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La mise en demeure en matière de résiliation du bail à  usage professionnel.


par Ted-Rousseau KENNANG GUEFACK
Université de Dschang Cameroun - Master II 2016
  

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SECTION 2 : LE DÉFAUT DE RÉGULARISATION DE LA SITUATION DÉFAILLANTE

La mise en demeure comme nous l'avons déjà souligné plus haut joue un rôle indispensable dans la procédure de rupture du bail professionnel puisque sans elle, cette procédure serait déclarée irrégulière92. C'est la raison pour laquelle, il est important que cet acte soit lui-même valable pour pouvoir produire les effets attachés à un acte régulier. Par ailleurs, une fois la validité de la mise en demeure attestée, la question qui se pose ici avec beaucoup d'acuité est celle de savoir : que se passera-t-il si la partie défaillante refuse de

88 Le défaut d'entretien ne peut pas par exemple résulter d'un cas de maladie grave d

89 Les grosses réparations sont notamment celles des gros murs, des voûtes, des poutres, des toitures, des murs de soutènement, des murs de clôture, des fosses septiques et des puisards (article 106 al 2).

90 Le bailleur est responsable envers le preneur du trouble de jouissance survenu de son fait, ou du fait de ses ayants-droit ou de ses préposés (article 109).

91 En pareil cas, si le bailleur souhaite vraiment résilier le bail, il devra offrir au preneur une indemnité d'éviction (CA de l'Ouest, n° 11/civ., 9-10-2002 : K. A. c/ F. C., Ohadata J-04-227).

92CF TPI DE BAFOUSSAM, JUG CIVIL N° 67 DU 16 SEPTEMBRE 2005, AFFAIRE Paroisse de la cathédrale de Bafoussam c/ ngoupou Samuel : « en l'absence d'une mise en demeure préalable, la demande de résiliation d'un contrat de bail commercial formée par le bailleur doit être déclarée irrecevable. Article 133 AUDCG

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l'Ohada

régulariser sa situation ? La réponse est simple puisque deux solutions sont prévues en l'occurrence : d'une part la résiliation du bail (paragraphe 1), et d'autre part le refus de renouvellement (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : la résiliation du bail à usage professionnel en droit de l'Ohada

La doctrine oppose la résolution, dont l'effet est en principe rétroactif, à la résiliation, qui ne joue que pour l'avenir93 ; ce qui conduit certains auteurs à déclarer à l'égard des contrats à exécution successive, qu'il y aurait résiliation et non résolution94. La résiliation est définie comme : « la suppression d'un contrat successif pour l'avenir, en raison de l'inexécution par l'une des parties de ses obligations »95. C'est donc son effet rétroactif qui la distingue de la résolution, et plus encore de la nullité qui sanctionne plutôt un vice de formation. Longtemps la jurisprudence n'a semblé se soucier du trouble sémantique né d'un usage aléatoire des notions de résolution et de résiliation. La distinction répandue était tirée de la nature du contrat rompu : le contrat à exécution instantanée est résolu, tandis que le contrat à exécution successive se trouve résilié, en conformité d'ailleurs avec le vocable législatif s'agissant du bail commercial. En étaient déduits les effets respectifs de la résolution et de la résiliation, la première devant remettre les parties dans l'état où elles se trouvaient antérieurement, alors que la seconde ne valait que pour l'avenir, ne remettant pas en cause l'exécution contractuelle intervenue+ depuis la conclusion du contrat jusqu'à sa résiliation. Mais il semble que la résiliation ne soit pas la résolution d'un contrat à exécution successive. Si seule la résolution se conçoit pour un contrat à exécution instantanée, résolution et résiliation se combineraient pour un contrat à exécution successive, en fonction de l'inexécution sanctionnée.

En outre, en ce qui concerne le bail, il a été procédé à un véritable toilettage des dispositions relatives à la cessation du bail professionnel. De prime abord, il importe de relever la disparition du terme « judiciaire » de l'intitulé du chapitre VII consacré désormais à la « résiliation du bail ». Au regard de cette disparition, l'on est tenté de penser que la

93 La Cour de Cassation pour sa part, utilise indifféremment les deux termes. Une telle incertitude terminologique rend parfois l'interprétation de ses arrêts particulièrement délicate. Voir par exemple, l'interprétation donnée à l'arrêt Cass.Civ. 2 mars 1983 MARTY ET RAYNAUD dans Les obligations, Sirey, 2è éd., 1988 n°332, P.342, note 4.

94 GHESTIN (J.), JAMIN(C.), BILIAU (M.), Traité de droit civil (les effets des contrats), L.G.D.J, 3è édition, 2005, n°615.

95 GUILLIEN et VINCENT, Lexique des termes juridiques, 13è édition, 2001, P.487.

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résiliation du bail peut être amiable d'autant plus que contrairement à l'article 100 de l'ancien Acte uniforme relatif au droit commercial général, le nouvel article 132 semble beaucoup plus libéral puisqu'il consacre la possibilité de s'affranchir de l'office du juge96. Malgré tout, la résiliation demeure judiciaire, car l'article 133 alinéa 2 établit l'obligation de saisir le juge en exigeant que la demande en justice aux fins de résiliation du bail doive être précédée d'une mise en demeure. Le législateur cherche par-là à soumettre cette procédure au contrôle du juge qui devra toujours chercher à assurer la protection des intérêts des parties en présence.

En effet, les distorsions jurisprudentielles sur des questions processuelles comme celle de la compétence juridictionnelle ainsi que les lenteurs constatées dans l'instance en résiliation du bail professionnel sont de nature à entraver l'objectif d'une application judiciaire du droit uniforme OHADA97. C'est conscient de ces enjeux stratégiques que le législateur de l'OHADA a esquissé une stratégie d'aménagement de la procédure de résiliation du bail professionnel (A). Mais, à la lecture de l'article 133 du nouvel Acte uniforme, il ne fait pas de doute que le législateur uniforme n'est pas allé jusqu'au bout de sa logique. En outre, une fois que la procédure de résiliation aura été menée régulièrement, celle-ci produira inéluctablement des effets juridiques (B).

A- La procédure applicable en cas de résiliation du bail professionnel

Le droit uniforme du bail commercial a été toujours marqué par une volonté de garantir la protection du locataire commerçant contre l'arbitraire du bailleur au cours de l'instance en résiliation. Il s'agissait, à travers l'exigence d'une mise en demeure préalable du preneur et de la nécessité de la reproduction de certaines mentions dans l'acte extrajudiciaire de mise en demeure, de favoriser la continuité de l'exploitation et la sécurité des activités commerciales. Cette protection recherchée non seulement par le législateur OHADA mais par toutes les législations en droit du bail professionnel, se décline quelque part en l'évitement des lenteurs procédurales. Il sera davantage question dans le cadre de cette procédure de s'interroger sur deux (2) points : Qui peut exercer cette action ? D'où l'idée des titulaires de l'action et quelle est la juridiction compétente pour statuer ?

96 L'on peut affirmer que le recours au juge est facultatif puisque la mise en oeuvre d'une clause résolutoire n'est pas nécessairement assujettie à la présence du juge. Voir en ce sens C.A. du Centre, arrêt n°108/Civ. du 12 déc. 2003, FOMAKA GWEI Isaac c/ La Sierka, Ohadata n°J-04-204.

97« Avec diligence dans les conditions propres à garantir la sécurité juridique des activités économiques afin de favoriser l'essor de celles-ci et d'encourager l'investissement »

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l'Ohada

S'agissant primo des titulaires de l'action en résiliation, nous devons partir du constat selon lequel l'action en résiliation a été considérée avant la réforme de 2010 comme une « action attitrée » ou « action réservée ». Il s'agit d'une action dans laquelle « la qualité pour agir apparait comme une condition distincte de l'intérêt à agir puisqu'il faut exciper tout à la fois de l'intérêt que l'on a à élever ou à combattre la prétention litigieuse et du titre qui permet de le faire». L'action attitrée n'est attribuée qu'à certaines personnes intéressées seulement98. Sous l'angle de la théorie générale de l'action en justice, la loi communautaire avait ainsi prévu une « attribution exclusive » du droit d'agir au bailleur , du moins dans le cadre de l'action en résiliation du bail commercial pour inexécution des conditions du bail. Sous l'empire de l'ancien article 101 de l'Acte uniforme sur le droit commercial général, il a été prévu une attribution spéciale très étroite du droit d'agir en résiliation du bail commercial. Seul le bailleur était habilité à se pourvoir en résiliation. Cela est d'ailleurs mieux perceptible à l'article 101 alinéa 2. Mais, cette attribution exclusive au bailleur du droit d'agir en résiliation était de moins en moins acceptable, si l'on sait que le preneur pouvait dans bien des situations avoir intérêt à se délier du contrat de bail, en invoquant une inexécution des obligations du bailleur. Alors, pourquoi, ne pas lui ouvrir la possibilité d'agir en résiliation en excipant d'une défaillance du bailleur ? C'est à cette question que le législateur Ohada a répondu en consacrant, dans la nouvelle version de l'acte uniforme relatif au droit commercial général un droit de résiliation du preneur. Le nouvel Acte uniforme portant sur le droit commercial général a franchi ce pas, en consacrant le droit de résiliation du preneur. Il résulte de l'alinéa 1er de l'article 133 de cet Acte uniforme que : « le preneur et le bailleur sont tenus chacun en ce qui le concerne au respect de chacune des clauses et conditions du bail sous peine de résiliation ». Désormais, aussi bien le bailleur que le preneur ont qualité pour agir en résiliation, en raison de la défaillance de l'autre partie dans l'exécution de ses obligations contractuelles.

Secundo, s'agissant de la juridiction compétente, La réforme du 15 décembre 2010 de l'AUDCG a essayé d'apporter une réponse à la question du juge compétent en matière de résiliation. L'article 133 dispose désormais que « La demande en justice aux fins de résiliation du bail doit être précédée d'une mise en demeure d'avoir à respecter la ou les clauses ou conditions violées (...) A peine de nullité, la mise en demeure doit indiquer la ou les clauses et conditions du bail non respectées et informer le destinataire qu'à défaut de

98C'est tout le sens du deuxième paragraphe de l'article 1-2 alinéa 1e du Code de procédure civile sénégalais qui réserve les « cas où la loi attribue ce choix aux seules personnes qu'elles qualifie pour élever une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé »

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s'exécuter dans un délai d'un mois à compter de sa réception, la juridiction compétente statuant à bref délai est saisie aux fins de résiliation du bail et d'expulsion, le cas échéant, du preneur et de tout occupant de son chef ».La compétence du juge siégeant à bref délai, c'est-à-dire pour le droit camerounais, le juge des référés, semble s'ériger en principe. Dans l'hypothèse de la résiliation en présence d'une clause résolutoire, le problème de la compétence du juge des référés s'est posé avec beaucoup d'acuité. La détermination de la juridiction compétente variera selon que la résiliation sera avec ou sans clause résolutoire. La difficulté tenait en ce que le juge des référés ne rendant que des ordonnances, devait-il se déclarer compétent toutes les fois qu'il était saisi d'une demande en expulsion pour inexécution ou mauvaise exécution des conditions du contrat de bail professionnel ? Cette question qui à l'origine d'une énorme division jurisprudentielle99 n'a pas elle-même trouvé de solution malgré l'avis donnée par la CCJA le 04 Juin 2003100. Même si l'avis donné par la CCJA, n'a pas apportée une solution satisfaisante à la question, elle a eu le mérite d'avoir levé le doute sur le sens du mot « jugement » qui doit s'entendre au sens large. Mais il demeurait la question de savoir si la compétence du juge du fond était le principe et celle du juge des référés l'exception ? La grande partie de la doctrine avait alors pris position, pour la compétence du juge de fond, le juge des référés ne pouvant intervenir qu'en présence d'une clause résolutoire, ce que n'approuve pas une autre doctrine101. Ceci s'est justifié par le fait qu'en présence d'une clause résolutoire, le juge, n'ayant pas grand-chose à faire, il doit siéger à bref délai, car il ne doit que constater la résiliation qui a été parfaite entre les parties. On sait traditionnellement que la clause résolutoire, lorsquelle est insérée dans un contrat, a pour effet de faciliter la rupture du contrat concerné. Parce qu'une telle clause prive le juge de tout

99 Au Cameroun, Arrêt n° 157/Civ, du 28 Janvier 2000, Aff. Sté Papadhópoulos et Fils c/ CNDC, inédit. Le juge de référé de la Cour d'Appel du centre affirma sans aucune ambiguïté que « le bail non écrit n'en constitue pas moins un et que le juge des référés est compétent pour prononcer l'expulsion du locataire s'il est établit que celui-ci ne paie pas ses loyers ». Par contre, dans d'autres affaires, la même juridiction avait subordonnée cette compétence à l'insertion dans le contrat d'une clause résolutoire. Voir Arrêt n°362/Civ/02-03 du 06 Juin 2003 Aff. SCI FOV c/ Sieyansdji Jean Baptiste, Inédit.

100Une position de principe de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage s'avérait nécessaire pour mettre un terme aux hésitations jurisprudentielles. D'une part, saisie par voie consultative par le Ministère de la Justice du Sénégal sur la question de la détermination de la juridiction compétente visée par l'article 101 de l'Acte uniforme portant droit commercial général, la haute juridiction communautaire a rendu l'avis n° 001/2003/EP du 4 juin 2003.

101Ce qui au regard d'un auteur semble « alourdir la procédure d'expulsion des preneurs indélicats, qui se trouvaient par l'occasion protégés excessivement par les dispositions bienveillants de l'article 101 de l'AUDCG ». Voir KEUGONG WATCHO (R.S.), « Juridictions compétentes en matière de résiliation de bail professionnel après la réforme de l'Acte Uniforme relatif au droit commercial général » in Juridis périodique, n°93, Janvier-Février-Mars 2013, P.102.

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pouvoir d'appréciation du degré d'inexécution de la part du débiteur102, on admet que le juge des référés est compétent pour se prononcer pour la résiliation du bail, et l'expulsion du preneur. En effet, en présence d'une clause résolutoire, ce n'est pas le juge qui prononce la résiliation, mais elle s'opère de plein droit à partir du moment où une des deux parties a violé une des conditions visée par la clause résolutoire introduite dans le du bail. Le législateur OHADA a confirmé cette compétence du juge des référés en matière de résiliation du bail dans sa réforme de 2010. Mais il semble que le législateur OHADA a même étendu cette compétence du juge des référés en cas d'absence de clause. Ainsi une interrogation naît : le juge des référés serait-il devenu le juge de droit commun en matière de résiliation du bail professionnel en OHADA ? Une réponse affirmative s'impose et diverses raisons là justifient. Les premières tiennent au fait que le législateur de 2010 en changeant la terminologie « Résiliation Judiciaire » pour « Résiliation »103 tout court a voulu être plus précis quant au fait que la résiliation pourrait être judiciaire, conventionnelle ou légale. Et quel que soit le cas, le juge des référés sera compétent pour connaître de la résiliation du bail professionnel. Les secondes, quant à elles concernent l'idée de « juridiction siégeant à bref délai ».En réalité, le fait pour le législateur d'avoir adjoint à l'expression « juridiction compétente » celle de « juridiction compétente siégeant à bref délai » est justement de donner au juge des référés pris comme juridiction siégeant à bref délai une compétence ne faisant plus l'objet d'un doute. La réforme de 2010 a apporté une solution en affirmant qu'il existe des hypothèses dans lesquelles le juge des référés peut se prononcer sur la résiliation alors que dans d'autres et notamment en présence d'une clause elle devra tout simplement constater la résiliation qui se serait réalisée automatiquement. Le texte communautaire aurait ainsi doté la juridiction des référés d'une compétence dérogatoire qui emporterait éviction des conditions du référé de droit commun104. Il s'agirait d'un référé spécial ou plus précisément d'un référé de fond, qui n'emprunte au référé que les formes procédurales tandis que les principes généraux qui caractérisent les référés ne lui sont pas applicables. Ainsi, même en présence de contestation sérieuse ou en dehors de toute urgence, le juge des référés serait seul compétent pour statuer sur la résiliation du bail professionnel, à l'exclusion de toute autre juridiction.

102 En effet, dans le cadre d'une action en résiliation judiciaire le juge se doit d'apprécier l'importance de la faute (en ce sens, V. Cass.Civ. 3è éd, 126 mars 1977 ? Rev. Loyers, 1977).

103 Chapitre VII du Titre 1 Livre VII relatif au bail à usage professionnel et fonds de commerce.

104 Il s'agit de l'absence de contestation sérieuse, urgence etc...

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery