'il y était encore (A) ou qu'il doit être réintégré s'il avait déjà été expulsé (B).

A- Le maintien dans les lieux loués

Le locataire doit être maintenu dans les lieux dès lors qu'il est établi qu'il a été expulsé irrégulièrement. L'expulsion est irrégulière lorsqu'elle ne se base sur aucune décision ou sur une décision irrégulière. Si le locataire n'avait pas encore libéré les lieux loués, il pourra demander son maintien jusqu'à ce qu'une décision régulière l'en expulse. Ainsi, tout bailleur qui serait tenté par exemple d'expulser de fait le locataire pourra se heurter au refus de ce dernier de libérer. Une affaire rendue par la Cour d'Appel d'Abidjan témoigne bien de l'importance donnée au strict respect des règles concourant à l'expulsion du preneur150. Si par contre l'expulsion a été poursuivie sans congé préalable comme l'exigent les articles 123 et 133 de l'AUDCG, le juge des référés peut être saisi pour ordonner le maintien du locataire dans les lieux loués151.

B- La réintégration dans les lieux du preneur expulsé

La réintégration du preneur est l'une des diverses mesures prises par les juges pour rétablir le locataire preneur dans ses droits. Ceci est d'autant vrai qu'une procédure mal menée peut conduire néanmoins à une expulsion injustifiée du preneur des locaux loués. De plus, le bailleur peut même être fondé dans son action mais ne respecte pourtant pas la procédure prévue à l'article 133 de l'AUDCG. La jurisprudence ne s'accommode pas d'une situation pareille puisqu'elle sanctionne le bailleur qui n'ayant pas adressé de mise en demeure, souhaitait néanmoins l'expulsion du preneur locataire152. Cette réintégration doit permettre au locataire de retrouver l'usage des locaux desquels il fut expulsé irrégulièrement.

150 CA Abidjan, n° 361, 27-3-2001 : N c/ A, Le Juris Ohada, n°1/2003, Janvier-mars 2003, p.54, Ohadata J-03118.

151 CA Abidjan, Ch. civ. & com., n° 774, 9-7-2004 : Sté SOTRANSYA c/ Sté IBN TRANSPORTS, Ohadata J05-326.

152 la procédure d'expulsion subséquente est entachée d'une nullité formelle et le jugement entrepris doit être infirmé en ce qu'il a, sur la base de l'article 1728 du Code civil, prononcé la résiliation du bail et ordonné l'expulsion du preneur ; la réintégration du preneur doit être ordonnée (CA Abidjan (Côte d'Ivoire), 4e ch. civ. & com., n° 670, 2-6- 2006 : M. M. B. A. c./ Ayants- droit de Feu El Hadji V. D., obs. J. Issa- Sayegh, Ohadata J11-28).

La mise en demeure en matière de rupture du bail à usage professionnel en Droit de

l'Ohada

La jurisprudence a décidé que s'agissant d'un restaurant, le bailleur qui n'a pas respecté les termes de leur contrat faisant obligation à la partie voulant se dégager, d'en informer l'autre un mois avant la rupture effective, et qui ne s'est pas non plus conformé aux prescriptions d'ordre public de l'article 101 (devenu 133) de l'AUDCG a commis une voie de fait qu'il convient de faire cesser en ordonnant la réouverture du restaurant et la réintégration du preneur dans les lieux153. Toutefois, une expulsion n'est régulière que si les conditions et la procédure de résiliation ont été respectées. À cet effet, l'expulsion du preneur a été jugée irrégulière dès le moment où le commandement de payer ou la mise en demeure n'est pas conforme aux dispositions prescrites par l'article 133 de l'AUDCG. Cette mise en demeure n'étant pas valable, l'ordonnance d'expulsion doit être infirmée pour non-respect de l'article sus cité. La Cour d'Appel de Douala a rendu dans une décision allant dans ce sens et un attendu mérite bien d'être cité : « Attendu que les dispositions de l'article 101 AUDCG sont d'ordre public, toute procédure d'expulsion n'étant pas précédé d'une mise en demeure, devrait être déclaré irrecevable»154. Puisque l'irrégularité de la mise en demeure est assimilée à son absence155, la procédure de résiliation en résultant par cet effet est nulle elle-même. Par conséquent, les parties sont remises au même état où elles étaient avant l'ordonnance d'expulsion irrégulière156. Il a déjà été procédé à l'expulsion du preneur, le juge peut ordonner sa réintégration. À titre d'exemple, la Cour d'Appel de Daloa a ordonné la réintégration du preneur dans les lieux en cas de résiliation irrégulière, s'agissant du bail d'un local servant de restaurant. En effet, elle soutient que le bailleur qui n'a pas respecté les termes de leur contrat faisant obligation à la partie voulant se dégager, pour des raisons justifiées, d'en informer l'autre un mois avant la rupture effective, et qui ne s'est pas non plus conformé aux prescriptions d'ordre public de l'article 101(devenu 133) de l'AUDCG a commis une voie de fait qu'il convient de faire cesser en ordonnant la réouverture du restaurant et la réintégration

153 CA., de Daloa, n°295,20-11-2002 : K.K. c/ S.G, le Juris Ohada, n°4/2005, Juillet-Septembre 2005, p.32 ; Ohadata J-06-19.

154CA Littoral à Douala, arrêt n° 58/ réf du 21 AVRIL 2003, MOHAMED Aref c/ FONKA Louis. ; CA Abidjan, n°279, 6-3-2001 : Sté PAGOTO c/ O, OhadataJ-04-114, Le Juris Ohada, N°3/2003, Juillet-septembre 2003, P.55 ; TGI de la Menoua à Dschang, n° 28/CIV,10-3-2003 : Amicale des Anciens Combattants, Anciens militaires et victimes de Guerre de la Menoua c/ ZEBAZE Pierre, Ohadata J-05-111 « Faute de mise en demeure, la procédure de résiliation et l'ordonnance d'expulsion qui en est résulté doivent être frappées de nullité. »

155La mise en demeure qui ne respecte pas les exigences de l'article 101 [devenu 133] de l'AUDCG n'est pas valable ; dans ce cas le tribunal constate l'absence de mise en demeure et déboute le bailleur de son action en résiliation judiciaire du bail (TPI Yaoundé (Cameroun), Centre Administratif, Ord. N°477/C, 1-9-2008 : Sté AGF Cameroun Assurances contre Techni-Cameroun, Journal Le Jour, Faty and Sister Compagnie et autres, Ohadata J-09-225).

156 CA Yaoundé, n° 222/Civ, 14-3-2003 : NGOUNOUN NGATCHA Benjamin c/ NOUMESSI Gilbert, F. AHO et al. OHADA : Jurisprudences nationales. Ed. BENIN CONSULTING GROUP, Cotonou (Bénin) : 2004, P.47.

La mise en demeure en matière de rupture du bail à usage professionnel en Droit de

l'Ohada

du preneur dans les lieux157. On peut également citer l'arrêt rendu par la Cour d'Appel d'Abidjan en date du 02 Juin 2006158dans lequel le juge rappelle que l'exploit de congé servi au preneur n'est pas une mise en demeure valable ; la procédure d'expulsion subséquente est entachée d'une nullité formelle et le jugement entrepris doit être infirmé en ce qu'il a, sur la base de l'article 1728 du Code civil, prononcé la résiliation du bail et ordonné l'expulsion du preneur ; la réintégration du preneur doit être ordonnée.

Le bailleur a donc l'obligation de remettre le local à la disposition du preneur notamment à travers la remise des clés. Mais cependant une question se pose ici : celle de savoir si le preneur a un délai pour réintroduire le local ? À cette question la Cour de Cassation par un Arrêt du 06 mai 1964 réponds par l'affirmative en imposant au preneur de réintégrer le local dans un délai raisonnable faute pour lui de le faire le bailleur pourra le louer à un autre locataire.

Par ailleurs que se passera-t-il si le local avait déjà été loué à une autre personne ? Dans pareil cas, les notions de bonne foi et mauvaise foi guideront notre logique. Ainsi, nous pensons que le locataire de bonne foi sera maintenu dans le local, le preneur expulsé ne pouvant se contenter que d'une indemnité d'éviction. Par contre, si le tiers était de mauvaise foi, les choses seront autrement puisqu'il sera évincé compte tenu qu'il savait que l'expulsion n'était pas régulière. Ainsi il devra libérer pour permettre à l'ancien preneur de réintégrer les dits lieux.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus