B- Régularisation hors délai
La régularisation de la situation litigieuse doit
intervenir dans un délai bien déterminé qui est d'un (01)
mois. L'article 133 de l'AUDCG de 2010 dispose que : « À peine
de nullité, la mise en demeure doit indiquer la ou les clauses et
conditions du bail non respectées et informer le destinataire
qu'à défaut de s'exécuter dans un délai d'un mois
à compter de sa réception, la juridiction compétente
statuant à bref délai est saisie aux fins de résiliation
du bail et d'expulsion, le cas échéant, du preneur et de tout
occupant de son chef ». Ce qui à notre sens semble vouloir
dire que toute régularisation ne devrait pas s'inscrire en dehors du
délai d'un mois. Cependant, qu'en est-il donc si elle intervient
après ce délai ? Le Tribunal Régional Hors Classe de
Dakar78 a proposé une solution, lorsqu'il estime que :
«Lorsque le preneur ne paye pas ses loyers ou ne respecte pas les
clauses et conditions du bail, la résiliation de celui-ci et l'expulsion
du preneur peuvent être obtenues par voie judiciaire. Conformément
à l'article 101 de l'AUDCG, une mise en demeure par acte extrajudiciaire
doit informer le preneur qu'à défaut de paiement dans un
délai d'un mois la résiliation sera poursuive. Ainsi lorsque les
loyers réclamés ont été payés hors du
délai imparti par le commandement de payer, le juge ordonne la
résiliation du bail, l'expulsion et la condamnation à payer les
sommes dues ». Mais cette solution va être remise en cause par
un Arrêt de la Cour d'Appel du Centre79 dans laquelle le juge
estime que : « Le juge peut refuser la résiliation pour tenir
compte de ce que le débiteur a intégralement acquitté
des
78 Tribunal Régional Hors Classe de DAKAR,
jugement civil n° 2322 du 17 décembre 2003, REMY JUTEAU c/ LA STE
SENITAL, Ohadata J-04-282.
79CA du CENTRE, N°124/De, 19-3-2004 : Le
groupe SOCOPAC/FOMUP c/ La SCI des Frères Réunis, Ohadata
J-04-207 ; voir aussi dans ce sens CA Ouagadougou, N° 105, 19-11-1999 :
IMPEX-AFRIQUE c/ ATTIE CHAWKI, F. AHO et al. ; OHADA : Jurisprudences
nationales. Éd. BENIN CONSULTING GROUP, Cotonou (Bénin) : 2004, p
39,2BF21
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La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
loyers échus avant l'introduction de l'instance en
expulsion bien que le délai d'un mois imparti étant
déjà écoulé ». De même, comme l'a
rappelé le juge de la Cour d'Appel d'Abidjan, l'appelant (locataire)
s'étant déjà acquitté de tous les loyers dus, y
compris ceux qui avaient motivé le premier juge à ordonner son
expulsion, la demande actuelle de résiliation du bail fondée sur
le non-paiement de loyers devient sans objet, et il n'y a lieu ni à
résiliation du contrat ni à expulsion de l'appelant80.
Ainsi, si la situation est régularisée, et ce même
après que soit rendue la décision constatant l'acquisition de la
clause résolutoire l'expulsion du locataire peut ne pas avoir lieu. En
effet, la jurisprudence précise que lorsque les causes du commandement
ont été réglées hors du délai imparti, mais
avant que le Juge ne statue, le Juge peut accorder rétroactivement des
délais au locataire, puis constater que le paiement ou
l'exécution demandé a eu lieu dans ces
délais81Notons que «la demande de suspension des effets
de la clause résolutoire est recevable, même si l'acquisition de
la clause résolutoire a été consacrée par une
ordonnance du Juge des référés devant lequel le preneur,
qui n'avait pas comparu, n'avait pas sollicité de délai».
Cependant, il se pose un problème de savoir si la
possibilité donnée au preneur de s'exécuter même
après le délai légal d'un mois ne remet il pas en cause
l'efficacité de la mise en demeure ? La réponse à cette
question nécessite de comprendre le but même de la
législation Ohada, c'est-à-dire assurer la sécurité
des transactions juridiques en maintenant autant que possible les contrats en
vie. Par là même, il est donc de bon droit et c'est ce que la
jurisprudence en validant une régularisation hors délai, de
reconnaître à la partie souhaitant régulariser sa situation
après le délai prévu de le faire. Mais, si tel est le cas
que deviendra donc le bailleur s'étant déjà engagé
auprès de tierces personnes ? Va-t-on le sacrifier ? Il s'en suit qu'une
réparation pourrait lui être alloués sur la base du retard
dans l'exécution de son ou ses obligations contractuelles. La
réparation pourra aussi tenir compte du fait que le bailleur aurait subi
un préjudice ou fait subir un préjudice à un
éventuel tiers avec qui il aurait déjà contracté.
Aussi, plus loin, il échait de comprendre que la mise en demeure peut
être double si l'on se base sur l'article 133 al.4 de l'AUDCG
nouveau82 qui prévoit une notification aux
80CA Abidjan, N° 330, 10-3-2000 : MALKA Elie
c/ Sté TOTAL CI, F. AHO et al. ; OHADA : Jurisprudences nationales.
Éd. BENIN CONSULTING GROUP, Cotonou (Bénin) : 2004, p 24,
2CI11.
81Cour d'appel de Bordeaux, 2 novembre 2011,
n° 11/4804 :«Le paiement intégral des loyers dus étant
intervenu avant même que la cour accorde ces délais, il doit
être constaté que la clause résolutoire n'a pas
opéré.»
82 Article 133 al.4 : « La partie qui
entend poursuivre la résiliation du bail doit notifier aux
créanciers inscrits une copie de l'acte introductif d'instance. La
décision prononçant ou constatant la résiliation du bail
ne peut intervenir qu'après l'expiration d'un délai d'un mois
suivant la notification de la demande aux créanciers inscrits
».
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
créanciers inscrits sur le fonds qui intervient
après la première mise en demeure et qui leur impartis encore un
délai d'un mois supplémentaire pour leur permettant ainsi
d'être informé et de prendre les mesures qui s'imposent.
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