2 - Les effets attachés à la nullité
de la mise en demeure irrégulière
La particularité de chaque sanction juridique est
qu'elle est amenée à produire des effets juridiques
précis. La nullité, sanction par excellence des actes juridiques
irréguliers, frappant un acte de mise de demeure dans le cadre d'une
procédure de résiliation du bail à usage professionnel,
conduira inéluctablement à une annulation rétroactive de
cet acte. Ainsi, dès l'instant où le juge prononce la
nullité, l'acte de mise en demeure disparaît
rétroactivement: il est censé n'avoir jamais existé. Il
n'existe plus ni dans le passé, ni dans l'avenir. Tout doit être
remis dans l'état antérieur qui existait avant
l'élaboration de l'acte mitigée. Dans son jugement du 2 septembre
2005, le TPI de Bafoussam a décidé qu'« en raison de la
nullité de l'exploit susvisé, tout se passe comme s'il n'y a
jamais eu de mise en demeure préalable telle qu'exigée par
l'article 101 de l'Acte uniforme susvisé ». Cette annulation
rétroactive de l'acte de mise en demeure aura pour but d'invalider la
procédure de résiliation puisqu'une mise en demeure
irrégulière équivaut à une absence de mise en
demeure comme l'a clairement admis le TGI du Mfoundi145.
B- L'irrecevabilité de l'action en
résiliation
La "recevabilité" est la qualité que doit
présenter la demande dont un plaideur saisit
144 Article 101 de l'AUDCG de 1997
145 « La mise en demeure qui ne respecte pas les
exigences de l'article 101(devenu article 133) de l'AUDCG n'est pas valable ;
dans ce cas le tribunal constate l'absence de mise en demeure et déboute
le bailleur de son action en résiliation judiciaire du bail ». cf.
note n°103 suscité.
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
une juridiction pour que le juge en soit
régulièrement amené à statuer. Si la demande ne
réunit pas l'ensemble des conditions fixées par la Loi, la
demande est dite "irrecevable" : le juge va la rejeter sans qu'il puisse
examiner si elle est ou non bien fondée146. Ainsi et en
dépit du principe de la liberté d'agir, la recevabilité de
toute action en justice visant la rupture du bail à usage professionnel
comme d'ailleurs toute autre action en droit processuel est subordonnée
au respect de différentes exigences cumulatives qui s'imposent. Par
exemple la capacité, la qualité ou même
l'intérêt. Le non-respect des formalités imposées
pour aboutir à un jugement valable est très souvent peu
toléré. Et sur ce point, le législateur Ohada a
prévue à l'article 133 de l'AUDCG un certain formalisme que doit
revêtir la procédure de résiliation du bail. En
l'occurrence, l'exigence de la mise en demeure en bonne et due forme. La
jurisprudence s'attache très fortement au strict respect de ce
formalisme sous peine d'irrecevabilité. La Cour d'Appel du littoral a
dans une affaire déclaré irrecevable une mise en demeure qui
correspondait plus en une sommation147.
En réalité, la sanction de la nullité qui
frappe l'acte de mise en demeure n'en rejaillit pas moins sur la
recevabilité de l'action en résiliation du bail à usage
professionnel. La nullité entrainant l'anéantissement de la mise
en demeure, bascule, du coup, les parties dans la situation d'une instance en
résiliation initiée sans mise en demeure préalable. Or,
cette irrégularité est sanctionnée par une fin de
non-recevoir tenant à l'irrecevabilité de l'action. Un jugement
du tribunal de première Instance de Bafoussam du 16 septembre 2005 a
bien campé ce débat en énonçant que : « la
mise en demeure préalable avec reproduction sous peine de nullité
des termes de l'article 101 (devenu l'article 133) de l'AUDCG est une condition
indispensable à toute résiliation d'un bail commercial ; Mais
attendu qu'en l'espèce, la sommation de payer et de libérer du 17
Mars 2003 servie au défendeur et tenant lieu de dite mise en demeure ne
satisfait pas aux exigences légales prescrites par l'article
susvisé en ce qu'elle ne reproduit aucunement les termes de ce texte ;
Qu'il échait par conséquent de déclarer cette sommation
nulle et partant irrecevable en l'état l'action de la demanderesse
». Le TPI de Bafoussam a d'ailleurs réitéré cette
solution de l'irrecevabilité dans un jugement rendu le 16 septembre 2005
dans laquelle le juge décida que : « en l'absence d'une mise
en
146 Braudo (S.), Dictionnaire juridique, 2016.
147 CA. Littoral, arrêt n°152/CC du 04 Juillet
2011, Aff. MR. JEUNGA Jean c/ Dame DIBA Georgette, Juridis périodique
n°97, Janvier-mars 2014, p. 44-45.
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
demeure préalable, la demande de résiliation
d'un contrat de bail commercial formée par le bailleur doit être
déclarée irrecevable»148.
|