Paragraphe 2 : l'hypothèse de la mise en demeure
adressée aux créanciers
inscrits sur le fonds de commerce
Le droit uniforme de l'OHADA a toujours aménagé
un régime de protection au profit des créanciers inscrits sur le
fonds de commerce. L'article 133 du nouvel Acte uniforme, reprenant le
dispositif prévu par l'ancien article 101 de l'Acte uniforme sur le
droit commercial général, a mis à la charge du demandeur
une obligation de notification de la demande en résiliation aux
créanciers inscrits. Aux termes de l'article 133 alinéa 5 du
nouvel Acte uniforme sur le droit commercial général «
la décision prononçant ou constatant la résiliation du
bail ne peut intervenir qu'après l'expiration d'un délai d'un
mois suivant la notification de la demande aux créanciers inscrits
». Ainsi, en cas d'inscription de créanciers sur le fonds de
commerce, le respect par le demandeur en résiliation du bail
professionnel de son obligation de notification de sa demande en justice aux
créanciers inscrits n'est pas qu'une simple formalité. Il
présente un enjeu certain pour la régularité de la
procédure de résiliation du bail. D'ailleurs, l'article 176 du
nouvel Acte uniforme sur les sûretés énonce que la
résiliation amiable ou en vertu d'une clause résolutoire de plein
droit ne peut produire effet qu'après l'expiration du délai de
notification. Dans le cadre de la résiliation judiciaire, tout se passe
comme si le juge était en face d'une « question
préjudicielle à la décision de résiliation ».
D'ailleurs, la décision prescrivant la résiliation du bail ne
peut être prononcée « qu'après l'expiration d'un
délai d'un mois » suivant l'information des créanciers
inscrits. Il s'agit d'une sorte de « délai d'attente » qui
affecte non pas le droit d'agir mais l'intervention de la décision de
justice.
La notification de l'acte introductif d'instance valant mise
en demeure au créancier d'exécuter les obligations du preneur
défaillant ou de les faire exécuter, il n'est pas logique que le
délai imparti au locataire pour s'exécuter soit différent
de celui accordé au créancier inscrit pour se substituer au
preneur. C'est la raison pour laquelle, nous pensons que c'est le délai
d'un mois prévu par l'article 133 de l'Acte uniforme portant sur le
droit commercial
148TPI de Bafoussam, JUG CIVIL N° 67 DU 16
SEPTEMBRE 2005, AFFAIRE Paroisse de la cathédrale de Bafoussam c/
ngoupou Samuel, IDEF, p. 32.
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
général qui doit être observé entre
la date de la notification de la demande en résiliation et la
décision y faisant droit. C'est un problème que soulève
l'analyse de l'AUDCG et de l'AUS. En effet, il résulte de l'article 176
alinéa 2 de l'acte uniforme sur les sûretés, reprenant
l'article 143-2 du Code de commerce français, que « la
décision judiciaire de résiliation ne peut intervenir, ni la
résiliation amiable ou en vertu d'une clause résolutoire de plein
droit produire effet, qu'après l'expiration du délai de deux mois
suivant la notification ». Alors, que l'article 133 al.5 prévoit
plutôt un délai d'un (01) mois. Faute par le demandeur
d'exécuter son obligation d'information, en principe la décision
de résiliation ne devrait pas être prononcée, cette
décision ne pouvant intervenir, selon l'article 133 alinéa 5 du
nouvel Acte uniforme « qu'après l'expiration d'un délai d'un
mois suivant la notification de la demande aux créanciers inscrits
». La formalité de la notification de la demande en justice
étant le point de départ du délai d'un mois à
l'expiration duquel la juridiction saisie devra statuer, lorsque le demandeur
n'accomplit pas cette formalité, ce délai ne court pas. Le
non-respect de l'obligation d'information des créanciers inscrits
devient alors un obstacle au prononcé de la décision de
résiliation du bail professionnel149.
L'étude des diverses décisions rendues par le
tribunal régional Hors Classe de Dakar permet de constater que les juges
sénégalais semblent assimiler le défaut de notification de
la demande en résiliation aux créanciers inscrits à
l'absence de justification de l'inexistence de créanciers inscrits sur
le fonds. Cependant, les magistrats sont divisés sur la sanction
attachée à l'absence de justification de l'inexistence de
créanciers inscrits sur le fonds. Certaines décisions, analysant
la question sous l'angle de la recevabilité de l'action en
résiliation du bail, sanctionnent cette irrégularité par
l'irrecevabilité de la demande en justice (A). D'autres
par contre parle d'inopposabilité(B).
A- L'irrecevabilité de l'action
Le demandeur a l'obligation de d'informer les
créanciers inscrits sur le fonds. S'il ne le fait pas il expose son
action à une éventuelle irrégularité. Ainsi, un
jugement rendu par le tribunal régional Hors classe de Dakar le 5
janvier 2010 a déclaré irrecevable l'action en résiliation
du demandeur au motif qu'il n'a pas produit un certificat négatif pour
établir qu'il
149Sur l'effet de l'absence de notification au
créancier inscrit de la demande de résiliation d'un bail
commercial, dans le même sens que : Chambre civile 3, 1995-12-06,
Bulletin 1995, III, n° 252, p. 170 (cassation partielle sans renvoi), et
l'arrêt cité. Sur la nécessité de notifier, à
rapprocher : Chambre civile 3, 2006-03-22, Bulletin 2006, III, n° 75, p.
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La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
n'y avait aucune inscription sur le fonds de commerce. Un
autre jugement rendu le 19 mai 2009 a énoncé que : « le
jugement prononçant la résiliation ne peut intervenir
qu'après l'expiration d'un délai d'un mois suivant la
notification de la demande aux créanciers inscrits ;Qu'en
l'espèce le demandeur n'a pas daigné produire un certificat
négatif de nantissement et ce, malgré le rabat du
délibéré qui a été opéré
à cette fin ;Qu'il échait en conséquence de
déclarer irrecevable la demande d'expulsion ». Plus
récemment, un jugement rendu par le tribunal régional Hors Classe
de Dakar du 14 décembre 2011 a déclaré irrecevable une
action en résiliation de bail professionnel au motif que le demandeur
n'avait pas respecté son obligation de notification de la demande en
justice aux créanciers inscrits.
D'autres décisions, moins nombreuses,
appréhendent la question l'obligation d'information des
créanciers inscrits comme une condition de fond de la demande en
résiliation qu'ils sanctionnent par une décision de
débouté au fond. Quoi qu'il en soit, dès lors que le
demandeur n'a pas respecté son obligation d'information à
l'égard des créanciers inscrits, l'affaire n'est pas en
état d'être jugée, puisque d'après l'article 133
alinéa 5 du nouvel Acte uniforme, la décision de
résiliation ne peut être prononcée qu'après
l'expiration du délai d'un mois à compter de la notification de
la demande en justice aux créanciers inscrits.
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