B - L'Opposabilité de la décision aux
créanciers non informés
En droit français, la jurisprudence
répète inlassablement que, bien que l'article 143-2 du Code de
commerce, repris à la lettre par l'article 133 de l'Acte uniforme sur le
droit commercial général soit taisant sur ce point, la
résiliation est inopposable aux créanciers inscrits non
informés. Un auteur a pu parler à ce sujet d'une « vigueur
de la sanction ». La chambre civile de la Cour de cassation
française, dans un arrêt du 12 juillet 2006, a déjà
jugé que « l'inopposabilité de la résiliation
intervenue est acquise de plein droit dès lors que le bailleur a
manqué à ses obligations à l'égard des
créanciers inscrits». Un commentateur de cette décision
a écrit qu'il s'infère de cette solution prétorienne que
« toute tentative de régularisation de l'absence de
notification ou d'une notification tardive de l'assignation en
résiliation est vouée à l'échec». En
raison de l'irrévocabilité de l'inopposabilité de la
résiliation, cette sanction jouera même si les créanciers
ont eu connaissance des défaillances du débiteur et n'avaient
rien fait pour y remédier. L'obligation de notification prévue
par l'article 133 de l'Acte uniforme sur le droit commercial
général semble être érigée à la
dignité d'une formalité impérative. La sanction rigoureuse
de l'inopposabilité offre au créancier
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
inscrit non informé un triple recours qui constitue des
substitutifs au nantissement du fonds.
D'abord, le créancier non informé peut
poursuivre la réalisation de son gage incluant le droit au bail, alors
même que ce bail est résilié dans les rapports entre le
bailleur et le locataire.
Ensuite, il peut former tierce opposition à la
décision prononçant ou constatant la résiliation du bail
dans les conditions énoncées aux articles 281 et suivants du Code
de procédure civile du Sénégal. Aussi, le jugement rendu
sur tierce opposition et reconnaissant aux créanciers inscrits le droit
au maintien du bail pour sauvegarder leur gage, a-t-il pour conséquence
la rétractation de la décision de résiliation à
l'égard de toutes les parties, y compris à l'égard du le
locataire. Cette rétractation produit des effets à l'égard
de toutes les parties, en raison de la nature indivisible des obligations
découlant du bail. La conséquence de cette indivisibilité
est que le bailleur doit recommencer l'ensemble des opérations
nécessaires pour arriver à la résiliation, notamment la
notification de l'action en résiliation aux créanciers
inscrits.
Enfin, le créancier inscrit qui aurait subi un
préjudice du fait de l'inobservation de la formalité
prévue par l'article 133 de l'Acte uniforme sur le droit commercial
général, est en droit, dans les conditions du droit commun, de
réclamer la réparation de ce dommage qui peut être
égal au montant non payé de sa créance
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